Intervention de Renaud Muselier

Délégation aux Collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 19 novembre 2020 à 9h30
Table ronde sur l'actualité des collectivités territoriales avec la participation de m. françois baroin président de l'association des maires de france ; m. dominique bussereau président de l'assemblée des départements de france ; m. renaud muselier président de régions de france ; m. sébastien martin président de l'association des communautés de france

Renaud Muselier, président de Régions de France :

Merci, Françoise, pour cette réunion et pour ton attention permanente aux préoccupations des collectivités. Je salue nos collègues sénateurs ici présents et mes deux complices de Territoires Unis, Dominique Bussereau et François Baroin. Nous sommes toujours en phase depuis que cette initiative a été lancée, ici à Marseille, avec Hervé Morin, sous l'égide de Régions de France, en présence du président du Sénat. Nous avons traversé de nombreuses crises en commun et le titre de « Territoires unis » nous sied parfaitement. Je suis également heureux d'entendre Sébastien Martin ce matin, dont les propositions ne peuvent qu'enrichir la position collective.

Je partage bien entendu tous les propos tenus par François Baroin et Sébastien Martin.

Dès le départ, nous avons évoqué le problème de la crise sanitaire, puis celui de la crise économique et celui de la crise sociale qui allait survenir. Nous nous sommes efforcés de gérer au mieux ces difficultés compte tenu des responsabilités qui sont les nôtres. Si nous sommes entrés dans la période de crise sanitaire, au printemps, avec la volonté d'éviter toute polémique, l'absence de polémique ne signifie pas l'absence de réflexion. Nous avons pu nous exprimer de façon assez sèche et sévère devant la mission de l'Assemblée nationale sur la gestion de cette crise.

En tant que médecin, président de ma région et président de Régions de France, j'ai une vision très négative de la gestion de cette crise par le ministère de la Santé. C'est lui qui a organisé les pénuries et commis les erreurs stratégiques. Or, on ne peut jamais gérer une crise quand on a organisé la pénurie. On se ment, on triche, on raconte des salades et on se retrouve dans une situation épouvantable. Cela nous a conduits à être hyperactifs, à un moment donné, en aval. La crise doit être gérée par des professionnels de la crise, en l'espèce le ministère de l'Intérieur ou le ministère de la Défense, pas le ministère de la Santé. Pourtant, on retrouve aujourd'hui les mêmes acteurs à la manoeuvre, face à cette deuxième crise. Je sors, par conséquent, de la position « zéro polémique » que j'avais adoptée.

Au niveau des ARS, nous avons vu des situations assez surprenantes. Dominique l'a évoqué. L'ARS du Grand Est, qui a été pitoyable, a explosé en vol tandis que dans ma région, l'ARS a été parfaite. Le problème, sur ce point, est assez simple : les ARS sont aux ordres du ministère de la Santé. Elles n'ont plus de moyens, notamment dans les régions qui se sont agrandies. La fusion des Directions départementales des Affaires sanitaires et sociales (DASS) et des Directions régionales des affaires sanitaires et sociales (DRASS) a entraîné une pénurie de personnel et de ressources humaines. Suivant la qualité de l'ARS, cela se passe bien ou non.

Je suis aussi interpellé de façon insupportable par le rôle joué par le conseil scientifique. Celui-ci s'exprime à tort et à travers, ses membres adorent la télévision. Ils parlent avant le Premier ministre et avant ou après le président de la République pour expliquer que nous allons mourir demain, sans nous dire comment ni pourquoi. Ses messages sont extraordinairement dramatiques et négatifs, n'offrant jamais la moindre lueur d'espoir. Nous voyons que la situation évolue avec les interventions du Premier ministre, lequel s'efforce de donner désormais un cap afin de nous donner un peu de visibilité. Le rôle des membres du Conseil scientifique n'est pas de s'exprimer à la télévision pour empiéter sur le champ politique et s'immiscer dans celui de la décision. Ce sont les raisons pour lesquelles je suis particulièrement en colère sur ce point, notamment dans cette deuxième vague.

Le deuxième confinement présente des points communs avec le premier. Nous avons connu le problème des masques, celui des tests et, de façon générale, de la stratégie défendue par les pouvoirs publics. Au début, il ne fallait pas se masquer, puis il nous a été demandé de le faire, ainsi que de se tester et de s'isoler en cas de test positif. Cela changeait sans arrêt. En réalité, il faut se masquer, appliquer les gestes barrières et se tester mais de façon ciblée et non de façon systématique pour tout le monde, tout le temps. Cela n'a aucun sens et tout ceci n'est pas organisé dans notre pays. Je le déplore vivement.

