Je rappelle que la recommandation d'obligation vaccinale pour les nourrissons et la décision prise par Agnès Buzyn résultaient de l'observation d'un effritement de la couverture vaccinale à l'égard notamment de la rougeole et du méningocoque et d'une augmentation des hésitations de la part des parents. On redoutait donc de voir le système se déliter peu à peu. Par ailleurs, on bénéficiait pour les vaccins inclus dans l'obligation vaccinale pour les nourrissons d'une expérience de plusieurs dizaines d'années pour la plupart, permettant de disposer d'indications solides quant aux recommandations que nous pouvions formuler pour la population générale. La situation actuelle est très différente, car le vaccin contre la covid est nouveau et qu'il reste encore une part d'inconnu importante. Il paraît donc logique d'essayer de fonder les décisions de santé publique sur la confiance et non sur l'obligation. Selon moi, l'obligation serait le dernier recours en cas d'échec complet de la politique d'incitation en faveur de la vaccination.
Ceci me conduit à évoquer la question de savoir qui vacciner : est-il logique par exemple de vacciner les personnes à risque en l'absence de preuve que le vaccin les protège correctement ? Selon moi, la recommandation de vacciner les personnes à risque serait évidemment une priorité, mais uniquement si l'on disposait d'évidences raisonnables d'efficacité. Il faudra regarder tout ceci finement : la situation des personnes de 65 ans en bonne santé sera certainement différente de celle ces personnes de 90 ou 95 ans résidant en EHPAD. Il conviendra donc probablement de stratifier la réflexion de façon beaucoup plus fine. Sans doute savez-vous que la HAS est en train de travailler sur ce sujet et va émettre avant la fin du mois de novembre une série de recommandations sur les stratégies et les priorités à mettre en oeuvre, en fonction de ce que l'on saura de l'efficacité des vaccins dans les différents groupes de population. Ce point me paraît absolument critique.
L'autre aspect concerne la confiance. Les politiques vont avoir un rôle absolument majeur, en tant qu'initiateurs d'une démarche. Quelle politique mener pour faire en sorte que les professionnels de santé et la population soient suffisamment convaincus du bienfondé de cette vaccination et que la vaccination soit acceptée par et pour les groupes pour lesquels elle sera indiquée dans un premier temps ? Ceci suppose un énorme effort d'information, qui doit être bien faite, honnête, complète, transparente, notamment sur la question de savoir qui doit mener ces campagnes de vaccination et comment. C'est très important. Je crois qu'il faut essayer d'éviter au maximum que ceci apparaisse comme un message vertical des autorités vers la population. Il faudra autant que possible faire participer la société civile aux recommandations, aux préconisations et à l'information, par le biais notamment des très nombreuses associations existant dans le domaine de la santé et regroupées au sein d'un collectif. Faire participer ces personnes, qui sont très motivées par les questions de santé, de santé publique et de vaccination, à la réflexion et à l'information sur la politique vaccinale serait à mon avis très utile pour faciliter l'intermédiation entre les décisions politiques et le reste de la population.