Intervention de Michelle Demessine

Réunion du 5 octobre 2005 à 15h30
Ratification d'une ordonnance relative au code du tourisme — Discussion d'un projet de loi

Photo de Michelle DemessineMichelle Demessine :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà réunis aujourd'hui pour examiner le projet de loi ratifiant l'ordonnance du 20 décembre 2004 relative à la partie législative du code du tourisme. Ce texte témoigne du parcours réalisé dans la construction d'un code du tourisme autonome, à la hauteur des enjeux sociaux et économiques de ce secteur d'activité.

En effet, dès 1999, notre rapporteur l'a rappelé, en charge de ce secteur d'activité dans le gouvernement de Lionel Jospin, j'avais pris l'initiative de cet important travail et en avais confié la réalisation à la direction du tourisme et à l'inspection générale du tourisme, en particulier à M. Michaud, qui s'y est attelé avec ténacité. Ce n'était pas une tâche facile, et je me réjouis donc d'en voir aujourd'hui l'aboutissement.

Permettez-moi de saluer particulièrement l'engagement des ministres qui m'ont succédé, Jacques Brunhes et vous-même, monsieur le ministre, qui avez depuis à bien cette oeuvre importante, si attendue par tous les acteurs du tourisme, qu'ils soient privés, associatifs ou publics.

Ce travail a nécessité la collaboration suivie de plusieurs ministères et l'intervention active de la Commission supérieure de la codification. Après qu'un premier avis eut été rendu par cette commission en 2001, je le rappelle, le processus a été relancé à la fin de l'année 2002 ; puis, en décembre 2003, un nouveau projet de partie législative du code du tourisme a reçu un avis favorable de ladite commission. C'est ce dernier texte qui, après avis du Conseil d'Etat, a été adopté en conseil des ministres sous la forme de l'ordonnance du 20 décembre 2004.

Le projet de loi soumis à l'examen du Sénat vise à ratifier cette ordonnance, mais également à intégrer de nouvelles dispositions dans le code du tourisme. Cette volonté législative s'inscrit dans la droite ligne de la politique amorcée dès 1997.

En effet, le secteur du tourisme a besoin d'un ministère et d'outils qui soient en mesure à la fois de promouvoir efficacement ce secteur d'activité primordial pour notre pays et d'accompagner les acteurs du tourisme. De plus, le ministère du tourisme doit être un interlocuteur à part entière pour les autres ministères ; d'où la nécessité d'organiser la visibilité du secteur au niveau de l'Etat.

Par le poids économique qu'il représente, le tourisme doit être reconnu non seulement comme un secteur structurant économiquement, mais aussi comme un véritable vecteur d'aménagement et d'équilibre de nos territoires et, enfin, comme un outil essentiel de l'exercice d'un droit fondamental : le droit aux vacances.

La codification des règles relatives au tourisme qui se concrétise aujourd'hui visait plusieurs objectifs ; ces objectifs sont toujours d'actualité.

D'une part, le caractère transversal de la réglementation et sa dispersion entre plusieurs codes soulève la question de sa lisibilité. Il devient en effet urgent de rassembler dans un même ouvrage de référence l'ensemble des lois et règlements régissant l'activité touristique, afin de faciliter le travail des professionnels et de les encourager au respect de leurs obligations, dans le souci d'améliorer la qualité et l'image du secteur touristique français.

Alors que l'on constate dans de nombreux secteurs d'activité une tendance à la judiciarisation des rapports entre les professionnels et les consommateurs, le code du tourisme doit constituer un outil juridique essentiel, consignant les droits et les devoirs de la profession. Il permettra d'apporter une meilleure sécurité juridique aux différents acteurs du tourisme.

