Intervention de Bariza Khiari

Réunion du 5 octobre 2005 à 15h30
Ratification d'une ordonnance relative au code du tourisme — Discussion d'un projet de loi

Photo de Bariza KhiariBariza Khiari, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est pour moi un grand honneur que de rapporter un texte pour la première fois au nom de la commission des affaires économiques. C'est aussi une très grande satisfaction, car je suis tout à fait convaincue de l'utilité du projet de loi qui nous est soumis.

Il nous est en effet proposé de ratifier une ordonnance créant un code du tourisme. Ratification d'ordonnance, codification à droit constant : ce sont là des perspectives austères, me direz-vous. Pourtant, la construction d'un code du tourisme représente un événement significatif pour le tourisme, et donc pour notre économie.

En effet, la création de ce code permet d'abord de consacrer la reconnaissance du secteur touristique. Le poids économique et social du tourisme, vous l'avez indiqué, monsieur le ministre, est très important. Comme le rappelait également notre collègue Charles Ginésy dans son dernier rapport pour avis sur le budget de ce secteur, le tourisme représente 6, 7 % du PIB, un chiffre d'affaires annuel de plus de 100 milliards d'euros, près de 200 000 entreprises, 2 millions d'emplois directs et indirects, et un solde positif de la balance des paiements avoisinant les 12 milliards d'euros.

La France reste en outre la première destination touristique au monde, alors même que le tourisme connaît un essor continu, concernant toujours plus d'acteurs.

A l'échelle mondiale, vous l'avez souvent dit dans des interventions récentes, monsieur le ministre, il ne fait aucun doute que ce secteur recèle un potentiel de création nette d'emplois, comme l'a souligné l'Organisation mondiale du tourisme. Il revient à la France d'y prendre toute sa part, d'autant qu'il s'agit d'emplois non délocalisables : le tourisme, c'est d'abord un territoire et les emplois sont le plus souvent attachés à ce territoire.

Ensuite, au-delà de cette reconnaissance économique, juridique et même institutionnelle du secteur du tourisme, l'élaboration de ce code a pour objet de faciliter la vie des acteurs du tourisme. En effet, l'activité touristique se caractérise par sa forte « transversalité » : c'est ce qui la rend passionnante, mais c'est aussi ce qui rend difficile l'accès à des normes juridiques aujourd'hui particulièrement dispersées. Rassembler et organiser ces règles de droit pour les rendre intelligibles en favorisera la connaissance, et donc l'application par leurs usagers, en particulier par les professionnels du secteur. Il s'agit d'un travail particulièrement utile pour les opérateurs ne disposant pas de services juridiques.

C'est pour ces excellentes raisons que notre collègue Michelle Demessine, lorsqu'elle était secrétaire d'Etat au tourisme, avait décidé de la création de ce code et engagé en 2000 le processus de rédaction. Je souhaite ici lui rendre hommage. Elle avait confié la responsabilité du projet à M. Jean-Luc Michaud, aujourd'hui chef de l'inspection générale du tourisme.

C'est à votre honneur, monsieur le ministre, et j'ai plaisir à le dire, d'avoir relancé ce processus à la fin de l'année 2002, afin qu'il aboutisse enfin. C'est dans le même état d'esprit constructif que la commission des affaires économiques a examiné la partie législative du projet de code que vous nous soumettez, en annexe à l'ordonnance du 20 décembre 2004.

Cette ordonnance a été adoptée sur le fondement de la loi du 2 juillet 2003 habilitant le Gouvernement à simplifier le droit. Son article 33 a notamment autorisé le Gouvernement à adopter par ordonnance la partie législative du code du tourisme, à droit constant. Ainsi, les dispositions codifiées doivent être celles qui sont en vigueur au moment de la publication de l'ordonnance ; seules sont autorisées les modifications qui seraient rendues nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes ainsi rassemblés, et pour harmoniser l'état du droit.

Il est manifeste, monsieur le ministre, que vous avez fait très bon usage de cette loi d'habilitation. Formellement, d'abord, l'ordonnance a été adoptée et son projet de loi de ratification déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale dans les délais impartis par la loi. La procédure fixée par la Constitution a donc été régulièrement suivie et les dispositions de l'ordonnance sont en vigueur depuis le 1er janvier dernier. Sa ratification par le Parlement lui donnerait une indispensable sécurité juridique.

Sur le fond, monsieur le ministre, vous avez respecté votre mandat : la partie législative du code que vous nous soumettez reprend, selon un plan cohérent, les dispositions d'ordre législatif attendues d'un code du tourisme.

