Merci. Je partirai tout d'abord d'une conviction. Il est vrai que la construction d'un élément nouveau sur un territoire complexe - celui de la ville et de la région capitale et le lieu où siègent tous les pouvoirs - est forcément plus compliquée qu'ailleurs.
Cela explique que Paris a cinquante ans de retard par rapport à la province en termes de construction, de coopération communale et intercommunale. Ces cinquante ans de retard sont bien sûr très dommageables, mais ils sont explicables par ce contexte politique très particulier. Veuillez m'excuser pour cette expression triviale : on dit souvent que tous les chefs à plumes étaient à Paris et qu'il était donc plus compliqué de les mettre d'accord.
Une conviction a été assez vite partagée par beaucoup d'élus de tous bords. Ce fut notamment le cas des maires, bien sûr, qui ont l'habitude de construire du consensus sur leur territoire, et des politiques qui visent l'intérêt général. En effet, les maires sont aussi gestionnaires directs de services publics. Beaucoup d'entre eux se sont dit : plus on avance dans le temps, plus notre territoire se développe et plus nous sommes en interdépendance.
En outre, Paris ne peut pas être une entité repliée sur elle-même, qui n'aurait pas d'intérêts à créer un développement harmonieux avec ses voisins. Dans l'histoire de Paris, il est arrivé que la ville ne se soucie pas beaucoup de ses voisins. Il faut néanmoins rappeler que c'était compliqué. En effet, Paris n'a un maire que depuis 1977. Tout ne pouvait sans doute pas se faire en même temps.
J'aimerais rappeler la mémoire de Patrick Devedjian, qui disait souvent que la ville de Paris avait eu l'habitude de mettre tout ce qui la dérangeait à l'extérieur. Je pense notamment à des logements sociaux et des cités, qui n'étaient même plus entretenus par la ville de Paris alors que celle-ci en était propriétaire. Cela concerne aussi la question des cimetières, mais, sur un territoire très étroit, il faut évidemment aller chercher ailleurs.
Cette situation générait donc un blocage, y compris économique, de la ville capitale. Plus on a assisté, dans l'ombre, à un phénomène de métropolisation et d'émergence de grandes métropoles mondiales, plus cette absence de dialogue devenait un handicap, y compris dans la compétition internationale. Il était alors d'autant plus nécessaire d'avancer.
C'est ainsi que s'est constituée, dans les années 80, une sorte de groupe de pionniers de la métropole. Ces pionniers ont souhaité construire un espace de langage commun visant, avant même de parler de décision ou de délibération commune, à essayer de se comprendre. À Paris, à ce moment-là, nous sommes entrés dans une démarche autour de l'idée qu'il fallait réparer les choses mal faites qui pesaient à l'extérieur du périphérique. Nous avons entamé une démarche de relation bilatérale, de contractualisation avec les communes limitrophes de tous bords. On a travaillé avec Vanves et Issy-les-Moulineaux comme avec Montreuil et Saint-Denis. Ce groupe a commencé à réfléchir sur le plan institutionnel. Il était convaincu que cela devait partir des maires. Sur ce point, ma conviction est totale. En effet, on doit partir des maires si l'on veut créer un espace démocratique. Ce groupe était également convaincu qu'il fallait se comprendre pour avancer.
Comme toujours dans l'Histoire, il existe des temps d'accélération. Il y a la loi qui, à un moment donné, constitue cette métropole. Cette loi est très imparfaite, on l'a contestée. Une fois la loi adoptée, on a eu du mal à trouver ensemble un chemin pour que cette loi instaurant la métropole du Grand Paris puisse fonctionner.
Là aussi, je viens sur un terrain quelque peu politique. Deux approches ont existé : soit on considérait que c'était un espace d'affrontements entre familles politiques - cette approche était portée par certains -, soit on considérait, partant de nos expériences de maires, que cela devait être un espace de gouvernance partagée et de consensus. En effet, c'est une fabrique de consensus. Il s'agit d'un choix que nous avons fait, notamment en nous retrouvant derrière la candidature de Patrick Ollier afin de présider cette métropole et mettre en place une gouvernance partagée.
Bien sûr, de nombreux problèmes ne sont pas résolus. Je laisserai Patrick évoquer les questions de finances, qui constituent tout de même le « nerf de la guerre ».
Néanmoins, est-ce que cette métropole est simplement l'expression du crumble ou d'un étage de mille-feuille, comme elle a été caricaturée ? Je pense qu'il faut être beaucoup plus objectif dans l'approche de cette métropole. Certaines choses ont fonctionné et n'auraient pas pu être créées sans cet espace de dialogue institutionnel totalement imparfait, qui doit être repensé à l'avenir.