D'autre part, la mise en place d'un code donne aux décideurs politiques et économiques, comme aux acteurs touristiques, un signe fort de reconnaissance de l'importance de ce secteur d'activité, dont le poids économique est fondamental pour notre pays, lequel demeure la première destination touristique mondiale. Ce secteur représente aujourd'hui 225 000 entreprises, plus d'un million d'emplois directs, une consommation de 102, 4 milliards d'euros et un excédent de la balance des paiements du poste voyage de 11, 6 milliards d'euros.

Pour toutes ces raisons, vous comprendrez que l'appréciation que je porte sur ce texte soit pleinement favorable. Voté à l'unanimité à l'Assemblée nationale, ce projet de loi donne d'ailleurs l'exemple d'une volonté partagée sur l'ensemble des bancs. Cependant, le projet amendé présenté au Sénat appelle certaines remarques de notre part.

En effet, le passage devant le Parlement est l'occasion d'apporter des aménagements, souvent très attendus par la profession, à ce cadre législatif. C'est le cas, notamment, avec l'amendement du sénateur Borotra et de ses collègues, de l'institution de deux catégories de collectivités locales touristiques : les communes touristiques et les stations classées.

Cette proposition vise en effet à simplifier un système de classement complexe, très ancien, voire obsolète au regard de la réalité touristique d'aujourd'hui. Il tend à retenir des critères facilement vérifiables et caractéristiques de l'économie touristique. Le sujet a d'ailleurs fait l'objet de nombreux rapports, dont celui d'un groupe de travail constitué au sein de votre ministère voilà deux ans.

Le champ d'application du dispositif concerne tous les territoires, qu'ils soient littoraux, urbains, ruraux ou de montagne. En cela, il réalise un progrès évident par rapport à l'ancienne réglementation. Ainsi, le principe de la station classée est de rassembler en une catégorie universelle les stations de tous ces territoires.

En actualisant la définition de la station classée, l'amendement proposé prend en compte les préoccupations liées à la promotion d'un tourisme durable. J'y suis d'autant plus favorable que, lorsque j'étais en charge du tourisme au Gouvernement, j'ai toujours défendu la nécessité de promouvoir un tourisme de qualité, respectueux des territoires, des cultures et de l'environnement.

De nombreuses dispositions relatives à la sécurité ou établissant des définitions me semblent également positives. En revanche, j'émets des réserves sur plusieurs mesures. J'aurai sans doute l'occasion d'y revenir au cours des débats, mais je tiens d'ores et déjà à affirmer mon opposition aux modifications concernant l'Agence nationale pour les chèques-vacances, même si un amendement du Gouvernement tend à amoindrir le rôle du conseil d'administration en renforçant le rôle de l'Etat, alors que la commission propose de créer au sein de l'ANCV une commission spécifique chargée de l'attribution des excédents.

Je n'approuve pas ces mesures, car elles mettent directement en danger la parité de l'ANCV.

Lors de la création du chèque-vacances, le choix d'un établissement public fonctionnant selon le principe de la parité entre l'Etat et les partenaires sociaux constituait une garantie importante de la représentation syndicale des salariés. Cet engagement permettait de mieux l'associer à la diffusion même du chèque-vacances.

Le caractère paritaire, expression de la démocratie participative, ne doit pas être remis en cause à l'heure où les atteintes à l'intérêt général et aux protections sociales se multiplient.

Bien sûr, il est nécessaire de sécuriser les situations de fait, mais d'autres voies peuvent être explorées sans porter atteinte à la parité. Pourquoi ne pas imaginer, par exemple, de demander aux différents partenaires intéressés de nommer des représentants non-parties ou de se retirer du vote lors de l'attribution des excédents ?

En conclusion, je dirai que, sur le fond, la création d'un code du tourisme est un pas en avant fait en faveur de la reconnaissance de ce secteur et de ses acteurs, qui participent beaucoup à la prospérité de notre pays, à son rayonnement et à son image dans le monde.

Nous approuvons donc ce projet de loi de ratification dans son ensemble, tout en nous opposant aux modifications relatives à l'Agence nationale pour les chèques-vacances.

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