Comme vous l'avez souligné tout à l'heure, les quatre livres de ce code traitent de la dimension institutionnelle du tourisme, afin de la rendre lisible, des règles applicables aux professions du tourisme, de la dimension d'aménagement et d'équipement qui s'attache aux activités touristiques, et, enfin, des aspects fiscaux et sociaux de ces activités.

En outre, dans ce travail d'assemblage et de réorganisation, le Gouvernement a fidèlement respecté le principe de codification à droit constant, ne procédant qu'aux ajustements qu'imposaient l'actualisation et la bonne coordination des textes ainsi que le respect de la hiérarchie des normes juridiques : quelques dispositions législatives sont donc déclassées et ne seront reprises que dans la partie réglementaire du code, tandis que d'autres, à l'inverse, font l'objet d'un reclassement et figurent désormais au sein de la partie législative du code.

Je ne peux toutefois manquer, monsieur le ministre, de relever le caractère fortement « suiveur » de ce code du tourisme : près du tiers des dispositions qu'il contient sont issues d'autres codes. Il est procédé de deux manières : soit par renvoi simple à d'autres dispositions de codes pilotes, soit par reproduction intégrale d'articles de ces codes.

Les dispositions qui présentent un intérêt au regard des activités ou équipements touristiques, mais qui ne sont pas pour autant spécifiques au secteur du tourisme, sont signalées sous forme de renvoi simple, de manière à assurer la meilleure accessibilité au droit. Quant aux dispositions « suiveuses » retenues, ce sont celles qui comportent une véritable spécificité touristique. Si leur reprise dans le code du tourisme ne s'accompagne pas de leur abrogation dans le code pilote, c'est souvent pour conserver aux grands codes leur intégrité, comme c'est la cas pour le code général des collectivités territoriales, le code général des impôts, le code civil, le code de l'urbanisme, le code de l'environnement ou le code de commerce.

Cela a conduit notre commission à s'interroger : le code du tourisme aurait-il pu être moins « suiveur » ? Sans doute pas, et cela pour deux raisons.

La première tient à la transversalité de la matière traitée, située au carrefour de multiples domaines.

La seconde tient à l'histoire de la codification : intervenant après la grande vague de codification lancée en 1989, ce code du tourisme se trouvait contraint de reproduire de nombreuses dispositions déjà codifiées et il lui était difficile de prétendre amputer des codes déjà constitués et cohérents. Seules les dispositions du code général des collectivités territoriales relatives aux stations classées et aux offices de tourisme ont pu être reprises en position pilote dans le code du tourisme et abrogées dans le code général des collectivités territoriales.

Je prends acte de cet état de fait, mais je crois qu'il faut en tirer deux conclusions.

Tout d'abord, la partie législative du code du tourisme que la commission des affaires économiques vous propose de ratifier ne contribue pas de manière décisive à l'intelligibilité du droit, notamment du fait des divers renvois que je viens d'évoquer. Je le regrette, mais c'est aussi parce que, en matière touristique, l'essentiel des règles utiles aux opérateurs sont d'ordre réglementaire. C'est dire l'importance de la partie réglementaire du code du tourisme, qui a été soumise à la fin de l'été dernier à la Commission supérieure de codification. Ainsi, les arrêtés de classement des hébergements, très importants pour les professionnels du tourisme, mais pris sur un fondement juridique fragile, devraient, pour la plupart, figurer dans cette partie réglementaire. Ils devraient en effet être reclassés en décrets à cette occasion, avant de faire l'objet du « toilettage » qui s'impose pour les accorder aux nouvelles réalités touristiques.

Permettez-moi donc de plaider, monsieur le ministre, pour que cette partie réglementaire du code soit complétée par une partie « arrêtés ». Cela permettrait de mettre aussi à disposition des acteurs du tourisme toutes les règles répondant à leurs besoins immédiats : quelles règles d'hygiène et de sécurité pour ouvrir un restaurant ? Comment assurer l'accessibilité des personnes à mobilité réduite ? Quelle fiscalité sociale ? Tout cela me semble devoir être aisément accessible et j'encourage donc le Gouvernement - mais je sais, monsieur le ministre, que vous y êtes favorable - à aller plus loin dans le champ réglementaire, c'est-à-dire plus largement dans l'objet des normes et plus bas dans leur niveau. Ce n'est qu'à ce prix que le code du tourisme rencontrera le public qui en est le plus demandeur.

Seconde conclusion : ce travail de compilation étendue nécessite, à mes yeux, de consolider la cellule juridique du ministère du tourisme. Il lui reviendra en effet d'actualiser ces normes réglementaires multiples en exerçant une veille tous azimuts. La construction « suiveuse » de la partie législative du code plaide dans le même sens : la reproduction de pans entiers de codes pilotes exigera de reproduire fidèlement toute modification que les lois apporteront à ces codes. Ce travail de maintenance doit absolument être assuré, sous peine de voir le code du tourisme devenir rapidement obsolète et perdre sa valeur.

