Intervention de Annie Le Houerou

Réunion du 20 janvier 2021 à 15h00
Droits nouveaux dès dix-huit ans — Suite de la discussion et rejet d'une proposition de loi

Photo de Annie Le HouerouAnnie Le Houerou :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, près d’un jeune sur cinq vit sous le seuil de pauvreté. Ce sont plus souvent des jeunes femmes.

Un étudiant sur quatre a un travail à côté de ses études, qui lui est indispensable pour vivre. Or, depuis la crise sanitaire, il ne l’a souvent plus. Le suicide demeure la deuxième cause de mortalité chez les jeunes âgés de 15 à 24 ans, tandis qu’environ 15 % des étudiants présentent des signes d’épisodes dépressifs majeurs accentués en cette période.

En outre, 48 % des jeunes peu ou pas diplômés sont sans emploi. L’augmentation de 10 % du nombre d’allocataires du RSA et l’explosion du chômage à la fin de l’année 2020 aggravent la situation.

Ces données, mises en avant par le Conseil économique, social et environnemental, sont alarmantes. Les constats sont partagés par les grandes associations caritatives et par l’Observatoire des inégalités, comme cela a déjà été rappelé. Précarité, pauvreté, dépression, suicide… : l’effet de la crise sanitaire sur les jeunes est impitoyable.

« C’est dur d’avoir 20 ans en 2020 », a déclaré le Président de la République lors de son allocution du 15 octobre dernier. Je crains qu’il ne soit encore plus dur d’avoir 20 ans en 2021.

Si cette réalité est partagée par tous, il nous revient d’apporter des réponses dans l’urgence.

Parce qu’ils occupent des jobs précaires, les jeunes sont en première ligne de la crise économique et sociale, qui est accentuée par la crise sanitaire actuelle.

Le confinement a ainsi mis au chômage ou dans l’inactivité sans ressources de nombreuses personnes de moins de 25 ans qui exerçaient des petits boulots d’appoint dans les bars, restaurants et commerces. La crise a coupé court à toute une « économie de la débrouille » : plus de baby-sitting, d’aide aux devoirs ou de livraisons de repas, activités qui permettaient à de jeunes adultes de survivre.

Par ailleurs, l’insertion sur le marché du travail des jeunes diplômés est compromise : le marché du travail est plombé et les entreprises sont fragilisées, malgré les aides apportées par l’État.

La précarité touche aussi plus sévèrement les jeunes femmes. Ainsi, 40 % de femmes parmi les étudiantes ont arrêté leur activité rémunérée pendant le confinement, contre 31 % chez les hommes. Elles sont moins bien rémunérées. Leurs contrats sont plus précaires et débouchent plus rarement pour elles sur des emplois stables. Elles basculent aussi plus souvent vers l’inactivité sans indemnisation, et la maternité est souvent un refuge qui les conduit parfois à un enfermement.

Nous ne nions pas les initiatives du Gouvernement en faveur des jeunes. Ce sont des dispositifs de courte durée, peu lisibles, qui ne garantissent pas un socle de sécurité. Ils ne sont pas suffisants face à l’ampleur de la crise qui est cinglante et qui le sera vraisemblablement dans la durée.

La proposition du groupe SER, sur l’initiative de Rémi Cardon, est une réponse à l’urgence sociale actuelle. L’extension du RSA pour les jeunes dès 18 ans peut être mise en place dans des délais très courts. Avec ses trois articles, le texte est simple, réactif et il apporte une réponse immédiatement opérationnelle.

Les jeunes sont les parents pauvres de la solidarité nationale. La solidarité familiale ne peut pas être la réponse à cette crise. Combien de jeunes ont quitté leur famille alors qu’elle est le lieu de violences intrafamiliales ? Un enfant sur dix vivrait dans une famille où les violences sont le quotidien.

Quand bien même la famille serait ce havre de paix, combien de familles vivent elles-mêmes dans la précarité ? Comment, dans ces conditions, assurer la prise en charge des enfants en études, en recherche d’emploi ou d’une solution d’insertion ?

La France, sixième puissance économique mondiale, compte plus de 2 millions de personnes vivant dans l’extrême pauvreté : des vies de misère, où l’on ne peut pas se loger dignement, où l’on doit aller chercher à manger dans les banques alimentaires… Ces vies de misère que nous croisons sont souvent celles de jeunes de moins de 25 ans en galère.

« Le diagnostic est établi. Les pouvoirs publics sauront-ils apporter des réponses à la hauteur ? » s’interroge l’Observatoire des inégalités, dont nous rejoignons la proposition de mise en place d’un revenu minimum unique n’excluant personne.

Ce texte s’inscrit dans la continuité des propositions que nous avions formulées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021. L’instauration de ce minimum jeunesse permettra de lutter contre les inégalités sociales persistantes. Il permettra à nos jeunes d’envisager leur avenir avec plus de sérénité, forts de la confiance que nous leur accordons pour qu’ils étudient, entreprennent et trouvent leur chemin vers l’émancipation et l’autonomie.

Je le rappelle, le RSA est un parcours accompagné. Nous faisons confiance aux missions locales, ainsi qu’aux services de l’insertion et de l’emploi – vous les avez évoqués, monsieur le secrétaire d’État –, dont nous saluons le travail.

Apporter une réponse d’urgence à une situation d’urgence : tel est l’objectif de cette proposition de loi. Elle n’exclut pas les réflexions et propositions d’une réforme plus structurelle notamment émises par nos collègues du groupe socialiste de l’Assemblée nationale.

La proposition de loi prévoit un financement par la solidarité nationale, ainsi que des compensations pour les collectivités, notamment les départements. Nous la soutiendrons et la voterons.

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