Intervention de Jorge Torres-Pereira

Commission des affaires européennes — Réunion du 28 janvier 2021 à 8h30
Institutions européennes — Audition de s. e. M. Jorge Torres-pereira ambassadeur du portugal en france

Jorge Torres-Pereira, ambassadeur du Portugal en France :

Je suis très honoré de venir m'exprimer devant vous, au moment où le Portugal prend la présidence tournante de l'Union européenne, pour vous présenter les priorités du prochain semestre.

Notre priorité sera évidemment la reprise économique, que nous devrons mener de front avec les transitions verte et numérique. Le paysage économique sera très différent après la crise. Cette dernière nous offre sans doute une opportunité, paradoxalement, de mener des transformations sociales, économiques, écologiques et numériques profondes.

Notre deuxième objectif est de renforcer le socle social de l'Union européenne. La crise nous montre l'importance de cette dimension. Les transitions écologique et numérique auront elles-mêmes un impact social important, et nous devons nous y préparer.

Notre troisième objectif sera de défendre l'autonomie stratégique de notre continent, dans le cadre d'une Europe ouverte au monde. C'est pourquoi nous voulons continuer à nouer des partenariats avec les différents acteurs.

Plusieurs événements forts seront organisés. Nous devrons faire en sorte que les mécanismes financiers que nous venons de créer dans le cadre du plan de relance puissent commencer à être mobilisés au plus vite : cela suppose que les pays membres lancent leurs plans nationaux de relance très vite afin que les premiers déboursements européens interviennent à la fin du semestre.

Nous organiserons un sommet social à Porto qui réunira les représentants de la société civile, des partenaires sociaux et des institutions européennes, afin de trouver les moyens de donner plus de force à l'économie sociale de marché, qui fait partie de l'ADN de l'Union européenne. Nous devrons aussi réfléchir aux conséquences sociales des transitions verte et numérique : quelles adaptations des compétences pour les jobs du futur ? Comment parvenir à une transition juste et inclusive ?

Nous voulons aussi rééquilibrer notre rapport avec d'autres grands acteurs géopolitiques. De même que le semestre passé s'est tenu un sommet Union européenne-Chine et que notre relation avec les États-Unis fait l'objet d'une attention privilégiée, nous souhaitons développer nos relations avec un autre grand acteur, l'Inde : un sommet Union européenne-Inde sera organisé à Porto en mai. Il ne s'agit pas de s'inscrire dans une compétition géopolitique entre acteurs. Simplement, le renforcement des liens avec ce pays constituait déjà un axe de notre présidence en 2000. On observe toutefois un regain d'intérêt pour la zone indo-pacifique : certains États membres développent d'ailleurs leur propre stratégie nationale pour cette zone, et nous sommes en train de discuter d'une stratégie européenne.

Maintenant que nous sommes tombés d'accord sur le budget européen et sur l'instrument Next Generation EU, et que l'accord avec le Royaume-Uni a été signé, nous disposons de tous les instruments pour agir. Nous voulons construire d'abord une Europe plus résiliente : sur le plan économique, évidemment, mais aussi sur le plan sanitaire, la crise ayant illustré la nécessité d'une Europe de la santé impliquant un renforcement des coopérations en la matière. L'Europe doit aussi être résiliente en ce qui concerne ses valeurs afin de défendre l'État de droit, la démocratie, la liberté des médias, etc. Nous poursuivrons les analyses pays par pays engagées au dernier semestre : dans les six prochains mois, cinq Etats membres devront ainsi présenter leur situation nationale à cet égard, avec, le cas échéant, des sanctions au titre de l'article 7 du traité sur l'Union européenne.

Nous comptons faire avancer l'Europe du numérique en avançant dans l'élaboration du Digital Services Act (DSA) et du Digital Markets Act (DMA). Un nouveau câble sous-marin reliant Sines au Portugal et Fortaleza au Brésil sera inauguré très prochainement. Dans le même esprit, il importe que l'Europe se dote d'une politique spatiale compétitive. Je rappelle que l'Agence spatiale européenne est coprésidée en ce moment par la France et le Portugal.

En ce qui concerne l'Europe verte, nous aurons comme objectif de finaliser la loi européenne sur le climat, de réaffirmer le leadership de l'Europe dans la lutte pour réduire les émissions de CO2, tout en préparant la prochaine conférence de l'ONU sur le climat (COP 26), qui devait se tenir à Glasgow en novembre. L'Europe verte, c'est aussi l'Europe bleue, en raison du nexus océan-climat. Nous devons être attentifs à protéger la biodiversité et les ressources marines.

Je ne reviendrai pas sur l'Europe sociale que j'ai déjà évoquée et je terminerai par l'Europe globale. L'Union européenne entend défendre le multilatéralisme et est ouverte à des partenariats avec des tiers. Depuis le traité de Lisbonne, l'agenda international est déterminé par le Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, qui est aussi vice-président de la Commission, et non plus par le pays exerçant la présidence, mais nous pouvons néanmoins mettre l'accent sur certains axes : le sommet avec l'Inde ou le reset des relations transatlantiques, avec l'espoir d'un renforcement des liens entre l'Union européenne et l'OTAN.

Nous serons aussi tournés vers l'Afrique, à travers l'organisation d'événements, de forums, destinés à préparer la prochaine rencontre entre les leaders européens et africains, dans l'idéal en présentiel.

Par rapport à l'Amérique latine, l'agenda sera dicté par les accords commerciaux avec le Chili, le Mexique et les pays du Mercosur. Selon nous, la crédibilité de l'Union européenne, qui a finalisé un accord avec le Mercosur après dix ans de négociation, serait remise en cause si elle n'honorait pas sa parole. Laisser cet accord dormir sur une étagère ne semble pas une bonne idée. Il est toujours possible de trouver des solutions imaginatives pour obtenir des garanties additionnelles sur le climat ou la protection de la forêt amazonienne, afin de ratifier l'accord. Nous voulons faire en sorte que les choses avancent. Nous pensons aussi que notre relation avec le Brésil s'inscrit principalement dans le cadre de l'accord avec le Mercosur. Nous aurons plus d'influence sur la politique climatique des pays d'Amérique latine au sein de l'accord qu'en dehors. Celui-ci comporte déjà des clauses sur le climat qui auront valeur contraignante. Il sera aussi possible de les clarifier par le biais de déclarations additionnelles.

Enfin, la Conférence sur l'avenir de l'Europe sera lancée dès que la question de sa présidence aura été tranchée. Nous espérons qu'elle pourra se conclure lors de la présidence française, au premier semestre 2022.

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