La Principauté de Monaco, dont le territoire est totalement enclavé dans celui de la France, entretient des relations diplomatiques étroites avec notre pays. Celles-ci se matérialisent notamment par l'existence de deux conventions fiscales relativement anciennes, destinées à définir les modalités d'imposition des 10 000 Français qui résident à Monaco et des 400 Monégasques habitant en France.
La Principauté étant très attractive d'un point de vue fiscal, ces deux conventions se singularisent par leur objet, qui n'est pas tant d'éviter les doubles impositions que de lutter contre le transfert de bénéfices à Monaco et de dissuader les contribuables français d'établir leur domicile fiscal dans la Principauté afin d'échapper à l'impôt sur le revenu en France. Ainsi, les Français résidant à Monaco continuent de payer leurs impôts en France, à l'exception de ceux qui, en 1962, avaient déjà vécu pendant au moins cinq ans à Monaco.
Ces deux textes ne couvrent cependant pas l'intégralité des questions de nature fiscale auxquelles sont confrontés la France et Monaco dans leurs relations, laissant une relative latitude aux autorités compétentes des deux États pour régler certains cas par la pratique.
L'accord que nous examinons aujourd'hui a donc vocation à combler une absence de base conventionnelle, en encadrant une pratique relative aux dons et legs transfrontaliers. En effet, en droit français comme en droit monégasque, certaines personnes publiques et entités sont exonérées du paiement des droits de mutation à titre gratuit, à savoir les droits d'enregistrement et la taxe de publicité foncière. Néanmoins, même si deux États exonèrent dans leur droit interne des entités similaires, cet avantage est limité aux organismes implantés sur le territoire national sauf si une convention fiscale assure un régime de réciprocité en la matière.
Or en l'absence de toute base conventionnelle, la France et Monaco exonèrent mutuellement de droits de mutation à titre gratuit les dons et legs consentis à des personnes publiques ou à des organismes non lucratifs situés dans l'autre État. Ces exonérations sont accordées sur la base de décisions ministérielles, si tant est que les entités bénéficiaires remplissent les conditions d'éligibilité dans le droit interne de l'autre État.
Cette pratique, constante depuis 1969, ne concerne qu'un nombre restreint de cas : depuis 2010, six organismes français ont bénéficié d'une exonération de droits monégasques, tandis qu'une seule demande d'exonération a été formulée auprès des services fiscaux français. C'est à l'occasion de cette dernière demande, qui portait sur un legs consenti par un Français au profit d'un hôpital monégasque, que les autorités françaises ont proposé à leurs homologues monégasques de formaliser davantage leurs relations fiscales dans ce domaine.
Initiées en 2016, les négociations se sont poursuivies en 2017 et 2018, pour aboutir à la signature d'un texte le 25 février 2019. L'accord ayant vocation à encadrer une pratique existante, le principe et l'étendue des exonérations à accorder faisaient déjà l'objet d'un consensus entre les deux parties ; par conséquent, selon les informations qui m'ont été communiquées, les échanges ont principalement porté sur le choix du support juridique idoine, ainsi que sur certains aspects rédactionnels.
En pratique, les stipulations contenues dans l'accord sont largement comparables à celles qui figurent dans les accords de même type conclus par la France. L'accord définit ainsi trois catégories de bénéficiaires des exonérations de droits de mutation à titre gratuit, à savoir les États parties, leurs collectivités locales ou territoriales et les établissements publics ou d'utilité publique ainsi que les organismes à but désintéressé opérant dans les domaines culturel, cultuel, éducatif, charitable, scientifique, médical, environnemental ou artistique et implantés dans l'un des États parties. Ce champ d'application, relativement large, est censé couvrir l'ensemble des entités éligibles à ces exonérations dans le droit interne de chaque État.
Toutefois, j'attire votre attention sur le fait qu'il ne suffit pas à une entité de correspondre à ces critères pour pouvoir bénéficier des dispositions de l'accord, dans la mesure où l'article 2 pose une condition de stricte réciprocité : un organisme ne sera éligible à une exonération de droits de mutation dans l'autre État que si ce dernier prévoit cette même exonération en faveur des organismes situés sur son territoire.
Je ne reviendrai pas sur les modalités d'entrée en vigueur, de modification et de dénonciation de l'accord, qui sont relativement classiques, si ce n'est pour relever que l'accord aura une portée rétroactive en matière de legs ; cette disposition s'explique par la décision qui a été prise, au début de la négociation, de geler toutes les demandes d'exonération dans l'attente du présent accord.
La perte de recettes résultant de la portée rétroactive de l'accord devrait être relativement circonscrite, puisque selon les informations qui m'ont été communiquées, seule une demande d'exonération est en attente d'examen en France, concernant un legs de 1,5 million d'euros en faveur d'un hôpital monégasque. En parallèle, quatre demandes d'exonération auraient été formulées auprès des services fiscaux monégasques pour des dons et legs en faveur d'organismes français d'un montant total d'environ 25 millions d'euros, correspondant à des droits de mutation de l'ordre de 4 millions d'euros.
Enfin, même s'il n'est pas possible d'évaluer l'éventuel effet incitatif que cet accord pourrait avoir sur les dons et legs qui seront consentis dans les années à venir, son impact fiscal devrait rester limité puisqu'il se substitue à une pratique courante.
Pour conclure, cet accord présente l'avantage de clarifier l'ensemble des procédures applicables en matière de dons et de legs transfrontaliers, de même que la liste des entités éligibles à une exonération, afin d'inscrire les décisions rendues en matière d'exonération dans un cadre juridique plus solide.
Je vous propose donc, chers collègues, d'adopter le présent projet de loi.