Intervention de Rémi Féraud

Réunion du 20 janvier 2021 à 15h00
Droits nouveaux dès dix-huit ans — Suite de la discussion et rejet d'une proposition de loi

Photo de Rémi FéraudRémi Féraud :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la pandémie a entraîné un choc économique terrible et inédit depuis 1945. L’explosion de la pauvreté qui en découle touche particulièrement les jeunes, nous l’avons tous dit. Derrière les chiffres alarmants qui ont été rappelés, il y a une réalité humaine que nous ne pouvons pas ignorer.

Or, aujourd’hui, dans cette crise d’une violence inouïe, les jeunes âgés de 18 ans à 24 ans constituent la principale faille de notre système de protection sociale. Et ce ne sont pas les 150 euros reçus au mois de décembre dernier qui sauraient y répondre.

Face à des inégalités dramatiquement accrues par la crise, nous aurions pu et, à mon sens, nous aurions dû créer dès 2020 de nouvelles solidarités en soutenant la jeunesse. C’est ce que nous avons proposé sans succès lors de l’examen du projet de loi de finances, mais, chaque fois, nous nous sommes heurtés à la barrière idéologique du Gouvernement comme de la majorité sénatoriale.

L’interview récente de Bruno Le Maire chez Jean-Jacques Bourdin est très éclairante à cet égard. Interrogé sur l’extension du RSA aux jeunes de 18 à 24 ans, le ministre répond que ceux-ci préfèrent travailler. Lorsque le journaliste lui demande si ce n’est pas aussi le cas des bénéficiaires du RSA de plus de 25 ans, le silence désemparé du ministre de l’économie, des finances et de la relance est éloquent, comme une forme de démonstration…

Sortons du conservatisme. Mettons enfin en œuvre les concepts que l’on affectionne d’ordinaire au sein du Gouvernement : le « bon sens », le « pragmatisme » ! Face à une situation exceptionnelle, il faut une réponse nouvelle. Sortons des discours habituels, qui ne correspondent plus à la réalité.

On ne peut pas faire le constat qu’il est dur d’avoir 20 ans en 2020 et « en même temps » ne rien faire, ou si peu… De même, on ne peut pas demander aux jeunes de s’intégrer dans la société et ne pas leur en donner les moyens. Ce serait du cynisme, et personne ici n’est cynique !

En ouvrant les droits du revenu de solidarité active aux jeunes de 18 à 25 ans, la proposition de loi de Rémi Cardon et du groupe SER répond à une demande répétée des organisations de jeunesse, des syndicats, des associations de solidarité et de nombreux élus locaux. Je vois même que les discours commencent timidement à changer à droite.

Je le rappelle, aujourd’hui, si vous êtes étudiant, avez moins de 25 ans, ne travaillez pas et n’avez pas de bourse, vous n’avez droit à aucune aide sociale !

Ce que nous proposons, ce n’est pas un « horizon pour la jeunesse », c’est un socle pour lui permettre de construire ses perspectives.

Vous nous parlez d’« assistanat », de « risque d’encourager la paresse ». Pourtant, les travaux de la prix Nobel d’économie Esther Duflo démontrent exactement le contraire de tels poncifs : « Jusqu’à présent, aucune recherche n’a mis en évidence d’effet désincitatif des aides sociales sur le travail. Mais on continue de l’affirmer. Cette vision du danger de l’assistanat est tellement forte, elle conditionne tellement le discours et les pratiques politiques, qu’il est urgent de rétablir la vérité scientifique et humaine. »

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