Intervention de Victorin Lurel

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 14 janvier 2021 : 1ère réunion
Audition de M. Sébastien Lecornu ministre des outre-mer

Photo de Victorin LurelVictorin Lurel :

Je reviens sur deux questions symboliques posées par Georges Patient et Victoire Jasmin. Vous n'avez pas répondu, en effet, sur les recrutements en provenance de l'Hexagone. Il y a un vrai problème sur cette question. Les syndicats ont évoqué le problème de la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement, où l'on recrute des jeunes avec Bac + 5 en provenance de l'Hexagone, sur des contrats qui offrent de meilleures conditions que celles qui sont proposées aux Guadeloupéens. C'est une question symbolique, qui crée des tensions. Je rappelle que certains syndicats s'étaient mis à la sortie de la grande zone commerciale de Jarry pour signaler que trop peu de Guadeloupéens trouvent du travail sur place. Il y a des tensions culturelles, qui menacent la cohésion sociale. Je demande au Gouvernement d'y être très attentif.

Je souhaite aborder la question des lâchers de chiens, sujet très sensible dans nos territoires qui ont connu l'esclavagisme. Mon parti a fait un communiqué à ce sujet. Le lâcher de chiens ne fait pas partie de la doctrine des forces de l'ordre et lorsque l'on voit un policier de couleur lâcher des chiens sur des carnavaliers, cela pose problème. Il semblerait qu'un chien compte pour dix policiers, ce serait donc une question de moyens. Souvenons-nous qu'en 1967 la Guadeloupe a connu des morts à cause d'un lâcher de chiens ! Notre mémoire en est marquée et je tenais à attirer votre attention sur la nécessité de préserver la coexistence pacifique de nos sociétés multiculturelles et multiethniques.

S'agissant du recrutement local, il semblerait que l'intranet entre ministères soit réservé à quelques initiés. Quand j'étais ministre, nous avions pris des mesures, mais il reste des progrès à faire pour davantage de transparence. Les discriminations à l'embauche ne sont pas acceptables. C'est symbolique, mais cette question pourrait déclencher des mouvements en Guadeloupe.

Je suis d'accord avec le président Guillaume Gontard : il faut que « l'eau paie l'eau » ; mais ce principe est parfois difficile à appliquer. Tout le monde devrait participer au syndicat mixte ouvert, mais sur la question de son financement, vous décidez sans payer les conséquences de vos décisions. Vous demandez, dans un courrier au conseil départemental et au conseil régional de prendre en charge les dettes et les dépenses de personnel : je pense qu'il va être difficile de trouver un accord, comme l'a montré la visioconférence d'hier, au cours de laquelle les partis politiques se sont opposés. Le président de région a dit qu'il s'opposerait au Gouvernement, M. Olivier Serva s'est opposé à Mme Justine Benin et le Président Losbar ne comprend pas l'initiative du sénateur Dominique Théophile ! L'État doit s'engager sur un plan pluriannuel avec des subventions sur quatre ou cinq ans.

Par ailleurs, la stratégie de logement qui se dessine m'inquiète. Nous devons rester très attentifs sur le projet de vente de plus de 3 000 logements dans la ville de Pointe-à-Pitre. Cela permettra certes de renflouer les finances de la ville, mais il faut également veiller au maintien des classes populaires, ainsi que nous l'avions fait lorsque nous étions aux commandes de la Région.

La ministre du logement, Mme Emmanuelle Wargon, s'est engagée à réunir les parlementaires pour régler le conflit entre l'Union sociale pour l'habitat (USH) et l'union sociale pour l'habitat outre-mer (USHOM), mais nous attendons toujours et nous n'avons pas compris la position de l'État. Il est regrettable notamment que les 170 000 euros de subvention dont bénéficiait l'USHOM aient été supprimés.

Je m'associe à ce qu'a dit mon collègue Dominique Théophile sur l'octroi de mer. Si la Commission européenne devait faire une telle proposition, je demanderais au Gouvernement de s'y opposer. Mais il faut aussi avoir le courage d'engager une réforme, respectueuse de l'autonomie des territoires. J'ai fait des propositions au Sénat, qui ont malheureusement été rejetées.

Le projet d'évolution des articles 73 et 74 de la Constitution figurant dans le rapport du Président Magras sur la différenciation territoriale - et proposé par le juriste Stéphane Diémert - est un bon texte, qui peut sans doute être encore amélioré. Je ne désespère pas de voir le Gouvernement l'intégrer dans la réforme constitutionnelle.

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