Intervention de François Baroin

Délégation aux Collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 19 novembre 2020 à 9h30
Table ronde sur l'actualité des collectivités territoriales avec la participation de m. françois baroin président de l'association des maires de france ; m. dominique bussereau président de l'assemblée des départements de france ; m. renaud muselier président de régions de france ; m. sébastien martin président de l'association des communautés de france

Photo de François BaroinFrançois Baroin, président de l'Association des Maires de France :

J'ai omis de saluer les travaux du sénateur Darnaud et de toute l'équipe de la délégation. Leur rapport était remarquable et fera date. Je sais que Rémy Pointereau a également été un acteur de cette réflexion.

S'agissant des normes, le dispositif de dérogation proposé par les préfets date, de mémoire, de 2017. Il a été assez efficace à plusieurs égards. Un décret a été pris au mois d'avril pour en élargir le champ, mais toujours pour les seuls actes règlementaires relevant de l'État. Le dispositif est peu connu et la délégation pourrait utilement demander qu'une lettre ministérielle soit signée par le Premier ministre afin de demander aux préfets d'aller devant les associations départementales des maires pour indiquer la liste des dérogations normatives pouvant exister et en assurer le cadre général.

La compétence GEMAPI illustre bien l'alternative du diable : dîner à sa table ou mourir de faim. La loi modifiée a créé l'obligation, pour les collectivités locales, d'investir pour le financement des ouvrages d'art. L'État a ainsi totalement dégagé sa responsabilité pénale au regard de possibles accidents. Ce cadre général est rendu plus ou moins inopérant par la politique de Bercy à propos de la réduction des plafonds mordants des agences de l'eau. Une collectivité peut difficilement s'engager dans les volumes importants d'investissement requis, sans relais par une agence de bassin. Or ces agences n'ont pas les moyens de créer l'effet de levier nécessaire pour financer ces ouvrages d'art. Je pense qu'il faut rechercher un financement croisé, avec des agences de bassin retrouvant, dans le cadre du plan de relance et de la relance de l'investissement public, la possibilité d'avoir des fonds pour investir, en lien avec les intercommunalités et en partenariat avec les départements ou les régions, en fonction de l'intérêt de l'ouvrage concerné.

La question posée par Céline Brulin, concernant les impôts de production, était adressée à Renaud Muselier. Je signale simplement que leur suppression envisagée a un impact direct sur intercommunalités dont ils constituent des recettes essentielles. C'est un vrai sujet. Je le répète : je ne vois pas comment le Conseil constitutionnel ne pourrait pas, sans doute à l'initiative du Sénat, avoir à faire prévaloir, de façon puissante, l'article 72 relatif à la libre administration des collectivités territoriales. Nous sommes au bout du bout.

La suppression de la taxe d'habitation est en fait une nationalisation d'un impôt local par création d'un déficit. Le contribuable local a été transformé en contribuable national. Il en est de même pour les impôts de production : l'agent économique qui est en lien avec son territoire est remplacé par un contribuable national avec pour effet un creusement de la dette à hauteur de de 20 % de PIB que la France est en train d'assumer et de porter pour des générations. C'est une recentralisation par l'impôt. À travers chaque loi de finances, l'Etat affectera ainsi les dotations comme il l'entend. C'est un motif de préoccupation pour l'ensemble des collectivités territoriales.

Le sénateur Dallier soulève une question sur la visibilité et sur le logement. Nous avons été les tous premiers à alerter l'État, au lendemain de la première conférence des territoires de juillet 2017, sur la baisse de l'APL de 5 euros. Dès le mois de septembre, nous avons organisé une conférence de presse avec tous les acteurs du logement pour dire « attention danger ». Dès l'automne, lors du congrès des maires, j'avais saisi le président de la République lui-même en soulignant que cette mesure était une pure folie. Quelques mois plus tard, les membres du gouvernement chargés du dossier ont reconnu que c'était plus qu'une erreur - je ne reprendrai pas leurs propres termes... En toute hypothèse, la question du logement est prédominante : je maintiens qu'elle doit figurer dans le texte sur la décentralisation. Le sénateur Dallier a entièrement raison : il faut alerter les acteurs publics nationaux quant au désastre à venir. Du fait de l'absence de paiement du foncier par les bailleurs sociaux, la base sera de la taille d'une pièce de deux euros. C'est un problème majeur tant pour les collectivités locales que pour les citoyens.

Enfin, la sénatrice Gréaume évoque de nombreux sujets. En ce qui concerne les pertes de recettes, nous avions avancé avant l'été des chiffres de l'ordre de 14 ou 15 milliards. Je pense que nous serons au-delà. Pour les départements, il y a un effet de ciseau entre la baisse des recettes issues des DMTO et la hausse des dépenses liées au RSA. Les communes sont également très impactées. Une part significative de leurs dépenses, qui relève du fonctionnement, ne peut être payée par l'emprunt, à la différence de l'État. Il faut travailler avec Bercy sur un nouveau fléchage. La création d'un troisième bloc de dépenses liées au Covid, au fond, ne change rien. Nous allons les lister mais l'État ne contribuera pas. C'est ce qu'il faut débattre dans le cadre de la loi de finances. De quelle manière l'État prend-il à sa charge les pertes de recettes et les dépenses supplémentaires pour les communes ? En ce qui concerne les intercommunalités, c'est une fiscalité de flux. Nous aurons surtout rendez-vous au mois de mars mais nous avons déjà une idée de l'écrasement de leur autofinancement. Les régions ont aussi subi un choc majeur avec la TVA et la Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), même si la négociation permet de gagner du temps. À la lumière de l'analyse de nos services et selon mon expérience personnelle, j'estime que nous serons à près d'un point de PIB à l'issue du deuxième confinement.

Il est très difficile de dire quelles sont les postes de dépenses qui seront réduits par les maires. Nous essayons de maintenir en survie notre tissu associatif mais nous ne pouvons maintenir des subventions équivalentes. Nous souhaitons verser des subventions aux commerces mais nous regrettons de ne pas avoir de crédits fléchés en investissement pour se faire. Finalement, les économies à faire dans certains secteurs dépendront des choix municipaux mais aussi de la capacité de l'État à proposer qu'une part de nos dépenses de fonctionnement soit intégrée en investissement. Cela nous permettra de récupérer la TVA et d'avoir davantage de latitude pour agir.

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