Intervention de Patrick Ollier

Délégation aux Collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 26 novembre 2020 : 1ère réunion
Table ronde sur la gouvernance de la métropole du grand paris

Patrick Ollier, président de la métropole du Grand Paris :

Merci. Je suis heureux de retrouver quelques collègues avec lesquels j'ai ferraillé, de manière positive et complice, pour la création de la métropole du Grand Paris.

J'aimerais tout d'abord expliquer pourquoi je me suis impliqué dans ce dossier. Dans le département des Hautes-Alpes, j'ai été président des élus de la montagne pendant dix ans et je défendais le monde rural. J'ai créé la première communauté de communes de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, dans le Briançonnais. C'était passionnant. Je l'ai fait avec des maires communistes et socialistes. J'ai compris à ce moment-là qu'on devait écarter la rigueur des engagements politiques nationaux pour nous intéresser uniquement au bien public. En arrivant dans les Hauts-de-Seine, à Rueil-Malmaison, j'ai créé la première agglomération des Hauts-de-Seine - en dehors de Grand Paris Seine Ouest (GPSO), qui existait déjà - avec Nanterre et Suresnes. Cette agglomération a fonctionné pendant de nombreuses années. Je me sens donc tout à fait impliqué dans ce raisonnement, toujours dans le même état d'esprit.

Ce que vient de dire Anne Hidalgo me convient très bien. Nous devons être capables de nous abstraire de nos convictions nationales pour nous intéresser à la population dont nous sommes responsables. Il s'agit de mon credo.

Lorsque j'étais parlementaire, j'ai voté contre la loi NOTRe. J'ai quitté le Parlement volontairement afin de mettre en oeuvre la métropole. J'ai pensé naïvement, au départ, que si celles et ceux qui voulaient la faire disparaître avaient la complicité de celui ou celle qui aurait pu être président de la métropole, nous n'aurions jamais pu construire la métropole du Grand Paris.

Je remercie Anne Hidalgo, mais aussi les groupes communiste, écologiste et centriste. Je vois le sénateur Laurent Lafon qui est le responsable de notre fonds d'investissement métropolitain. J'ai vu également le sénateur Hervé Marseille, qui a oeuvré au niveau des centristes. Nous nous sommes attachés à faire abstraction de nos engagements politiques pour essayer d'être utiles à ces sept millions d'habitants. C'est la gouvernance partagée.

J'ajoute qu'en quatre ans de fonctionnement opérationnel environ, je n'ai pas le souvenir d'une discussion politique au bureau de la métropole. Dès le départ, nous avions dit que ce bureau n'était pas le lieu de la politique politicienne. Selon notre raisonnement commun, nous concentrons nos actions afin d'être utiles pour les sept millions d'habitants de la métropole.

Nous nous sommes engagés dans la mise en place d'un texte de loi qui n'est absolument pas satisfaisant. Je revendique le fait de l'avoir combattu, car, à l'époque, le Gouvernement a fait des erreurs sur le périmètre et sur le budget. Lorsqu'on parle de compétences, on se rend compte que la métropole du Grand Paris est la seule métropole de France à ne pas disposer de compétences opérationnelles, alors qu'il s'agit d'une des deux ou trois métropoles les plus importantes d'Europe.

Je vous remercie donc de réfléchir à cette évolution, car, en effet, ces problèmes ne se posent pas seulement par rapport aux souhaits des uns ou des autres, ils doivent s'apprécier uniquement par rapport aux services que l'on peut rendre aux habitants.

Ce sont avant tout les maires qui doivent rendre ces services, car ce sont eux qui sont responsables, sur leur territoire, de l'exécution au quotidien des décisions qui sont prises. Sans le soutien des maires, il n'est pas possible de conduire des politiques coordonnées. Peut-être que cela évoluera dans un autre sens plus tard, mais, aujourd'hui, je suis fermement attaché à la métropole des maires.

Le problème est que l'on veut « tuer le bébé », qui n'a que quatre ans. Néanmoins, il faut nous laisser le temps de prouver notre efficacité collective - car nous en avons une - avant de dire qu'il faut supprimer la métropole.

