Intervention de Sébastien Lecornu

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 14 janvier 2021 : 1ère réunion
Audition de M. Sébastien Lecornu ministre des outre-mer

Sébastien Lecornu, ministre :

Je vous promets que ce n'est pas moi qui l'ai demandé !

En tous cas, il ne s'agit pas de rompre les liens. Mais nous allons instaurer de telles protections aux frontières qu'il y aura sans doute des restrictions de circulation. Ce n'est pas la même chose et chacun peut le comprendre. Nous protégerons Mayotte vis-à-vis des autres pays de la zone, nous restreindrons les échanges entre Mayotte et La Réunion, et nous allons contrôler davantage les allers et les retours entre La Réunion et l'Hexagone, pour mieux suivre l'évolution de l'épidémie. Les tests réalisés par l'OMS à Mohéli et aux Comores seront traités au Kenya, à Nairobi. Les tests réalisés par les autorités sanitaires françaises sont confiés aux équipes de l'Institut Pasteur.

L'eau, c'est une compétence des collectivités territoriales. La comparaison entre Mayotte et la Guadeloupe n'est pas raison : en Guadeloupe, on produit suffisamment d'eau potable, et on a un problème de distribution et de réseau. À Mayotte, la démographie très positive fait qu'outre les problèmes de réseau, on a des problèmes de production : on ne produit pas assez d'eau. Je salue la patience des Mahorais qui ont accepté les tours d'eau, qui cessent ces jours-ci, comme vous l'avez dit, et qui ont produit leurs effets. Je tiens aussi à rendre hommage à M. Fahardine Bacar, le président de la nouvelle structure (le syndicat mixte d'eau et d'assainissement de Mayotte - SMEAM). Tous les retours du terrain convergent pour dire qu'il s'agit d'une équipe engagée, qui a envie de faire des choses, et qu'il ne s'agit absolument pas de pénaliser, bien au contraire. J'ai donné des instructions pour qu'on puisse travailler à un pacte sur l'eau avec ce syndicat, pour redresser les finances et accélérer les travaux.

Cela permettra aussi de commencer à travailler sur l'assainissement, Monsieur le président Guillaume Gontard : on oublie souvent que la principale source de destruction de la biodiversité dans nos territoires ultramarins, ce sont les rejets des eaux grises ou noires dans les lagons. À Saint-Barthélemy, avec le président Bruno Magras, nous avons beaucoup travaillé pour développer une activité anthropique, touristique et hôtelière qui soit à peu près capable de contrôler ce qui est rejeté dans le lagon. Il en va de même à Bora-Bora : personne ne peut imaginer un développement touristique dans un lagon qui ne serait pas complètement transparent. Ce que nous allons accomplir sur l'eau avec le syndicat à Mayotte vaut pour l'eau potable comme pour l'assainissement. Ce n'est peut-être pas glamour, mais c'est central : on pourra toujours raconter ce qu'on veut sur la biodiversité, tant qu'on n'a pas réglé ce sujet-là, on ne sera pas crédible.

Outre le pacte et des mesures d'urgence, il faut un audit du syndicat pour bâtir le plan de redressement, et des efforts sur les équipements, comme l'usine de dessalement, les retenues d'eau, les stations d'épuration ou un ambitieux plan de reboisement. Je suis prêt à accompagner tout cela politiquement, en ingénierie et financièrement, parce que cela fait partie des grands sujets qui nous préoccupent. Nous en reparlerons lors de mon prochain déplacement à Mayotte, en fonction des conditions sanitaires évidemment.

La piste longue est un sujet qui nous est bien connu. L'autorité environnementale agit comme autorité indépendante et a émis un certain nombre de réserves sur cet agrandissement. Cela ne change pas notre regard sur l'opportunité de le réaliser ni sur le bien-fondé de cet investissement. La position du Gouvernement est inchangée, malgré ce qu'on peut lire parfois dans la presse. Pour autant, allons-nous éluder les questions environnementales ? Nous devons penser à des solutions techniques, qui vont sans doute entraîner des surcoûts, auxquels il faudra trouver des réponses dans les sources de financement.