Permettez-moi de présenter maintenant brièvement les amendements que la commission a déposés.

Certains d'entre eux visent à apporter quelques améliorations rédactionnelles ou à rectifier des erreurs matérielles que notre travail a permis de relever dans l'ordonnance ou dans le code qui lui est annexé.

Par ailleurs, pour économiser du temps parlementaire, nous vous proposerons un amendement ayant pour objet de ratifier une ordonnance que le Gouvernement a déposée sur le bureau de l'Assemblée nationale, mais que cette dernière n'a pas encore examinée. Il s'agit d'une ordonnance qui réforme le régime juridique de la vente de séjours et de voyages, adoptée en février 2005, en application de la loi du 9 décembre 2004 autorisant le Gouvernement à simplifier le droit. Cette ordonnance a déjà modifié certaines dispositions du code du tourisme qui nous est soumis. Il est donc logique et plus efficace de la ratifier dès à présent, sous réserve toutefois qu'une correction y soit apportée afin d'éviter que les agents de voyages détenteurs d'une licence ne risquent de subir une concurrence déloyale.

Par ailleurs, l'évolution des habitudes du consommateur en matière d'achats en ligne m'a conduit à proposer que le code du tourisme les prenne en compte ; il est en effet important que les services juridiques du ministère du tourisme suivent l'évolution de ce droit, d'autant que le commerce en ligne ne cesse de se développer.

Enfin, au nom de la commission, je vous proposerai de consolider l'Agence nationale pour les chèques-vacances. Par un amendement adopté en première lecture, l'Assemblée nationale a déjà confirmé le monopole de cette agence sur l'émission des chèques-vacances. Je m'en félicite, mais cela ne doit pas empêcher d'explorer la possibilité d'exploiter, pour la diffusion de ces chèques et non pour leur émission, l'efficacité de certains groupes privés, en vue de permettre aux salariés des PME de profiter plus qu'aujourd'hui des chèques-vacances, comme ils bénéficient déjà aujourd'hui des chèques-déjeuner ou titres-restaurant.

La commission des affaires économiques, pour sa part, vous propose deux amendements au sujet de l'ANCV.

Le premier vise à rétablir une disposition figurant dans l'ordonnance de 1982 portant création des chèques-vacances qui est ici codifiée : il s'agit d'une disposition établissant la double tutelle de l'ANCV et soumettant l'agence au contrôle économique et financier de l'Etat.

Le second est destiné à prévenir tout conflit d'intérêt au sein de l'ANCV entre ceux qui attribuent les excédents de l'agence et ceux qui bénéficient de ses subventions, en créant une commission consultative ad hoc. Il me semble qu'il s'agit, monsieur le ministre, d'une mesure de bonne administration, qui vise à garantir que les 5, 7 millions d'euros d'excédents que dégage aujourd'hui l'ANCV soient attribués aux organismes qui en ont le plus besoin.

Avant de conclure, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à me faire l'écho du riche débat que ce texte a suscité en commission, en attirant votre attention notamment sur deux points.

Le premier concerne les difficultés de recrutement du secteur touristique, caractérisé par sa saisonnalité. Dans cette perspective, notre collègue Michelle Demessine, ancienne secrétaire d'Etat au tourisme, a travaillé sur le statut des saisonniers : pourriez-vous, monsieur le ministre, nous renseigner sur l'état de mise en oeuvre de ce statut ? Ne faudrait-il pas aussi engager une campagne de revalorisation de l'image des métiers du tourisme ?

Le second point soulevé en commission par plusieurs de mes collègues, toutes sensibilités confondues, est relatif au métier de restaurateur. Nos concitoyens sont demandeurs, de manière générale, de plus de protections, parmi lesquelles ils placent la sécurité alimentaire à un rang non négligeable. C'est pourquoi il a été envisagé de professionnaliser la filière de la restauration selon un schéma inspiré du secteur agricole, en partant de la formation et en accompagnant les jeunes jusqu'à leur installation, pour leur permettre d'aller « jusqu'au bout de leurs rêves ». C'est d'ailleurs ce que proposent M. Jean-Marc Pastor et ses collègues dans un amendement dont la discussion nous permettra, monsieur le ministre, que vous l'acceptiez ou non, de connaître votre position.

Je conclus, mes chers collègues, en vous invitant à suivre la commission des affaires économiques qui, après avoir adopté le présent rapport à l'unanimité, vous proposera d'adopter ce projet de loi ainsi amendé.

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