Madame Monier, je vous remercie d'avoir souligné la première des inégalités : les stéréotypes de genre. Vous avez bien vu qu'il y a une certaine culture, particulièrement en politique. J'évoque souvent la culture « jambon-salade », qui existait il y a quarante ans lorsque des femmes se rendaient à des réunions le soir : « au dîner, vous mangerez du jambon et de la salade ». Cette culture-là n'est pas particulièrement développée en milieu rural, où la situation diffère par rapport aux villes. Je donne toujours cet exemple car il s'agit d'un marqueur de différenciation entre zones urbaines et zones rurales.
Les freins majeurs à l'égalité en milieu rural sont les obstacles à une plus grande autonomie des femmes. La première des solutions est la mobilité. Bien qu'elle ne constitue pas l'unique problème, la mobilité est un frein majeur à l'autonomie des femmes. Cette autonomie passe également par la possibilité de faire garder ses enfants. Quel est l'échelon le plus approprié pour cela ? C'est l'intercommunalité. J'ai donné l'exemple d'une crèche ambulante : cette initiative dépend bien entendu de l'intercommunalité.
Prenons l'exemple de mon intercommunalité de 95 000 habitants, où je suis élue depuis trente ans. Nous avons 24 % de femmes dans l'exécutif de l'intercommunalité. Vous pouvez regarder quel est le pourcentage de femmes dans les commissions. À chaque fois que je vois une photo d'élus exclusivement masculins sur les réseaux sociaux, je demande toujours où sont les femmes ! Chacune d'entre nous doit contribuer à faire en sorte que les commissions des intercommunalités soient paritaires.
Lorsque la loi sur la parité au sein des exécutifs des communes de plus de 3 500 habitants a été votée, nous avions pensé que la dynamique de cette loi allait entraîner la formation de conseils municipaux paritaires dans les communes de moins de 3 500 habitants. Et pourtant, cela n'a pas été le cas. C'est pourquoi la contrainte législative demeure nécessaire. Il n y a pas de dynamique paritaire spontanée en France et ailleurs. Sans la loi, la dynamique paritaire ne peut s'engager.
Merci pour cette intervention, Marie-Pierre Monier, qui montre tous les freins qui empêchent que les femmes soient entendues en zone rurale. Les femmes ne sont pas entendues car elles sont minoritaires dans les instances politiques. Rappelez-vous que pour qu'un argument soit entendu et pris en compte dans une assemblée, quelle qu'elle soit, il faut que la minorité qui s'exprime soit représentée à plus de 30 %. Vous imaginez donc bien la difficulté d'évoquer des problèmes qui concernent les femmes dans des espaces politiques où elles sont absentes. La première des mesures sur lesquelles nous nous penchons en ce moment au Haut conseil à l'égalité concerne la parité dans les intercommunalités, car ces instances sont au plus près du territoire, après les maires. La situation est différente pour la région, qui est une grande structure. Nous sommes paritaires et nous pouvons faire valoir les difficultés que nous rencontrons. Ce n'est pas le cas dans les zones rurales. Madame la sénatrice, vous avez pointé un problème majeur, celui de la persistance de stéréotypes de genre. Ces stéréotypes existent aussi en zone urbaine mais ils sont plus implantés en zone rurale : c'est le coeur du sujet.