Mme Annick Petrus, sénatrice de Saint-Martin, m'a interrogé sur la démonétisation du RSA. Le Conseil d'État estime que l'expérimentation a fonctionné, mais que la pérennisation n'est pas acceptable, car il considère que cela ne répond pas à la volonté initiale du législateur de rendre accessible facilement un minima social d'accompagnement dans la pauvreté. Cela pose la question de la compétence normative de la collectivité. Je n'en ai pas parlé avec le président Daniel Gibbs lorsque je l'ai vu. Je suis prêt à mettre ce sujet sur la table. J'ai bien vu que la fermeture de la frontière entre les deux parties de l'île, pour des raisons liées au covid, avait révélé certains comportements. La lutte contre la fraude au RSA est pour moi un enjeu majeur. On ne peut pas à la fois solliciter la solidarité nationale et accepter certaines dérives. Cela n'oblitère pas le débat sur la recentralisation du paiement du RSA outre-mer, qui a été déjà faite à La Réunion, en Guyane et à Mayotte. Je sais qu'aux Antilles, des questions se posent. Il faudra les traiter, comme je l'avais dit aux parlementaires concernés.

Pour répondre à la sénatrice Micheline Jacques, la chaire a été actée fin 2020. La mise en oeuvre va pouvoir se faire en 2021 et nous incite à en faire la publicité.

M. Guillaume Gontard appelle avec raison à une meilleure visibilité des actions en faveur de la biodiversité. Beaucoup d'acteurs font des choses. Les collectivités, on l'oublie trop souvent, lèvent l'impôt pour les espaces naturels sensibles. Les organismes de recherche et le monde universitaire agissent également. Enfin, les opérateurs de l'État ont une action remarquable. On m'a présenté, lors de mon passage à La Réunion, ce que faisait l'Office national des forêts : c'est absolument stupéfiant. Après les grands incendies qu'on a connus ces dernières années, nous avons acquis un savoir-faire incroyable pour reconstituer les écosystèmes. Sur la question des récifs coralliens aussi, on commence à avoir une maîtrise importante. Bref, nous faisons beaucoup de choses, mais c'est trop peu connu.

Sur le logement de demain, je suis à votre disposition. Nous devrons parler, je suppose, d'ingénierie et de financement. Il faudra aussi se demander à quoi doit ressembler un logement, demain, pour une famille en milieu insulaire. Les territoires qui vieillissent auront besoin de spécialiser leurs logements, par rapport à ceux où la démographie est dynamique. Il faudra, aussi, bien construire, en termes d'empreinte environnementale. Et associer le secteur privé à la réflexion. Il ne faudrait pas que tout l'argent du plan de relance soit utilisé comme avant. Or, si l'État fixe des critères, on nous taxera de jacobinisme !

M. Gérard Poadja m'a interrogé, depuis le caillou calédonien, sur la campagne de vaccination. Les collectivités de Polynésie et de Nouvelle-Calédonie sont pleinement compétentes en matière sanitaire. La fameuse quatorzaine de Nouvelle-Calédonie, c'est le Gouvernement de Nouvelle-Calédonie qui l'a décidée. De même pour la politique de vaccination, différente de la nôtre, puisque les personnes âgées ne sont pas les premières cibles : elles viennent après les personnes qui ont des contacts avec des personnes venant de l'extérieur, comme le personnel des compagnies aériennes. Des transferts de financement ont accompagné le transfert de la compétence à ces collectivités : nous ne prélevons pas certains impôts, le système social n'est pas le même...

J'observe qu'en situation de crise, on réinterroge cet état de choses : on aimerait que tout soit comme dans l'Hexagone. Je ne suis pas contre, pour être honnête, mais j'observe que ce langage est nouveau. Sur ces territoires où l'on est soit indépendantiste, soit autonomiste, un besoin d'État s'exprime, y compris en Nouvelle-Calédonie. Je trouve cela intéressant. Ce n'est pas neutre. Que l'histoire de Wallis-et-Futuna amène à ce qu'il y ait beaucoup besoin de France, c'est normal. Mais en Nouvelle-Calédonie, qu'on ait ce besoin de France, qu'il s'agisse de l'usine du Sud ou de la vaccination, je trouve que cela mérite d'être noté.

Quelque 10 000 doses de vaccin ont été livrées à la Nouvelle-Calédonie. J'ai fait un choix très clair, qui est de ne pas abandonner les collectivités du Pacifique. Ce n'est pas parce qu'elles sont compétentes en matière sanitaire qu'elles ne devaient pas bénéficier de la solidarité nationale. Si l'on regarde les États insulaires du Pacifique, mis à part les territoires français qui ont été pourvus en doses et quelques territoires disposant d'un partenariat particulier avec les États-Unis, ils n'ont rien. On voit donc que la France est là, et que nous n'avons pas à battre notre coulpe en permanence.

Il faut documenter les dépenses sanitaires. Certaines peuvent faire l'objet de solidarité, comme la prise en charge financière de la quatorzaine. Cela passera forcément par une loi de finances rectificative. Nous en reparlerons quand nous aurons les chiffres. Il faudra mettre à part les dépenses résultant des choix politiques locaux.

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