Intervention de Marie-Pierre Badré

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 17 décembre 2020 : 1ère réunion
Audition de Mme Marie-Pierre Badré présidente du centre hubertine auclert

Marie-Pierre Badré :

Merci d'avoir organisé cette réunion si importante pour nous. Je remarque que les problématiques sont les mêmes dans toute la France. Je félicite les hommes qui promeuvent les femmes aux plus hautes responsabilités : ils sont suffisamment rares pour que nous les remarquions. Le problème de fond est celui que vient de mettre en avant Marie-Pierre Richer, présidente pendant dix ans d'une intercommunalité. Elle vient de dire qu'après son départ, l'exécutif de cette intercommunalité ne compte à nouveau que des hommes. Nous voyons bien la fragilité de ce que nous avons acquis.

Prenons l'exemple de l'interruption volontaire de grossesse (IVG) - ce sujet me tient particulièrement à coeur en ce moment - il y a actuellement des menaces terribles contre l'IVG. Ce droit, acquis il y a 46 ans, fait l'objet de remises en cause. Il existe de moins en moins d'endroits en France où les IVG sont pratiquées. C'est encore pire en milieu rural ! Cela explique pourquoi, durant le premier confinement, le Gouvernement a pris une mesure - loin de faire l'unanimité - afin de repousser de 12 à 14 semaines le délai de recours à l'interruption de grossesse. En effet, les disponibilités pour faire pratiquer les IVG dans les délais légaux étaient insuffisantes. Le Gouvernement a refusé de le faire à nouveau durant le deuxième confinement. C'était légitime de mon point de vue car les femmes pouvaient plus facilement accéder aux hôpitaux ou aux cliniques qui pratiquent cette intervention. Nous voyons bien combien ces avancées sont fragiles. À la région Île-de-France, nous avons pris position suite à la décision du Tribunal constitutionnel polonais de restreindre drastiquement l'accès des femmes à l'IVG. À la suite de cette décision, les femmes sont descendues dans la rue et le gouvernement polonais n'a pas tiré les conclusions législatives de la décision du tribunal constitutionnel.

Tous les droits que nous avons obtenus, même ceux qui ont été acquis il y a si longtemps, sont fragiles. Rappelez-vous les propos de Simone de Beauvoir qui affirmait qu'à la première crise, religieuse ou sociale, les droits des femmes seraient remis en cause immédiatement. Il faut retenir cette réalité. L'égalité femmes-hommes est encore un combat. Elle reste un combat. Pour ma part, je mène ce combat tous les jours.

Je remercie le Sénat de se pencher sur les femmes dans la ruralité, notion qui concerne des territoires très étendus et de nombreuses personnes. Nous avons tendance à oublier ces territoires, alors qu'ils font partie intégrante de la vie de notre pays. Il faut, chaque jour, faire en sorte que les femmes qui vivent dans ces territoires soient un peu plus présentes. L'harmonisation entre la vie professionnelle et la vie familiale est l'un des éléments qui favorisent l'accès des femmes aux responsabilités. M. Belin a cité les réunions tardives comme obstacle à l'engagement politique des femmes. Il est plus facile, au Centre Hubertine Auclert, d'organiser des réunions le soir à partir de 18 heures. Nous offrons l'équivalent du coût de la garde des enfants aux femmes qui sont membres du conseil d'administration pour qu'elles assistent aux réunions. C'est peut-être plus facile car nous sommes en zone urbaine. Néanmoins, je pense que, même en milieu rural, on devrait pouvoir offrir cette possibilité. Cela représente pour nous un budget peu significatif. Certaines mères (ou pères) ne peuvent pas participer au conseil d'administration en raison du système de la garde alternée. Pour éviter de les empêcher de participer aux conseils d'administration du centre, nous avons la possibilité d'offrir trois heures de garde d'enfant aux parents qui, faute d'une telle aide, ne pourraient pas se déplacer. C'est une piste à suivre.

Il est clair que nous devons tout faire pour que les représentants des deux sexes soient partie prenante de la vie de notre pays. Je rappelle que les femmes représentent 52 % de la population dans le monde. Nous sommes majoritaires en matière de population. Nous sommes loin d'être à ce niveau dans les processus de prise de décisions.

Le Centre Hubertine Auclert reste bien entendu à votre entière disposition si vous avez besoin d'éléments plus techniques pour votre rapport.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion