Vous parlez de huit ans de capacités potentielles en cas de ré-enrichissement, et de plusieurs centaines d'années en cas d'utilisation par la surgénération ? Ai-je bien compris ?
Je suis assez inquiet de l'aspect symbolique d'une requalification, un peu comme pour le projet ASTRID, même si nous avons bien compris que pour la DGEC, il s'agit d'un report et non d'un abandon. Ce côté symbolique peut avoir des conséquences en cascade sur la politique du cycle nucléaire semi-fermé que la France a choisi depuis le début du nucléaire civil. Nous avons pu échanger, par exemple avec de jeunes chercheurs, sur l'importance de cet aspect symbolique, au moment où ils choisissaient leur carrière. C'est aussi très important pour l'ensemble de la filière et pour nos partenaires internationaux.
Au-delà du côté symbolique de la requalification, l'uranium appauvri représente une réserve énergétique stratégique considérable. Il est vrai qu'au moment où l'humanité s'engage dans la lutte contre le dérèglement climatique, classer une telle matière en déchet provoquerait chez moi une certaine incompréhension. L'ASN a parlé de risques pour les générations futures. Évaluer la sûreté d'un éventuel stockage est dans votre rôle. Mais le risque climatique, ou celui de manquer d'uranium à moyen ou long terme, n'est-il finalement pas plus important que le risque très faible du stockage, d'autant que nous avons peu d'alternatives ?
Nous pourrions essayer de nous rassembler sur la durée de trente ans. N'est-elle pas beaucoup trop courte pour évaluer l'intérêt de cette matière, à un moment où se font jour des évolutions techniques importantes en France et dans le monde ? L'entreposage de ces matières ne représente que de faibles coûts de gestion et des dangers très maîtrisés, beaucoup plus faibles que le danger de manquer de matières. L'ASN serait-elle prête à rediscuter de cette question, en se plaçant sur des durées plus longues, plus cohérentes avec les cycles énergétiques, autour d'une centaine d'années ? La durée de trente ans nous semble assez restrictive par rapport à la volonté du législateur et à la définition assez large qui était prévue dans la loi du 28 juin 2006 sur la question des matières valorisables. Comment évaluez-vous ces trente ans ?