Intervention de Jérôme Bascher

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 20 janvier 2021 à 10h30
Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord de coopération entre le gouvernement de la république française et les gouvernements des états membres de l'union monétaire ouest-africaine — Examen du rapport et élaboration du texte de la commission

Photo de Jérôme BascherJérôme Bascher, rapporteur :

En réponse à Pascal Savoldelli, les parlements, français comme ouest-africains, n'ont pour l'instant guère été associés, en effet, à cet accord, un peu précipité, qui revêt une dimension essentiellement politique et diplomatique. L'accord a été signé en décembre 2019, mais la covid a retardé la procédure de ratification. Nous sommes saisis tardivement et la plupart des mesures sont déjà en vigueur, par voie d'avenant. Quant à la transmission de l'accord au Conseil de l'Union européenne, le texte est déjà passé par le Comité des représentants permanents (Coreper), sans soulever de difficulté particulière. Mais souvenons-nous des traités de Maastricht ou d'Amsterdam, les parlements nationaux ont aussi été saisis à la fin des négociations, ce qui est compréhensible, car celles-ci sont complexes et sont généralement menées au niveau des chefs d'État et de Gouvernement. En tout cas, le Parlement souverain doit se prononcer et peut accepter, ou refuser l'approbation de l'accord, c'est l'essentiel.

Le nouvel accord entre la France et l'UMOA ne vise que les paramètres de notre coopération monétaire, pas directement l'intégration financière et bancaire même si je conçois que d'importants efforts restent à mener dans ce domaine : si en Europe, on réclame l'achèvement de l'Union bancaire, celle-ci reste encore à construire en Afrique. Le taux de bancarisation n'est que de 16 % dans le pays le plus avancé en la matière, la Côte d'Ivoire, d'où l'absence d'un système de prêts efficaces, ce qui en retour nuit à la croissance et au développement. Tout l'enjeu pour les pays de l'UMOA est de passer d'une économie d'exportation à une économie de transformation à plus forte valeur ajoutée, propice à la croissance économique et à l'intégration sociale. La diversification économique demeure très limitée. L'intégration douanière n'est pas non plus achevée, y compris dans la Cédéao : les relations avec le Ghana ou le Nigéria l'illustrent.

Sur le choix d'un régime de change fixe, je rappelle que la plupart des pays d'Afrique ont arrimé leur monnaie à une autre devise : certains ont des accords avec le Portugal, d'autres ont leur monnaie indexée sur le dollar, etc. On peut imaginer que si l'ancrage monétaire du franc CFA de l'Afrique de l'Ouest n'était pas porté exclusivement par la France, dans cet accord de coopération monétaire, il pourrait l'être par la zone euro. Au niveau européen, il faudrait sans doute en faire plus. Toutefois, selon la décision du Conseil de l'Union européenne du 23 novembre 1998, les accords de coopération monétaire signés par la France en Afrique n'entraînent aucune obligation pour la Banque centrale européenne ou les banques centrales nationales. Il s'agit donc bien d'accords strictement limités à la France, l'UMOA, la Cemac et les Comores. Le Portugal pourrait par ailleurs mettre à l'ordre du jour de sa présidence tournante de l'Union européenne le sujet des accords de coopération économique avec l'Afrique.

À ceux qui s'inquiètent des risques encourus par la France, je souligne qu'aucun appel en garantie n'a été sollicité ces dernières décennies. Il s'agit d'un filet de sécurité. L'accord prévoit par ailleurs des mécanismes de suivi et d'urgence. Le risque est assez limité, d'autant que les sommes en jeu sont limitées. Le mécanisme est le suivant : la France fait un prêt et lorsque les réserves de la BCEAO sont revenues à un niveau satisfaisant, le prêt est remboursé.

En réponse à la question de savoir si la dette ne pourrait pas être effacée par l'inflation, je constate que l'on a plutôt eu tendance, jusque-là, à procéder à des annulations de dettes. L'inflation dans un pays en développement, dont le tissu économique n'est pas encore robuste, risque d'être source d'instabilité, d'augmenter la pauvreté et de décourager les investisseurs étrangers. Il en va sans doute différemment dans les pays développés, où l'inflation entraîne, mécaniquement, une baisse de la dette, au prix certes de conséquences négatives pour les plus pauvres, car l'inflation est avant tout, en vérité, une taxe sur les plus précaires. Dans l'UMOA, l'inflation s'établit à 2 % environ, contre plus de 11 % dans le reste de l'Afrique de l'Ouest.

Pour Emmanuel Capus, la nomination d'une personne qualifiée et compétente au conseil de l'administration de la BCEAO se fera sur le principe du consensus.

Il faut aussi garder en tête que la situation de l'Afrique centrale est très différente : les pays sont plus pauvres ; il n'y a pas de projet de réforme à court-terme ; il n'y a pas de leadership politique aussi affirmé qu'en Afrique de l'Ouest- sans le président Ouattara, il est possible que cet accord n'eût pas vu le jour, ou plus tard. Il semble également improbable que l'UMOA et la Cemac puissent se rejoindre à court et moyen terme.

Le projet de loi est adopté.

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