Les expertises collectives de l'Inserm existent depuis 1994. Nous en avons, à ce jour, produit plus de 80 - elles sont toutes disponibles sur internet -, sur des sujets très vastes. Elles ont d'abord porté sur des maladies, comme la grippe ou les hépatites, puis sur des thématiques de plus en plus compliquées : défis environnementaux, pesticides, cancers, amiante...
Ces expertises ont pour objet d'analyser et de synthétiser des connaissances scientifiques issues de diverses disciplines. L'idée est véritablement de discuter la littérature scientifique : il s'agit de faire le point.
Nous nous fondons sur les données récentes de la littérature scientifique, biomédicale et des sciences humaines et nous nous appuyons sur le savoir-faire du groupe d'experts. Nous avons la possibilité de réaliser des auditions sur des sujets particuliers.
L'un des objectifs est véritablement de mettre à la disposition des décideurs l'état de la science sur les grands sujets de santé publique pour éclairer leurs décisions. Nous considérons vraiment que ces expertises collectives sont devenues un outil de la démocratie en santé.
Il faut au minimum trois à quatre ans de travail pour réaliser une expertise collective, car nous allons très loin et nous devons réussir à mettre tout le monde d'accord.
Le 14 février 2019, nous avons rendu publique l'expertise demandée par le ministère chargé des sports sur le rôle de l'activité physique dans la prévention et le traitement des maladies chroniques. C'est la troisième expertise que nous réalisons sur le sujet : une première, en 2008, avait porté sur le rôle de l'activité physique sur la santé et une autre, en 2015, sur l'activité physique pour la prévention des chutes chez les personnes âgées. Ces expertises ont joué un rôle important.
Le groupe d'experts s'est caractérisé par sa pluridisciplinarité : il a réuni un psychologue social, un cardiologue, un oncologue, deux biologistes cellulaires et moléculaires, un épidémiologiste de santé publique, un spécialiste en physiologie de l'exercice, un psychologue, un sociologue, un rhumatologue, un spécialiste de l'activité physique adaptée à la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), deux physiopathologistes vasculaires. Ces experts ont croisé leurs regards au travers de l'analyse de la littérature scientifique.
Je vous ai apporté un exemplaire de l'étude. Elle comprend 820 pages et a conduit à l'analyse de plus de 1 800 références bibliographiques. Elle fait véritablement le point sur le sujet.
Nous y avons analysé une dizaine de maladies chroniques - les plus courantes et celles sur lesquelles nous disposions du plus de littérature. Pour toutes les pathologies étudiées, l'activité physique en prévention secondaire, voire en traitement de première intention, est indiscutable. Le rapport bénéfices-risques est très favorable.
Pour plusieurs pathologies, comme le diabète de type 2, l'obésité, la dépression légère, l'artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI), l'activité physique doit même être prescrite en première intention, avant tout traitement médicamenteux.
L'enjeu principal n'est plus aujourd'hui de savoir s'il faut ou non recommander l'activité physique, mais de répondre à certaines interrogations précises sur le programme le plus adapté au patient : date à laquelle doit commencer le traitement, type d'activités physiques recommandées, intensité, fréquence...
Pour avoir travaillé dans le secteur du médicament, je peux vous dire que ce sont les mêmes questions qui se posent à propos des médicaments. Au reste, j'ai rarement vu un médicament aussi efficace que l'activité physique...