Il n'y aura effectivement plus d'imams détachés à compter de décembre 2023. L'Union des mosquées de France, que je préside, a la charge d'une trentaine d'imams détachés du Maroc. Je précise qu'il ne s'agit pas, en l'occurrence, de fonctionnaires envoyés par un État étranger. Nous aurons terminé cette prise en charge en février prochain et avons d'ores et déjà formé une soixante de jeunes Français et Françaises pour les remplacer. En revanche, la mise en oeuvre de cette mesure pose davantage de difficultés à la Grande mosquée de Paris et au Comité de coordination des musulmans turcs de France (CCMTF) qui gèrent respectivement 120 et 150 imams détachés. La France a fait le choix souverain de mettre fin aux accords bilatéraux qui organisaient la formation des imams. Il convient donc désormais de réfléchir aux moyens de former les nouveaux imams qui ne seront plus issus du dispositif des imams détachés.
Madame Gatel, vous avez évoqué le cas spécifique des aumôniers. L'État ayant imposé une condition de diplôme pour exercer cette fonction, nous pourrions envisager de soumettre les imams, prêtres ou pasteurs à cette même exigence. Je rappelle cependant que les aumôniers sont payés par l'État, ce qui n'est pas le cas des imams qui exercent ailleurs. On peut rester sur le principe de non-immixtion de 1905. Cela n'empêche toutefois pas de s'interroger, dans le cadre du dialogue entre l'État et les cultes, sur les conditions nécessaires pour pouvoir exercer ces missions et la question se pose particulièrement pour le culte musulman.
Pour répondre clairement à Mme la rapporteure, j'affirme que je suis opposé au voilement des petites filles. D'ailleurs, aucune école musulmane, même la plus rigoriste, ne le prescrit. Il s'agit d'un dévoiement de la religion. Une jeune fille a besoin de construire son libre arbitre. Il est bien évident qu'elle ne peut pas le faire dans ces conditions. À cet égard, le rôle de l'école est essentiel. Les dispositions du projet de loi relatives à la scolarisation des enfants vont dans le bon sens, à condition qu'elles restent proportionnées et adaptées aux différents cas de figure. L'Éducation nationale doit jouer son rôle d'amortisseur lorsque l'on constate des défaillances au sein des familles.
En ce qui concerne le contrat d'engagement républicain, il est normal que les associations qui perçoivent des subventions publiques rendent compte au peuple français de leur activité. Cependant, je pense que nous pourrions étendre ce dispositif à toutes les associations car le dispositif envisagé donne l'impression que l'on peut monnayer le respect des principes de la République. Comme l'a rappelé le Conseil d'État, l'usage du terme « contrat » soulève des difficultés. Cela me pose un problème moral : les associations non financées par des fonds publics ne devraient pas penser qu'elles peuvent s'exonérer de cette obligation.
Pour en revenir à la question de la formation des imams, nous préparons l'ouverture de deux instituts au sein de la grande mosquée d'Ivry et de la grande mosquée de Strasbourg et, au niveau régional, des cours préparatoires qui permettront d'y accéder. L'État peut apporter une aide substantielle à ces projets. C'est d'ailleurs ce que j'appelle de mes voeux depuis plusieurs années. Pour que la formation des imams soit efficace, elle doit être accompagnée d'une formation universitaire de niveau licence au moins, et pas seulement d'un diplôme universitaire qui n'est qu'un complément de formation. Cela permettrait non seulement aux futurs imams d'obtenir le statut étudiant mais aussi de bénéficier d'enseignements non confessionnels (philosophie, politiques publiques, langues, etc.) afin d'élargir leur horizon. Ainsi, nous comptons offrir, au sein des instituts d'Ivry et de Strasbourg, des enseignements sur les autres religions dispensés par des représentants des autres cultes.
Je le répète : la formation des imams est le premier défi qui se pose à l'islam de France. Nous devons intensifier nos efforts dans ce domaine doter les imams des moyens dont ils ont besoin, notamment pour investir les réseaux sociaux et lutter contre la radicalisation de la jeunesse.
Enfin, je vous confirme, Mme la rapporteure, que la CIMG a participé à toutes les discussions qui ont amené à la signature de la charte des principes de l'islam de France. Même si elle s'est opposée à certaines formulations, la CIMG a validé le premier jet de la charte présenté le 15 décembre, qui affirmait déjà le rejet de l'islam politique. À la suite d'une erreur matérielle, la CIMG a été retirée de la liste des participants à la place de l'association Islam Sounnat Djammate - Grande mosquée de Saint Denis de La Réunion qui n'a pas souhaitée être associée ni à la charte ni au Conseil national des imams (CNI). En effet, le processus d'agrément des imams propre à La Réunion lui paraît satisfaisant et n'appelle, à son sens, pas de réforme particulière.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
- Présidence de M. François-Noël Buffet, président -
La réunion est ouverte à 18 h 05.