Le confinement autoritaire et généralisé a fait se lever un vent de résistance. Je n'y contribue pas mais je vois bien, dans ma région, les positions des uns et des autres. Le fait que le gouvernement nous place devant le fait accompli, prenne des décisions discutables sur le plan sanitaire et non acceptables par nos concitoyens, entraîne une forme très dangereuse de révolte sociale et institutionnelle, conduisant certains élus à revendiquer un droit à la désobéissance. A Marseille, un maire de secteur est allé plus loin. Il faut faire très attention à la justesse des propos. Je mets en garde : lorsqu'on conteste une décision, il faut le faire dans les règles.

Je crois qu'il faut remettre les préfets au centre du dispositif et se rapprocher des territoires. Je ferai des propositions la semaine prochaine au nom de Régions de France car nous ne connaissons ni les taux, ni les courbes, ni les méthodes retenus pour décider d'un confinement ou de l'ouverture des commerces.

Au titre de Régions de France, nous avons signé d'emblée, avec le Premier ministre, un accord de partenariat pour le plan de relance prévoyant un investissement massif au profit des régions dans le cadre des contrats de plan État-région. Cet accord, d'une durée de sept ans, prévoit un effort de 20 milliards d'euros contre 14 initialement. Sa mise en oeuvre passera par la territorialisation de la plus grande part possible des crédits du plan de relance. Je pense que le Premier ministre est sincère dans cette démarche. Néanmoins, nous constatons que sur les 100 milliards d'euros du plan de relance, seuls 16 milliards sont déconcentrés, ce qui me paraît insuffisant.

Avec le Premier ministre, nous avons décidé de confier le pilotage du plan de relance au président de région et au préfet de région, la territorialisation devant s'appuyer sur les départements et métropoles et ainsi agir au plus près du terrain. Le préfet de région nous paraît être l'interlocuteur le plus approprié. Il nous est arrivé d'avoir pour interlocuteurs des sous-préfets à la relance sans pour autant pouvoir identifier leurs missions précises. Il faut recentrer le pilotage au niveau régional de sorte que les opérateurs de l'État (Agence nationale pour la rénovation urbaine - ANRU -, Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie - ADEME -, Banque publique d'investissement - BPI -, etc.) ne lancent pas des projets au niveau central. Cela aurait pour conséquence de mélanger les contrats de plan État-région, les fonds relevant de filières spécifiques (aéronautique, tourisme, etc.) ainsi que le plan de relance, sans que nous sachions qui fait quoi. Les ministères adorent ces tuyauteries parallèles mais cela a pour effet de créer des États dans l'État et de ralentir la mise en oeuvre des décisions.

La signature avec l'État d'un accord de relance pour 2021 et 2022 est prévue d'ici la fin de l'année 2020. Pour la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, l'accord porte sur 64 millions d'euros de travaux, qui démarrent dès à présent. Ce sont en fait des résidus de travaux initiaux qui n'avaient pas été réglés et qu'il faut relancer. Un contrat de préfiguration du contrat de relance 2021-2027 doit également être signé avant la fin de l'année. Nous voyons déjà que certains aspects ne sont pas couverts par le contrat de plan État-région, à commencer par les infrastructures ferroviaires. Au premier semestre 2021, le contrat de relance et le contrat de plan État-région doivent être signés pour nous apporter une visibilité. Pour ma région, il est question de 4,5 milliards d'euros. Ce sont donc des montants financiers conséquents et intéressants.

Enfin, sur le plan des crédits européens, les fonds d'urgence européens et les fonds de transition juste doivent entrer dans une logique de guichet régional, copiloté par le préfet de région et le président de région et non par ministère, sous l'autorité de Bercy, auquel cas les fonds européens seraient détournés au profit de l'échelon central.

S'agissant de la décentralisation, j'avais dit au Sénat, devant Mme Gourault, aux côtés de Territoires Unis, qu'il fallait, à côté des 3D, les 3C de clarté, compétence et confiance. Nous en sommes très loin, malgré la très bonne volonté dont fait preuve la ministre. Je voudrais saluer l'action entreprise par le Sénat, qui a élaboré au cours de l'été les trois propositions de loi. Nous y avons été associés, au titre de Territoires Unis, d'un bout à l'autre. C'est un excellente base de travail pour le débat parlementaire au regard du projet 3D du gouvernement, dont je ne suis pas sûr qu'il soit à la hauteur de ce que nous souhaitons.

Je pense que le Premier ministre est décentralisateur mais qu'aucun ministère ne souhaite s'engager dans cette démarche. Il nous appartient de rester unis pour la défense de nos territoires.

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