Monsieur le président, je suis heureux de retrouver la délégation pour entamer nos travaux en cette nouvelle année. Avant de saluer les présidents de groupes, le vice-président du Sénat, le ministre Victorin Lurel et l'ensemble des sénatrices et des sénateurs ici présents, je voudrais tout d'abord rendre hommage au travail de votre prédécesseur, Michel Magras.
La gestion de la crise sanitaire outre-mer est le dossier qui nous accapare le plus en ce moment. Un constat, tout d'abord : les chiffres sont bien évidemment très différents selon les territoires. Je passe beaucoup de temps à expliquer que le virus ne circule pas de manière uniforme. Les sénateurs ultramarins le savent : le caractère « bloc » que l'on peut trouver sur l'Hexagone ou sur un plateau continental, n'existe pas en milieu insulaire, a fortiori avec des conditions climatiques très différentes de celles que connaissons à Paris.
La situation dans votre territoire, Monsieur le président, à Wallis-et-Futuna ou en Nouvelle-Calédonie, par exemple, territoires « covid free » grâce aux mesures de protection à la frontière, est très différente de celle des territoires ayant connu un premier, voire un deuxième confinement. À côté des territoires « covid free », on trouve également des taux d'incidence extraordinairement bas, comme à La Réunion, à la Martinique, en Guadeloupe et à Saint-Martin, de moins de 30 pour 100 000 habitants. Ces chiffres, comparés à ceux que nous connaissons dans l'Hexagone, doivent nous faire réfléchir. Le système sanitaire tient, le taux de positivité, légèrement supérieur à 1, est tenu.
Par contre, d'autres territoires vivent des rythmes particuliers, comme la Guyane, où l'on assiste à une reprise de l'épidémie assez importante, mais territorialisée : le taux d'incidence n'est pas le même à Saint-Georges-de-l'Oyapock qu'à Saint-Laurent-du-Maroni ou à Cayenne. Nous allons devoir prendre localement des mesures plus fortes, en raison de la hausse du taux d'incidence - il est aujourd'hui de 400 sur l'île de Cayenne.
On ne peut appliquer des mesures de freinage de manière uniforme et brutale à des situations très différentes. Nous avons donc mis en place une gestion très déconcentrée de la crise sanitaire en nous appuyant sur les duos préfets-directeurs généraux des agences régionales de santé (ARS), avec le soutien des élus. Aujourd'hui, les restaurants sont ouverts aux Antilles, et même en Guyane. Les protocoles sanitaires ont été adaptés à une vie climatique complètement différente de celle de Paris.
Dans les prochains jours, je serai amené à prendre la parole, avec le ministre des solidarités et de la santé, et en associant les différents territoires, sur la question des variants, notamment sur le variant dit « sud-africain » ou variant 501. Nous nous interrogeons sur les mesures de protection à prendre. Il va falloir expliquer à nos concitoyens et au monde économique que les prochaines mesures de protection ne s'appuieront pas sur le taux d'incidence, mais viseront à se prémunir de la pénétration dudit variant.
En ce qui concerne la stratégie vaccinale, nous faisions face à des enjeux logistiques, notamment pour l'acheminement des congélateurs ad hoc permettant de stocker les doses de vaccin à - 80 degrés Celsius. Le défi a pu être relevé grâce aux armées et la stratégie de vaccination outre-mer se déploie aujourd'hui au même rythme que dans l'Hexagone. Ce n'était pas forcément gagné. À cet égard, je tiens à saluer non seulement les professionnels de santé, mais aussi les centres hospitaliers, points de convergence du bassin sanitaire.
Dans certains territoires, il n'y a pas d'établissement hospitalier pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Les choses se mettent en place différemment. Avec la solidarité intergénérationnelle, on prend soin autrement de ses anciens. Nous adaptons donc les stratégies de vaccination aux réalités et menons une stratégie locale très différenciée, qui s'appuie sur la réalité de la circulation du virus. Ainsi, la Martinique a été reconfinée et pas la Guadeloupe.