Cette gouvernance partagée et unique est le moyen de mettre en place des politiques publiques dans un périmètre de zone dense. Comment gérer au quotidien 131 politiques différentes avec 131 maires de la zone dense ? Il n'existe pas de réponse à cette question. La seule réponse possible est l'unité d'action et cette unité d'action ne peut avoir lieu que dans un périmètre parfaitement identifié de la zone dense, qui s'appelle la métropole. Cette unité d'action ne peut se concevoir qu'à travers cette gouvernance partagée, avec des compétences particulières, que les maires décident ensemble de mettre en oeuvre.

La métropole doit être attractive et stratège, mais à la hauteur des services qu'elle peut rendre à sept millions d'habitants. En outre, elle s'insère bien entendu dans une région qui est au-dessus ou à côté de la métropole. En principe, les compétences ne sont donc pas les mêmes. Elles doivent être complémentaires. À partir de la complémentarité des compétences des différents acteurs, il n'existe plus de problème de mille-feuille.

Le problème est la simplification et la concurrence des compétences. J'ai le souvenir que nous avions évoqué cette question avec certains à l'époque de la loi « Pasqua » n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, pour laquelle j'avais été rapporteur à l'Assemblée nationale. Nous n'avions pas été capables de le gérer, à cause de ma propre majorité. Si les compétences sont complémentaires, peu importe le nombre d'institutions qui existent.

À ce moment-là intervient l'aménagement du territoire. Madame la présidente, cela me ferait plaisir de lire « délégation aux collectivités territoriales et aménagement du territoire ». En effet, pour l'aménagement du territoire, nous avons « cassé la boussole » en contrevenant à la réussite du plan. Maintenant, on recommence un ersatz de plan.

On a « cassé la boussole » en tuant quasiment la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR). Ainsi, il n'existe plus de vision stratégique de l'État. Il est quand même extrêmement préoccupant qu'il n'y ait plus de vision stratégique de l'aménagement du territoire par l'État sur le plan national. À l'époque, le premier ministre m'avait parlé d'une décentralisation vers les régions. Non ! Il y a des coordinations, des harmonisations et des intérêts communs qui dépassent le périmètre d'une des institutions, que ce soit la région, la métropole ou la ville. La notion d'aménagement du territoire me semble donc être complémentaire de l'existence d'une collectivité pour rendre le maximum de services en harmonisant, coordonnant et mutualisant, pour faire des économies d'échelle, dans un périmètre métropolitain.

Ces instruments d'aménagement du territoire nous permettent donc, si nous réfléchissons bien, d'éviter les débats auxquels nous sommes soumis aujourd'hui. Qu'est-ce que la métropole va nous prendre ? La métropole ne prendra rien. Elle gérera son périmètre au maximum, dans l'intérêt des populations. On pourrait répondre qu'elle va aspirer l'attractivité et le développement économique. Je peux comprendre ce raisonnement, auquel je souscris volontiers. Néanmoins, j'inverse l'ordre des valeurs et je demande plutôt ce que la métropole peut apporter. À partir de là, en créant des conventions stratégiques de coopération dans la loi, nous pouvons organiser ce que j'appelle l'aménagement du territoire intra-métropolitain sur des thématiques particulières, avec des engagements budgétaires précis. La région doit y être associée. Il pourrait exister des contrats de développement entre région et métropole - ainsi que l'État s'il souhaite s'y associer - de sorte que n'existe plus ce questionnement sur ce qu'absorbe la métropole. Je reconnais qu'il s'agit d'un véritable problème qui se pose. Je pense que, dans l'intelligence collective, nous devons être capables de nous poser la question, mais surtout d'imaginer des solutions.

Aujourd'hui, le budget de notre métropole est indigent. Au passage, je souhaite que le Sénat intervienne en loi de finances, car il y a eu des tentatives visant à déséquilibrer le financement de la métropole, et ces tentatives nous conduiraient peut-être à fermer la porte et à faire disparaître la métropole si elles aboutissaient sur le plan budgétaire.

J'entends bien qu'on veuille défendre certains principes au nom de l'alliance des territoires. Néanmoins, je ne comprends pas du tout qu'il n'y ait pas, au niveau de l'État, une volonté d'indiquer le délai durant lequel on va travailler sur la gouvernance. Si c'est après la présidence de la République, cela ne vaut peut-être pas la peine de commencer ce débat aujourd'hui. En outre, ce n'est pas au détour d'une loi de finances que l'on peut essayer d'atteindre un objectif au niveau des principes institutionnels.

