Intervention de François Villeroy de Galhau

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 27 janvier 2021 à 16h30
Audition de M. François Villeroy de galhau gouverneur de la banque de france

François Villeroy de Galhau :

À court et moyen termes, l'inflation devrait rester faible. La BCE et la Banque de France prévoient une inflation de l'ordre de 1 % d'ici fin 2022, et légèrement supérieure à 1,4 % en 2023 pour la zone euro. La politique monétaire accommodante doit donc être maintenue. Au-delà de cet horizon, les économistes sont divisés : certains estiment que l'augmentation des coûts de production tenant aux normes sanitaires et environnementales, une démondialisation partielle, la démographie et l'effet des politiques monétaires pourraient conduire à une accélération de l'inflation. La plupart des économistes jugent toutefois que l'inflation devrait rester faible. Bien que je sois plutôt de cet avis, la Banque de France ne peut s'engager à poursuivre une politique monétaire accommodante sur une perspective de long terme.

Monsieur Nougein, le taux qui a été indiqué par le ministre est un plafond. Des taux inférieurs à 2,5 % jusqu'à six ans sans garantie sont objectivement favorables par rapport aux références de marché. Les taux que vous avez évoqués correspondent à des emprunts à plus court terme avec des garanties du dirigeant. Les PGE ne sont pas destinés à permettre aux banques de réaliser des profits abusifs ; elles ont même enregistré des pertes. Quoi qu'il en soit, les PGE sont un succès français, tant du point de vue des volumes que des taux. De plus, 94 % des PGE ont été consentis à des TPE et PME, pour un total s'élevant à 75 % des montants.

Nous pouvons fournir des projections, monsieur Capo-Canellas. En matière de dette, j'estime qu'il serait sage d'appliquer un principe de précaution : l'expérience prouve que nous ne sommes jamais à l'abri d'un choc supplémentaire. Or le drame français est qu'en période normale nous nous contentons dans le meilleur des cas de stabiliser nos comptes publics, alors qu'il faudrait retrouver un degré de liberté nous permettant de faire face à d'éventuelles crises.

Je ne dispose pas d'éléments chiffrés sur les entreprises zombie. L'économie américaine traverse mieux ce choc que l'économie européenne, alors même que les États-Unis ont moins bien géré l'aspect sanitaire. Au-delà du stimulus budgétaire, qui a joué un rôle, l'économie américaine s'est mieux adaptée. Aujourd'hui il faut être à la fois keynésien et schumpétérien, c'est-à-dire qu'il faut soutenir l'économie tout en profitant de cette crise pour transformer notre économie.

Le débat relatif à la surimposition des entreprises paraît déconnecté du montant des baisses d'impôt qui leur sont consenties. La stabilité fiscale est aussi une condition d'efficacité des baisses d'impôt qui sont intervenues - et qui, parfois, ne sont même pas connues des dirigeants d'entreprises. Tel est mon sentiment personnel sur ce sujet, qui ne relève pas de la compétence de la Banque de France.

Monsieur Maurey, pour rembourser la dette sans augmenter les impôts, il faut déjà ne pas les baisser ! Nous avons besoin de temps, de croissance et de dépenses publiques efficaces. Le mélange entre ces trois éléments relève de la décision politique.

Le PGE a certainement permis des effets d'aubaine, mais je ne crois pas qu'il y ait eu d'effet d'éviction. Le taux de refus se situe entre 2 % et 3 %, soit un niveau extrêmement faible.

Je n'ai pas eu connaissance de difficultés d'accès à la monnaie pendant le premier confinement. Je rends d'ailleurs hommage aux personnels de la Banque de France qui ont effectué les activités de tri durant cette période. En tout état de cause, si l'on vous fait part de difficultés de cet ordre, n'hésitez pas à saisir votre directeur départemental de la Banque de France. Par ailleurs, je ne peux que soutenir l'idée d'une expérimentation avec La Poste.

J'en viens aux questions de Monsieur Lurel. L'inflation sous-jacente est faible. L'inflation totale en zone euro est de - 0,3 % ; elle est légèrement positive si on la corrige des facteurs exceptionnels, mais elle reste insuffisante.

S'agissant des achats d'actifs, Eurosystème détenait environ 2 600 milliards d'euros d'actifs fin 2019, et 3 660 milliards fin 2020, soit une forte augmentation.

Nous préférons parler de monnaie numérique plutôt que de monnaie digitale. Une étude est en cours ; dans le cadre de l'Eurosystème, nous déciderons mi-2021 d'un éventuel test. En tout état de cause, il peut y avoir de bonnes raisons d'instaurer une monnaie numérique publique de Banque centrale : nous ne pouvons pas laisser le champ libre à une monnaie privée.

Il y a un an, lorsque le taux de rémunération du livret A avait baissé à 0,5 % compte tenu de la baisse de l'inflation et des taux, j'avais indiqué qu'il s'agissait d'un plancher, et cela sera respecté. Le livret d'épargne populaire est quant à lui protégé de l'inflation puisqu'il est à 1 % ; il faut le développer, car il ne bénéficie qu'à la moitié des 15 millions de Français qui pourraient en profiter. La Banque de France a indiqué que le taux de rémunération moyen de certains plans épargne logement antérieurs à 2011 était supérieur à 4 % à vie. Cela peut nous amener à nous interroger, mais il appartiendra au Gouvernement et au Parlement de prendre une décision.

La réunion est close à 13 h 05.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est ouverte à 16 h 30.

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