Madame Badré, je vous remercie pour votre intervention. Votre témoignage est très impressionnant. En effet, vu de territoires encore plus ruraux que certains départements de l'Île-de-France, il est difficile d'imaginer que votre arrivée en région Île-de-France ait pu être aussi marquante que celle d'élus des territoires ruraux de la France profonde lorsqu'ils se rendent, pour la première fois, au Sénat... Je vois que le chemin qui a été le vôtre est également un peu le nôtre ! Nous sommes évidemment engagés dans ce combat pour l'égalité entre les territoires, car il est important que le principe d'égalité hommes-femmes puisse être universel. S'il y a encore des progrès à accomplir dans ce domaine en zone urbaine, c'est également le cas en milieu rural.
La question de la représentation dans les conseils municipaux a été évoquée à plusieurs reprises : je n'y reviendrai pas.
La représentation au niveau intercommunal est également un sujet important. Un nombre croissant d'actions et de politiques publiques structurantes se mène dans les intercommunalités. La parité et l'égalité dans les exécutifs intercommunaux posent également question, en raison de la persistance du verrou de la représentation des femmes dans les communes de moins de mille habitants situées dans les territoires ruraux. Les modalités permettant de faire sauter ce verrou restent encore à imaginer. Si les conseils municipaux ne sont pas paritaires dans ces communes de moins de mille habitants, cela a des conséquences sur la parité dans les exécutifs intercommunaux, en raison de ce déséquilibre fondateur de la représentation du bloc communal.
Autre sujet : la place des femmes dans les entreprises, de manière générale et dans les zones rurales en particulier, mérite notre attention. L'entreprise dans les zones rurales concerne essentiellement l'agriculture, l'économie de services, le commerce et l'artisanat. Vous avez dit vous-même que si nous rencontrons des difficultés en termes d'égalité hommes-femmes, cela tient essentiellement à des inégalités salariales, de revenus, d'accès à l'emploi, de mobilité, d'éducation et d'accompagnement des politiques de la jeune enfance qui ne favorisent pas l'accès à l'autonomie par le travail. Dans le cadre du rapport de la délégation, un focus particulier est à faire sur l'entreprise et sur l'engagement professionnel. C'est un élément à explorer pour mieux connaître les blocages à l'emploi en zone rurale.
Je souhaiterais également dire un mot sur la manière dont les femmes accèdent aux responsabilités dans les territoires ruraux. Il a été dit, de manière très juste, que les femmes étaient très présentes dans les milieux associatifs. Un focus sera également à faire sur cette question. Participer est une chose, diriger et impulser les orientations associatives - quelles que soient les thématiques - en est une autre. Mon ressenti est que la présence des femmes dans les bureaux et dans les présidences d'associations dans les zones rurales est inférieure à celle des hommes. Il faudrait connaître précisément les mécanismes de ce déséquilibre.
Enfin, pendant des années, l'accès à l'éducation et au partage des responsabilités dans les zones urbaines s'est souvent fait par le biais d'organismes tels que les Jeunesses agricoles catholiques (JAC) et les Jeunesses Ouvrière Chrétienne (JOC). Le syndicalisme, notamment agricole, demeure un élément de promotion de la place des femmes dans les zones rurales. Dans mon département, les syndicats, quelle que soit leur orientation, sont largement investis par les femmes. Voir des jeunes femmes leur consacrer du temps donne une image positive et montre leur engagement pour les causes qu'elles défendent. J'ai constaté, notamment lors du dernier renouvellement municipal, que cette école du syndicalisme a généré un engagement dans les conseils municipaux les plus ruraux. J'ai vu apparaître une nouvelle génération de jeunes maires, issues de mouvements syndicaux agricoles, prenant des responsabilités dans les communes rurales. La question est toujours celle de l'éducation partagée à la responsabilité. Le milieu associatif, le milieu syndical et les milieux de la représentation professionnelle des artisans peuvent être des creusets de progression de l'égalité hommes-femmes dans les zones rurales.
Madame Badré, je crois important que nous prolongions par la suite les échanges que nous avons initiés ce matin. Nous inspirer de votre méthode peut être précieux pour nous, afin de créer une corrélation entre ce que vous avez réalisé sur la région Île-de-France et la situation des autres régions. La contribution de la délégation aux droits des femmes du Sénat permettra, je l'espère, de faire progresser cette cause à la fois légitime, nécessaire et moderne. Il s'agit d'un travail à toujours renouveler dans le territoire national et notamment dans les zones rurales.