Parmi les choses qui ont marché, on a pu porter ensemble les Jeux olympiques et paralympiques. Je me suis inscrite en tant que maire de Paris, car c'est la ville haute qui signe et porte la candidature. Je me suis inscrite dans une candidature métropolitaine, car je sais qu'il faut une gouvernance métropolitaine.
La zone dense doit avoir une gouvernance spécifique, ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut pas parler de ce qu'il se passe au-delà de la zone dense. Il faut au contraire une alliance des territoires. Néanmoins, il faut prendre en considération les sept millions d'habitants qui habitent dans ce que mon ami Roland Castro appelle « l'oeuf au plat ».
Nous avons porté et gagné les Jeux olympiques ensemble. Nous les réaliserons ensemble et cela aura un impact majeur sur la Seine-Saint-Denis.
Un autre élément intéressant est la dynamique relative aux transports, qui couvre toute la région Île-de-France. La présidente du conseil régional est aussi présidente d'Île-de-France Mobilités. Il existe quand même des sujets spécifiques aux transports de la zone dense, que personne ne peut écarter. Le fait que tous les transports soient conçus du centre vers la périphérie n'était pas satisfaisant. Il n'y avait donc pas de transports de banlieue à banlieue.
Le Grand Paris Express naît de l'idée qu'il faut retisser des possibilités de pouvoir se déplacer en transports en commun sans passer par le centre. Nous savons à quel point les transports sont structurants du développement économique des territoires. Au sujet du Grand Paris Express, il faudrait arrêter la dualité entre une présidence par l'État d'un côté, une présidence d'Île-de-France Mobilités de l'autre côté et, au milieu, une métropole qui n'a pas voix au chapitre alors que le sujet concerne la mobilité quotidienne de sept millions d'habitants. Il faudrait parvenir à organiser la métropole comme autorité de second rang. Cela me paraît une évidence.
La Zone à faible émission (ZFE) fait aussi partie des avancées importantes. La pollution constitue évidemment un sujet. Ce sujet est plus fort à Paris, car, plus vous vous approchez du centre, plus la ville est polluée. Il fallait donc agir. Je peux vous dire que, quels que soient les combats, je ne le regrette pas. Évidemment, cela ne pouvait pas se passer seulement à Paris. Il fallait intégrer ce qu'il se passait sur un territoire métropolitain plus large. Les problèmes de pollution ne sont pas tout à fait les mêmes en Seine-et-Marne, autour de la Vallée du Loing, et à l'intérieur de Paris. La ZFE est donc une avancée métropolitaine que l'on doit à ce dialogue.
« Inventons la métropole », lancé par Patrick Ollier, est un projet très structurant montrant que la métropole a été à l'origine d'une politique publique on ne peut plus efficace. « Inventons la métropole » est un immense appel à projets sur tous les territoires de la métropole. Cet appel à projets a attiré des investisseurs, des architectes et des citoyens pour « fabriquer du territoire », alors qu'il était jusque-là difficile d'attirer des investisseurs. C'est tout de même une politique publique qui, partant d'une ingénierie partagée entre Paris et la métropole, a permis de lever dix milliards d'euros d'investissements privés dans un premier temps. Je ne connais pas beaucoup d'autres projets ayant levé tant d'argent à partir d'un apport d'environ 200 000 euros.
Il est vrai que, parfois, c'est un mille-feuille, un casse-tête et que la question du financement n'est pas réglée. Néanmoins, si l'on veut « sortir par le haut », je pense qu'il faut ne pas s'enferrer non plus dans le sujet institutionnel. Il faut plutôt partir des projets.
À mes yeux, la métropole est d'abord une métropole des projets. D'ailleurs, c'est la bonne façon d'associer tous les pouvoirs publics, tous les acteurs publics et privés et, évidemment, les citoyens. Ma recommandation est donc de régler les questions relatives au financement. Néanmoins, en même temps, il faut se donner le temps et accepter une part d'imperfection liée à l'histoire complexe de cette ville, métropole et région capitale. Il faut avancer de façon très pragmatique à partir de ces grands projets structurants, dont j'espère qu'ils nous permettront, une fois la crise du Covid-19 derrière nous, de redonner l'élan que nous devons donner à notre ville, à notre métropole et à notre région. Cet espace est tout de même un de ceux qui souffrent le plus, car il est très dépendant des échanges internationaux.
Je pense que nous pouvons mettre le temps à profit. Ne nous racontons pas d'histoires, il n'y aura pas de nouveau grand projet de loi. Ce type de projet de loi nécessite du consensus, du dialogue, de la discussion et du respect. Nous ne sommes pas dans un moment où cela sera possible. J'espère tout de même que, pour le respect, ce sera possible. Néanmoins, la construction sera plus compliquée. Essayons donc de « sortir par le haut » et d'affirmer cette métropole des projets.