Intervention de François Baroin

Délégation aux Collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 19 novembre 2020 à 9h30
Table ronde sur l'actualité des collectivités territoriales avec la participation de m. françois baroin président de l'association des maires de france ; m. dominique bussereau président de l'assemblée des départements de france ; m. renaud muselier président de régions de france ; m. sébastien martin président de l'association des communautés de france

Photo de François BaroinFrançois Baroin, président de l'Association des Maires de France :

Nous partageons pleinement ton analyse à propos de la déconcentration. Nous avions exprimé cette position durant la première guerre contre le Covid, à la suite de l'échec de la bataille de la logistique. Le dernier kilomètre, dont l'importance avait alors été spectaculairement mis en lumière, a été géré par les régions, les départements, les communes et les intercommunalités. Il eût été beaucoup plus sage et plus sûr de confier le pilotage exclusif de ces aspects logistiques au ministère de l'Intérieur, en rétablissant le Conseil national de sécurité civile, supprimé sous la présidence de François Hollande. De même, il aurait fallu faire appel de façon beaucoup plus systématique à l'armée, qui ne demandait que ça, dans chacune des zones de défense, pour coordonner ces aspects logistiques. Nous aurions gagné du temps et en méthode. Ce sont les collectivités locales qui l'ont fait, alors que ce n'est pas pleinement leur métier. Il y a là un enseignement très important à tirer, d'autant plus que pas grand-chose n'a été fait entre le mois de mai et le mois de septembre, ce qui est regrettable. Vos commissions mettront en lumière ce qui a été fait et ce qui ne l'a pas été.

Le même pilotage prévaut aujourd'hui. Le ministère de la Santé devrait être veille permanente afin d'être en mesure de fournir des éléments comparatifs sur l'évolution de la pandémie. Ensuite, le processus de décision doit incomber aux ministères régaliens, sous l'autorité du président de la République, et la coordination du chef du Gouvernement et le pilotage des ministères qui nous sont familiers pour ce qui est de l'organisation. Seulement 24 heures se sont écoulées entre l'annonce du confinement par le président de la République et sa mise en oeuvre. À ma connaissance, d'autres pays ont ménagé un délai d'une semaine entre ces deux moments. Si tel avait été le cas en France, nous n'aurions pas connu le pataquès qui a prévalu concernant les commerces de proximité. Nous aurions en effet rapidement constaté que l'équité n'était pas au rendez-vous du point de vue opérationnel.

Un temps de latence d'une semaine après l'annonce du deuxième confinement aurait permis aux maires et aux préfets, en lien avec les associations départementales des maires, de traiter les difficultés propres aux commerces de proximité. Ces acteurs auraient pu apporter leur connaissance du terrain et faciliter les prises de rendez-vous. Nous aurions été plus efficaces. Il n'y aurait pas eu toutes ces tensions et ces interrogations. L'AMF porte de longue date la demande visant à redonner aux préfets de département une autorité naturelle sur toutes les administrations locales, qu'il s'agisse d'agences ou de directions services déconcentrés. C'est normal.

Les agences doivent-elles être revisitées ? Nous avons le droit de tirer les leçons de nos expériences. Les actuelles ARS ont mis en évidence la nécessité d'un changement absolu de gouvernance. Territoires Unis formule des propositions pour que l'équivalent transformé des ARS soit placé sous la double autorité des présidents de région et des préfets de région, dans l'esprit d'une décentralisation au titre de laquelle la région aurait à connaître une partie de la santé, à l'instar des Länder en Allemagne. Cela peut se décliner sur tous les sujets. Les Directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) ne répondent qu'à un acteur : le ministre de l'Environnement. Même les présidents de région peinent à se faire entendre. Puisqu'un texte sera présenté en débat à la représentation nationale, il faut octroyer aux préfets de département une autorité sur toutes les administrations déconcentrées.

Une bonne partie du plan de relance s'opère à travers un volume d'investissement dont moins de 20 % sont territorialisés, ce qui est extrêmement faible. Nous n'avons pas été consultés sur des priorités, par ailleurs définies par l'État. Nous allons nous efforcer d'entrer à l'intérieur des trois thèmes principaux proposés : transport, environnement, numérique. D'autres thèmes prioritaires auraient pu être retenus, tels que l'agriculture, la ruralité au sens large, la politique du logement, etc. En toute hypothèse, il faudra travailler sur les critères. L'État demandera sûrement aux collectivités territoriales une participation d'au moins 20 % en investissement sur tous les dossiers. Nombre de collectivités ne pourront probablement pas répondre à cette attente en raison de l'écrasement de leur autofinancement. Dès lors, soit l'État assure le portage, soit les discussions avec la région permettent de compléter, mais il ne faut pas demander une participation obligatoire, faute de quoi le projet risque de ne pas voir le jour. L'investissement doit avoir lieu sur le territoire et il doit y avoir une restitution de l'argent du contribuable par la commande publique mais ce ne doit pas être un élément bloquant si une collectivité ne peut être au rendez-vous.

En ce qui concerne les polices municipales, la proposition de loi, inspirée des travaux de deux parlementaires, devient un peu le texte du Gouvernement. La position de l'AMF est constante à ce sujet : le maire prend l'initiative de proposer à son conseil municipal de décider souverainement de créer une police municipale, éventuellement de l'armer et de l'équiper en s'en donnant les moyens. À cet égard, nous n'avons pas apprécié la polémique entre le ministre de l'Intérieur et le maire de Grenoble. Elle a créé une confusion en termes de répartition des responsabilités. Je rappelle que l'ordre public relève de l'État tandis que la tranquillité du voisinage revient au maire. Lorsqu'un représentant de l'État déclare qu'un maire n'a pas fait l'effort financier d'investir dans des caméras de vidéosurveillance ou dans des effectifs de police suffisants, il sort de son rôle. Nous faisons partie d'une République décentralisée où prévaut la libre administration des collectivités locales. Le choix de s'équiper ou non appartient au Conseil municipal, souverain, sous l'autorité du maire, qui inscrit à l'ordre du jour ce type de proposition. Des avancées sont toutefois à noter. Il existe des propositions de création d'un bloc local (qui ne concernera probablement que les métropoles), autour d'un partenariat dans lequel les policiers municipaux joueraient un rôle plus actif d'officiers de police judiciaire, avec la possibilité d'intervenir un peu plus largement dans le cadre d'un contrat avec l'État afin de libérer les forces de la police nationale pour d'autres missions (par exemple la lutte contre le terrorisme). Nous n'y sommes pas opposés mais cela doit rester une faculté et ne pas devenir une obligation.

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