Il est certain que la jeunesse française est lourdement touchée par la crise sanitaire et la question que les signataires de ce texte soulèvent est parfaitement légitime. Au demeurant, les historiens qui se pencheront sur notre époque dans dix ou vingt ans s’interrogeront peut-être sur une certaine forme d’aveuglement à l’égard de ce qu’il faut bien appeler la « fracture générationnelle ».
« Il n’existe pas d’autre voie vers la solidarité humaine que la reconnaissance de l’autre en tant que personne et le respect de sa dignité », déclarait l’abbé Pierre. Voilà pourquoi, bien que je partage le constat de nos collègues sur la situation difficile des plus jeunes, je ne pense pas qu’une proposition de loi de trois articles suffise à régler le problème.
Peut-être nous faudrait-il d’ailleurs nous interroger sur notre système redistributif. Notre pays est celui qui consacre la plus grande part de sa richesse à la santé et à la solidarité. Est-il pour autant le plus juste et le plus solidaire ? Ce n’est pas sûr du tout ! À la fracture territoriale s’ajoutent la fracture culturelle, la fracture éducative et, à présent, la fracture générationnelle.
Oui, notre système de redistribution est critiquable ! Il existe près de dix minima sociaux, dont la principale caractéristique pourrait être la complexité. Il est aussi difficile de comprendre l’ensemble du système que l’articulation entre les différents dispositifs existants !
Une telle situation n’est pas sans conséquence. Elle entraîne de la rancœur et accroît le sentiment d’injustice. Elle alimente les phénomènes de non-recours, qui privent certains de nos concitoyens d’un accès aux prestations.
Face à ce constat, il est indispensable de passer à l’étape suivante et, sans doute, de modifier en profondeur les règles en vigueur. Cela demandera du temps et une réflexion globale. Ce sera l’objet de la mission d’information à venir sur l’évolution et la lutte contre la précarisation et la paupérisation d’une partie des Français. Nous devons avoir pour objectif de clarifier l’architecture des minima sociaux, afin de renforcer leur acceptabilité et de conforter le consentement de tous à l’effort de solidarité.
Ne vous méprenez pas, mes chers collègues. Je comprends l’engouement que suscite l’idée de permettre l’accès de jeunes de 18 à 25 ans au RSA. Le fait de priver la très grande majorité des jeunes de l’accès à notre dispositif universel de lutte contre la pauvreté interroge et une telle condition d’âge peut être vue comme une singularité au regard de ce qui se pratique chez nos voisins européens.
Cependant, les effets structurels d’une telle réforme doivent aussi être anticipés. Compte tenu de notre système fiscal, elle aurait mécaniquement des conséquences budgétaires.