Intervention de Bruno Belin

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 17 décembre 2020 : 1ère réunion
Audition de Mme Marie-Pierre Badré présidente du centre hubertine auclert

Photo de Bruno BelinBruno Belin, rapporteur :

Merci, Madame la présidente, d'avoir accepté ce chantier important pour l'année à venir. Je suis très heureux de faire partie des rapporteurs pour conduire ce travail à vos côtés.

Je dois vous dire que je me suis régalé en écoutant Mme Badré !

Depuis mon élection au Sénat, je suis resté élu d'un petit village de la Vienne de 900 habitants, dont j'ai été maire. Au mois de mars dernier, j'ai participé à mes septièmes élections municipales : cette ancienneté m'a permis de constater des évolutions. Je suis également pharmacien d'officine dans ce village, et toujours en activité.

Je voudrais intervenir sur quelques points. Nous avons visiblement le même vécu puisque, dans ma vie d'élu, j'ai souvent entendu des collègues femmes se demander si elles seraient à la hauteur avant de briguer une élection. Alors que la loi ne l'impose pas là où je suis élu municipal, j'ai réussi à constituer des conseils municipaux paritaires en faisant intervenir d'autres collègues déjà élues pour convaincre les femmes de se présenter et établir une sorte de « marrainage » d'élue à élue.

Néanmoins, la règle électorale diffère en France entre les conseils municipaux de plus de mille habitants et ceux de moins de mille habitants. J'y vois une sorte de discrimination, même si, je conçois, le mot est un petit peu fort. Je ne sais pas si notre travail pourra déboucher sur une proposition de loi qui permettra de faire évoluer les choses sur ce point. Je l'espère pour ma part. J'ai pu constater que le panachage est terrible en milieu rural. Dans mon village, certains se régalent de l'usage de la « règle du stylo » dans l'isoloir ! Effectivement, le panachage peut être plus dur pour les femmes, et particulièrement pour les jeunes femmes. Je ne dispose pas d'études ni de chiffres précis sur ce sujet, mais j'estime que le droit devrait être le même dans toute la France et s'appliquer de la même façon dans toutes les communes lors des élections municipales. Je ne vois pas pourquoi il existe encore deux systèmes différents concernant l'obligation de parité lors de ces élections. Le système de la liste bloquée paritaire devrait s'imposer quelle que soit la taille de la commune. De même, les règles ne sont pas les mêmes concernant la parité des exécutifs dans les communautés de communes.

L'heure tardive des réunions est souvent pointée par les femmes comme un obstacle à leur implication dans la vie politique locale. En milieu rural, il est difficile de réunir les conseils municipaux dans la journée, car beaucoup de conseillers exercent une activité professionnelle. Le soir est donc plus propice à l'organisation des réunions.

J'aimerais évoquer deux autres sujets que vous avez abordés. Tout d'abord, la question du logement et de l'accueil des victimes de violences. En tant que maire, j'ai dû faire évacuer plusieurs fois de leur logement des femmes victimes de violences. Cela m'a toujours choqué. Parfois, les enfants étaient aussi concernés. D'autres fois, nous devions évacuer ces femmes en laissant les enfants avec celui qui était vraisemblablement ou incontestablement à l'origine de la violence. Ces questions sont particulièrement difficiles en milieu rural. En milieu urbain, il m'arrivait de pouvoir réquisitionner des hôtels. En effet, j'ai aussi eu des responsabilités départementales, notamment en matière d'affaires sociales. Ces réquisitions sont plus faciles en milieu urbain qu'en milieu rural. Pour avoir essayé de l'expérimenter aussi avec un bailleur social départemental - n'oublions pas que les départements ont des compétences en matière de solidarité -, nous avons essayé d'imposer un pourcentage de logements affectés à l'accueil de femmes victimes de violences. Évidemment, il faudrait qu'il soit aussi possible, dans le cadre de négociations avec les bailleurs sociaux, de prévoir de tels logements dans certains bassins de vie ruraux. Il faut notamment que les structures scolaires soient à proximité si elles ont des enfants en âge d'être scolarisés. On ne peut pas, en milieu rural, isoler des femmes déjà victimes et les rendre ainsi deux fois victimes à cause de cet isolement. C'est pour cela qu'il faut réfléchir à la manière d'organiser l'accueil de ces femmes, avec des logements spécifiques, pour les protéger, en centre-bourg, là où se trouvent évidemment des écoles et des lieux de santé.

En tant qu'élu départemental et président du département de la Vienne, j'ai fait recruter des gynécologues qui exercent dans les Protections maternelles et infantiles (PMI). Il s'agissait d'une expérimentation. L'accès aux spécialistes est extrêmement difficile, nous en avons tous conscience. C'est encore plus vrai en milieu rural, en raison principalement de difficultés de mobilité. J'ai en tête des expériences que nous avons pu mener dans le Civraisien, qui est un territoire du sud du département où je suis élu. Grâce aux PMI, aux sages-femmes qui y effectuent des consultations et aux gynécologues recrutés dans les équipes des médecins départementaux, on a eu une écoute et une disponibilité appréciables. Évidemment, cette disponibilité ne concernait pas toutes les plages horaires de la semaine. Néanmoins, c'est une piste que l'on peut creuser en partenariat avec l'Assemblée des départements de France (ADF) et les départements, parce que les structures les plus proches du milieu rural restent les départements. Nous retrouvons souvent la fracture que vous évoquez pour la Seine-et-Marne. Beaucoup de départements ont aussi instauré des dispositifs expérimentaux permettant de répondre aux défis du monde rural. Je pense, par exemple, à DocVie qui s'est généralisé du côté de Bordeaux mais qui est né d'une volonté départementale. DocVie a proposé, avec mobilité, le dépistage gratuit du cancer du sein à partir de cinquante ans puis du cancer colorectal.

Grâce au Conseil de l'Ordre des pharmaciens, les officines ont été très mobilisées pendant le confinement, avec un code communiqué aux femmes victimes de violences pour qu'elles puissent se signaler et demander discrètement une protection au comptoir des officines. Vous savez que les pharmacies sont évidemment tenues au secret professionnel. L'utilisation de ce code déclenchait obligatoirement un signalement et une protection. Grâce au Conseil de l'Ordre, le réseau des 22 000 pharmacies en France, dont beaucoup se trouvent en milieu rural, est un bon outil de relais dans la lutte contre les violences.

Madame Badré, je tiens à vous remercier une nouvelle fois pour le témoignage que vous nous avez apporté ce matin.

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