Intervention de François Carré

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 20 janvier 2021 à 9h35
Sport et santé — Audition de M. Laurent Fleury responsable du pôle expertise collective et du pr. françois carré spécialiste en cardiologie et maladies vasculaires de l'inserm

François Carré :

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) préconise 150 à 300 minutes d'activité physique par semaine pour les adultes en prévention primaire. Pour les enfants, c'est une heure d'activité par jour : il ne s'agit pas de sport, mais seulement de bouger. Pour l'enfant de zéro à deux ans, c'est au moins trois heures par jour. Nous en sommes à expliquer aux parents qu'ils doivent faire bouger leurs enfants plutôt que les laisser devant la télévision.

Le remboursement a sûrement un rôle essentiel à jouer, notamment en cas de maladie chronique. L'activité agit alors comme un médicament : deux ou trois séances d'activité physique par semaine, de trente à quarante-cinq minutes, associant endurance et renforcement musculaire. Le directeur de la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM) m'oppose à chaque fois l'argument du coût, mais la question ne se pose même pas pour certains médicaments dont l'effet est bien moins intéressant. Et surtout, a-t-on jamais demandé à un médicament autant de preuves de son efficacité ? Dans cette expertise, nous nous sommes appuyés sur des études regroupant jusqu'à 1 million de personnes !

Le sport sur ordonnance permettrait de redonner aux patients une autonomie. Les gens ont perdu l'habitude de bouger : seuls 5 % des enfants en France suivent aujourd'hui les recommandations de l'OMS d'une heure d'activité par jour. Or c'est dans l'enfance que l'on construit son capital santé. Quand j'ai appris la médecine, le diabétique de type 2 était un homme de 40 ans ; aujourd'hui, nous voyons des diabétiques âgés de 14 ans. Après vingt ans de diabète, on ne peut plus travailler. Dès lors, si les enfants obèses deviennent diabétiques à 15 ou 16 ans, ils arrêteront de travailler à trente-cinq ans. C'est la raison pour laquelle nous parlons si souvent de bombe à retardement. Il faut faire passer le message aux parents. Ne pas bouger, c'est dangereux. Comme l'a souligné M. Savin, l'activité physique n'est pas un « plus » : elle est vitale. Nos gènes ne marchent que si nous bougeons. Il en va de même de la malnutrition et du tabac. Les patients ne comprendraient pas qu'on leur prescrive du sport sur ordonnance comme un médicament et que ce ne soit pas remboursé. Au moins au début, le temps de les convaincre de l'intérêt de l'activité physique. Il s'agit d'une question importante.

La France n'est pas un pays « sportif ». En Suède, l'espérance de vie totale est de 82 ans, comme en France, mais l'espérance de vie en bonne santé y est de 71 ans contre 62 en France. Aujourd'hui, trois Français sur quatre de plus de 65 ans prennent un médicament pour une maladie chronique, c'est-à-dire pour un temps indéfini. Les pouvoirs publics doivent prendre cette question à bras-le-corps. La sécurité sociale et la CNAM sont réticentes, car ils n'arrivent pas à voir le bénéfice qu'ils pourraient en tirer. Une petite étude menée sur 56 coronariens, donc des malades chroniques, a montré que l'activité physique pratiquée par un patient ayant fait un infarctus permettait d'économiser près de 352 euros par an. Ramenez ce chiffre aux 140 000 décès d'origine cardiovasculaire par an en France et vous verrez combien le sport peut être profitable aux finances publiques.

Pourquoi a-t-on besoin en France de prouver ce que les Canadiens, les Norvégiens, les Suisses ou les Belges ont déjà démontré ? Les mécanismes de l'activité physique sont-ils différents chez nous ? Il faut croire que oui, puisqu'on nous demande de refaire une étude cette année. Il y a là un frein évident. C'est bien d'organiser une journée nationale contre le cancer, mais ne serait-il pas mieux de vaincre le cancer ?

Il est important de mettre en avant le bien-être. Nous voulons améliorer la qualité de vie des personnes concernées. Aujourd'hui, nous prenons en charge des patients à covid persistant : avec trois fois 15 minutes par semaine d'activité dans un escalier, nous constatons une amélioration de la qualité de vie de 45 %, une baisse du stress de 25 % et une amélioration du capital santé d'environ 17 %. Il suffit de descendre et monter des marches pendant 15 minutes, trois fois par semaine, à un rythme imposé par un métronome pour obtenir de tels résultats. Or le problème des maladies chroniques est justement la perte de cette qualité de vie. Tout devient plus compliqué quand on est malade chronique.

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