Intervention de Martial Foucault

Délégation aux Collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 3 décembre 2020 à 9h00
Audition de M. Martial Foucault professeur à sciences-po paris directeur du centre de recherches politiques de sciences po cevipof

Martial Foucault, professeur à Sciences-Po Paris, directeur du CEVIPOF :

Merci infiniment pour ces questions pertinentes même si je ne suis pas certain d'avoir la réponse à toutes. Je ne connais pas le nombre de recours déposés, je crois que c'est 70 ou 80, de mémoire, mais il faudrait vérifier cela.

Concernant le taux de participation, la forte abstention révèle aussi un sujet sur l'engagement. La France se trouve dans une situation paradoxale. En effet, nous sommes les seuls en Europe à mobiliser 900 000 personnes en qualité de candidats pour une seule élection. En parallèle, il est vrai que les difficultés rencontrées par les maires élus en 2014 pour constituer les listes sont nombreuses. Il est difficile de mobiliser les personnes de moins de 25 ans, voire de moins de 40 ans, ainsi que les personnes actives professionnellement.

À cet égard, un sujet important n'a pas été traité dans la loi « Engagement et proximité » ; celui des facilités accordées par les employeurs pour permettre à une personne d'être candidate, d'une part, de libérer du temps une fois élue, d'autre part et, enfin, de retrouver une occupation professionnelle à l'issue d'un mandat.

Quand on s'interroge sur la représentation politique, on a tort de s'arc-bouter uniquement sur des critères d'âge, de sexe et de profession. On devrait tenir compte du statut (actif ou retraité) pour traiter de la question de la représentation.

Aujourd'hui, en France, nous avons 40% de maires retraités. Il ne s'agit pas ici de critiquer leur action, qui est tout à fait honorable. Ceci étant, la catégorie des retraités est surreprésentée parmi les maires. En effet, elle totalise 14 des 66 millions d'individus composant la population française, soit 25 % au mieux de cette dernière, voire 30 % si l'on se réfère au collège électoral (composé de 46 millions d'individus). .

Si nous voulons plus de jeunes engagés au plan municipal, nous avons besoin d'une stratégie ; c'est un processus long. D'ailleurs, cette implication dans la vie politique locale est essentiellement mue par des engagements préalables, pas nécessairement politiques, mais dans des associations sportives, culturelles, économiques ou agricoles. L'engagement préexiste ainsi à toute forme d'appartenance partisane.

L'abstention à cette élection n'est donc pas exclusivement le fait de l'épidémie ; les racines sont beaucoup plus profondes. Je suis malgré tout rassuré de voir que là où la compétition politique s'exprime, avec plus de deux listes en concurrence, on observe une augmentation du taux de participation. Là où des enjeux sont discutés et où le vote des citoyens est décisif, le taux de participation augmente.

Concernant l'engagement politique, peut-on aller au-delà de près d'un million de personnes déjà engagées sur les listes ? Le nombre actuel de communes ne le permet pas sans doute pas.

Une dualité existe bel et bien entre les maires qui ont la possibilité d'exercer plusieurs fonctions ou qui avaient la possibilité, dans un passé encore proche, de cumuler des mandats électifs nationaux et locaux.

Enfin, comment les maires de communes de moins de 9 000 habitants peuvent-ils se former à l'usage des réseaux sociaux ? Dans les plus petites communes, les maires indiquent ne pas avoir de compte personnel et ne pas l'envisager. Par ailleurs, les organismes de formation des élus locaux ne me semblent pas faire les efforts nécessaires pour les former à ces outils. À mon sens, ce n'est pas seulement une question de formation ou de l'appétence. Les réseaux sociaux ne sont pas uniquement des supports de communication politique. Ils constituent une question à part entière dont on devrait débattre, en particulier concernant leurs effets sur la démocratie. Or les maires sont aujourd'hui désemparés et manquent de réponses juridiques. La pénalisation des faits de harcèlement sur les réseaux sociaux est très récente et l'actualité tragique nous a montré l'impossibilité de pénaliser un certain nombre d'actes.

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