Il existe un hiatus terrible dans la loi concernant les territoires. On a laissé des Établissements publics territoriaux (EPT) qui ne sont pas des Établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Ces ETP ne sont pas des établissements à fiscalité directe. On les a laissés exister en pensant que tout se passerait bien. Pensez-vous qu'on puisse imaginer qu'il y ait douze entités différentes avec des fiscalités autonomes - forcément différentes, voire antagonistes - dans un même périmètre ?

Je suis un homme de l'Ouest, donc forcément suspect de venir des territoires riches et de ne pas m'intéresser aux territoires dits nécessiteux de l'Est. La métropole souffre de cette suspicion.

Je me permets d'ouvrir une parenthèse. Je remercie Anne Hidalgo d'avoir parlé du projet « Inventons la métropole ». Je regrette que personne n'en parle davantage. Dix milliards d'euros de permis de construire commencent à être signés en ce moment. Quatorze ou quinze sont signés. On dénombre 77 projets urbanistiques ou architecturaux exceptionnels, avec des jurys qui ont été organisés avec l'État et les responsables locaux bien entendu. Les permis de construire commencent à être signés. Ces dix milliards d'euros seront dépensés à partir de 2021 au fur et à mesure des constructions. Ces projets s'inscrivent dans une volonté de relance, particulièrement évoquée en ce moment. Cela complète par ailleurs les actions de la région et de la mairie de Paris. Cela contribue néanmoins à un espoir de création de valeur ajoutée pour la France, dans le contexte de la crise du Covid-19. Deux tiers des 77 projets sont créés dans les départements du Val-de-Marne et de la Seine-Saint-Denis. Sept projets concernent Paris, et un tiers seulement des projets se feront dans l'ouest de Paris, c'est-à-dire les Hauts-de-Seine. Il s'agit d'un véritable rééquilibrage territorial.

Je termine sur les attaques dont nous sommes l'objet en ce moment - j'en ai subi douloureusement. Le fonds d'investissement métropolitain, c'est exactement la même valeur. Les Hauts-de-Seine ont reçu 39,5 millions d'euros sur le dernier fonds, tandis que la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne ont reçu 84 millions d'euros. Cela représente quasiment un découpage entre deux tiers et un tiers. Nous veillons à ce que ceux qui reçoivent le plus soient ceux qui ont le plus besoin. Nous n'avons pas besoin que l'on nous dise de faire ainsi. Nous sommes tous autour de la table pour décider comment on engage ces dépenses. Cela mériterait d'être sacralisé dans la loi, car, effectivement, dans une loi objective devrait être inscrite une méthode de travail d'aménagement du territoire.

Concernant les territoires, il est aberrant qu'existent ces entités indépendantes. Je suis vice-président du territoire Paris Ouest La Défense (POLD), qui est le territoire le plus riche. Il existe le Service public industriel et commercial (SPIC), d'une part, sur le plan national, qui crée la solidarité en effectuant la répartition sur le plan du territoire. Il existe aussi le Schéma directeur de la région Île-de-France (SDRIF), qui s'occupe d'une répartition. La péréquation fonctionne donc plutôt correctement. Regardez bien la ville de Rueil-Malmaison : on donne quatorze millions d'euros par an aux villes de la Seine-Saint-Denis. Cela fonctionne, mais ce n'est pas la métropole.

Je souhaite que les territoires existent en tant qu'entités géographiques. En effet, la proximité, pour le travail de maire, ne peut effectivement se faire qu'à travers des zones géographiques identifiées. Il faut que le territoire soit intégré dans la métropole. Néanmoins, ce n'est pas aux territoires de décider de leur fiscalité. La fiscalité doit être métropolitaine. La répartition doit se faire dans un budget métropolitain, par rapport au mérite et aux projets que chaque territoire peut dégager. Il n'y a pas de problème avec le fait que la métropole apporte le financement, mais cela ne peut se faire que dans le cadre d'une harmonisation et d'une coordination dans l'intérêt des tous les habitants.

Si l'on parvient à trouver un équilibre entre ces éléments que j'évoquais et cette complémentarité avec les autres institutions, on arrivera à créer une métropole dynamique dans l'intérêt des populations.

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