Intervention de Sébastien Lecornu

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 14 janvier 2021 : 1ère réunion
Audition de M. Sébastien Lecornu ministre des outre-mer

Sébastien Lecornu, ministre :

Je vous propose de faire des réponses concentrées car les sujets sont multiples. Il est difficile de passer de la situation politique en Nouvelle-Calédonie à la question de l'eau en Guadeloupe. Je risque de ne pas avoir le temps d'approfondir.

S'agissant du recrutement en outre-mer de personnes en provenance de l'Hexagone, il y a des enjeux de synergie importants dans la fonction publique de l'État mais aussi dans la fonction publique territoriale. On pourrait assurément faire mieux en matière de transparence. J'ai eu sur ce sujet une séance de travail avec Mme Amélie de Montchalin, ministre en charge de la fonction publique, notamment sur les moyens pour renforcer les facilités de mobilité pour les ultramarins. Nous pouvons aussi avancer avec le ministère de l'éducation nationale sur d'autres enjeux tels que le « retour au pays ».

J'ai conscience que l'usage de chiens contre des manifestants en Guyane a suscité beaucoup d'émotion. Un rassemblement illégal important avait été constaté et a perduré pendant plusieurs jours. Cela a donné lieu, légitimement, à une intervention des forces de l'ordre. Mais comme l'a rappelé le ministre Victorin Lurel, l'emploi des chiens ne fait pas partie de la doctrine en matière de maintien de l'ordre ; ni dans les outre-mer, ni dans l'Hexagone d'ailleurs ! Une enquête judiciaire est en cours et l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) a été saisie pour éclairer cet événement. Nous avons demandé aux préfets et aux directeurs territoriaux de la police nationale de suspendre l'utilisation de ces chiens. Je tiens également à redire ma confiance aux policiers et aux gendarmes, qui interviennent dans des conditions très difficiles et parfois dans un contexte de forte violence. Il faut faire confiance à notre état de droit, à l'organisation de nos pouvoirs publics et singulièrement à cette enquête qui a été diligentée.

La question de l'eau en Guadeloupe est capitale pour nos concitoyens. Je serai l'allié de toutes celles et ceux, quelle que soit leur opinion politique, qui veulent faire avancer ce dossier, dans un comportement républicain à l'égard des parlementaires et des élus locaux. Certains critiquent la proposition de loi sur l'eau du sénateur Théophile, qui serait un désaveu pour la démocratie et la représentation locales. Je ne suis pas d'accord ! Le Sénat est la Chambre des territoires, les sénateurs ont été élus choisis par les élus locaux. Le sénateur Théophile a toute légitimité pour déposer cette proposition de loi.

Je n'ai pas d'information sur la vente des 3 000 logements que vous mentionnez à Pointe-à-Pitre et je vais donc regarder cela de plus près. Nous travaillons utilement avec l'Union sociale pour l'habitat (USH) et l'Union sociale pour l'habitat outre-mer (USHOM). Ma collègue Emmanuelle Wargon a pris des engagements et des rencontres doivent se tenir.

Sur l'octroi de mer, la Commission européenne doit se prononcer et nous reviendrons vers vous quand les choses seront connues avec plus de précision. Nous avons tous travaillé pour défendre ensemble le maintien du Poséi, avec un résultat plutôt satisfaisant. Il faut rester dans cette logique d'unité sur les sujets européens.

S'agissant de la réforme constitutionnelle et du projet de loi 4D, je suis frappé de constater que les questions institutionnelles occupent moins de place qu'il y a quelques années. La crise du covid et la relance de l'économie sont aujourd'hui prioritaires, et s'agissant des enjeux de compétences, les collectivités réclament aujourd'hui plutôt des ajustements et des clarifications. Certes, la Martinique demande à faire évaluer la fusion département-région et le débat institutionnel est présent en Guyane, même s'il est moins vivace. Mais il y a aussi un désir de stabilité. Je ne voudrais pas qu'un « chamboule tout » institutionnel vienne porter atteinte au climat de confiance nécessaire à la relance économique.

Nous aurons le temps, lors d'une prochaine audition, d'approfondir ces questions liées au chantier constitutionnel. Sachez d'ores et déjà qu'il y aura, dans la partie outre-mer du projet de loi 4D, plusieurs dispositions de bon sens, notamment sur l'agence des 50 pas géométriques aux Antilles. Plusieurs sujets d'adaptation pourraient également y être traités. En outre, la question de la fiscalité sur les déchets en milieu insulaire est redoutablement complexe et nécessitera notre mobilisation.