Le covid ne doit pas nous empêcher de travailler sur les grands sujets de transformation. Comme je l'ai souligné lors de la discussion budgétaire, je m'inscris, avec beaucoup d'humilité, dans la continuité de ce que mes prédécesseurs ont tenté de faire, avec parfois quelques difficultés.
En ce qui concerne les enjeux des différents territoires d'outre-mer, certains sujets sont de long cours. Au fond, la relance économique est à la fois un objet et un outil. Elle est un objet pour le sauvetage du tissu économique - on a adapté certaines mesures d'urgence pour Mayotte ou la Guyane, qui avaient déjà profité de mesures de différenciation dans le cadre du fonds de solidarité.
Certains secteurs sont parfois plus ou moins ouverts - nous reparlerons du tourisme dans quelques instants. Pour autant, nous n'allons pas mettre un terme aux mesures d'accompagnement qui étaient opérationnelles. Ce n'est pas parce qu'il est ouvert qu'un secteur fonctionne comme d'habitude.
Nous avons aussi différencié les différentes mesures d'accompagnement. Vous connaissez les sommes, nous en avons discuté lors de l'examen de la loi de finances.
Je pense que l'on a plus de chances de réussir vite la territorialisation du plan de relance en outre-mer que dans l'Hexagone. En effet, les projets sont connus en outre-mer. Par définition, le nombre d'acteurs n'est pas infini. Les enjeux sont identifiés : le problème de l'eau à la Guadeloupe, l'application du plan Séisme Antilles, le logement à La Réunion... La meilleure des relances consiste parfois simplement à accélérer les projets déjà engagés.
La relance doit nous emmener sur des chantiers de transformation. Je milite fortement pour que l'on avance très vite sur les risques naturels. À part les avalanches, tous les risques naturels sont présents en outre-mer : risques sismiques, volcaniques, érosion, ouragans, cyclones... Le réchauffement climatique vient accélérer ces risques, ce qui pose la question de la résilience. Ne restons pas passifs. Des choses sont déjà enclenchées. Je crois donc que nous sommes capables d'avancer vite sur ces sujets.
Certaines mesures pourront trouver une place dans le projet de loi 4D. Au reste, de nombreuses dispositions du projet de loi sur les risques naturels majeurs dans les outre-mer relevaient du domaine réglementaire, mais, pour des raisons politiques, on a pu choisir de les inscrire dans un texte de loi. Il me paraît difficile de retarder l'entrée en vigueur de mesures que nous pouvons prendre par décret. Nous avancerons donc sur le terrain réglementaire. Cela ne veut pas dire que le Parlement ne sera pas associé. Monsieur le président, je me rendrai évidemment disponible si vous souhaitez que nous nous retrouvions une prochaine fois pour évoquer spécifiquement cette question.
Il faut travailler sur l'autosuffisance. Dans les territoires insulaires, il n'est pas normal d'être aussi dépendant. Je pense aux questions énergétiques, mais aussi aux questions alimentaires. Le confinement a montré de nouvelles pratiques de consommation, notamment plus locales. De crédits du plan de relance seront consacrés à l'accélération d'un certain nombre de transformations agricoles.
Des sujets connexes s'invitent dans l'agenda du ministre.
Ainsi, je passe environ un tiers de mon temps sur la Nouvelle-Calédonie. Qu'il y ait référendum ou non, que la réponse soit oui ou non, l'accord de Nouméa touche à sa fin. Il faudra bien imaginer un nouvel accord. Vous serez donc, à plus ou moins court terme, amenés à travailler sur cette question. L'actualité de l'usine du Sud est importante, mais ce n'est qu'un épisode d'un processus institutionnel beaucoup plus global et complexe.
D'autres sujets s'invitent : l'eau aux Antilles et à Mayotte, les questions régaliennes, l'immigration... Autant de sujets sur lesquels nous sommes mobilisés, même si la crise du covid vient modifier le plan de bataille.