Le président Gérard Larcher présidera, un groupe de contact sur la Nouvelle-Calédonie. Nous aurons l'occasion d'approfondir ce sujet. J'ai été auditionné récemment par M. Yaël Braun-Pivet et par M. Christian Jacob dans la cadre d'une mission d'information de l'Assemblée nationale. Il s'agira de s'accorder sur le niveau de publicité à donner à nos débats. Je dois me soumettre au contrôle de l'action du Gouvernement mais je dois également, puisque les négociations sont en cours, veiller à une certaine discrétion.

La première préoccupation à court terme est le retour à la paix et au calme. D'aucuns ont critiqué le manque d'engagement de l'État. Ce n'est pas le sentiment que j'ai : beaucoup de temps, d'énergie, de moyens financiers ont été investis et les forces de l'ordre sont engagées sur le terrain. L'usine du Sud, dont il n'avait pas été question pendant ma visite au mois d'octobre, s'est imposée récemment dans le débat public. C'est le signe que les choses vont vite en Nouvelle-Calédonie.

L'enjeu principal est d'amener la procédure institutionnelle à son terme et de le faire dans de bonnes conditions. Lors de ma visite, il restait six mois au Congrès avant de se prononcer sur la tenue d'un troisième referendum ; désormais, il ne reste plus que trois mois. Je me suis engagé à avancer sur les implications du oui et du non. Nous cherchons, depuis maintenant plus de vingt ans, des consensus sur la formulation de la question du referendum et sur le sujet, redoutablement délicat, du corps électoral. Nous avons travaillé sur tout, sauf sur les implications des réponses. Or, compte tenu de l'approche du 3ème referendum, ces implications sont cruciales. M. Ferdinand Mélin-Soucramanien - dont les travaux sur les différents scénarios institutionnels sont de grande qualité - a démontré qu'on peut faire dire plusieurs choses au « oui » ou au « non ». Qu'est-ce qu'être indépendant en 2021 ? Est-ce le même modèle d'indépendance que celui défendu dans les années 1980 ? Veut-on une indépendance ou une interdépendance ? S'il s'agit d'un processus de décolonisation, n'y-a-t-il pas un risque de céder à un impérialisme, et notamment celui des « nouvelles routes » ?

Le Président de la République l'avait dit avec beaucoup de courage lors de son discours au théâtre de Nouméa. Qu'est-ce qu'être Français en 2021 ? La question est redoutable où qu'on se trouve. Quel lien veut-on avec la France ? Si l'on s'intéresse de près au débat, on constate que peu de personnes défendent le statu quo. Même le fait de rester dans la France n'éteint pas le processus de décolonisation au sens onusien du terme. Les volontés autonomistes et de reconnaissance de spécificités sont fortes. De manière caricaturale, je dirai que même parmi les loyalistes en Nouvelle-Calédonie, personne ne veut que la Nouvelle-Calédonie devienne demain un conseil régional comme les autres. La nouveauté dans l'approche de ce dossier est d'insister désormais sur les implications de la sortie du processus. Les implications du « oui » peuvent susciter des appréhensions, notamment sur les questions fiscales, monétaires ou bancaires.

Je m'engage non seulement à tenir le Parlement au courant mais également d'agir en association avec lui, notamment dans le cadre des travaux conduits par Gérard Larcher. Les parlementaires, quelle que soit leur série d'élection, auront d'une manière ou d'une autre à débattre de ce sujet.

Sur la pêche, le sénateur Maurice Antiste en avait parlé en marge du déjeuner républicain que nous avions tenu en fin d'année 2020. L'enjeu est celui de la promotion et de la valorisation de la pêche et des métiers de la pêche. J'ai donné des instructions pour que de l'argent du Plan de relance soit fléché sur ces sujets. Nous pourrions peut-être trouver quelques outils d'accompagnement notamment sur leurs équipements. Je suis prêt à échanger avec les pêcheurs lors d'un prochain passage en Martinique. J'ai cru comprendre qu'il y avait également des problèmes d'application d'un certain nombre de règles. Des modifications réglementaires intervenues en juin permettaient d'aller pêcher à 20 000 nautiques dès lors que les embarcations et les équipements sont suffisamment sécurisés. Je reviendrai vers vous avec davantage de précisions.

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