Intervention de Martin Richer

Délégation aux entreprises — Réunion du 28 janvier 2021 à 9h40
Table ronde sur « les nouveaux modes de travail et de management »

Martin Richer, fondateur et dirigeant de Management & RSE :

Fabien Gay pose la question des leviers et actions concrètes à réaliser. Cinq moyens peuvent être mis en oeuvre pour améliorer le management dans les entreprises, et plus généralement la qualité de vie au travail, la santé au travail et la qualité du travail.

Le travail doit être replacé au centre de l'entreprise et de son fonctionnement. Je fais référence au livre de Pierre-Yves Gomez : Le travail invisible, enquête sur une disparition. Il montre que la phase de financiarisation de l'économie (débutée en 1980) a vu se développer le travail en dehors des limites organisationnelles des entreprises. Il faut y mettre fin et rendre le travail à nouveau visible. De nombreuses sociétés se sont mises à travailler sur le problème. Bien que Google accumule les reproches, l'entreprise a travaillé sur ce problème. La place du travail dans les processus de l'entreprise (formations, recrutement, évaluation des collaborateurs) doit être revue. L'évaluation des collaborateurs est devenue un processus désincarné dans un certain nombre d'entreprises. Le travail du collaborateur n'y est presque pas abordé. Cette discussion consiste davantage à évaluer si les objectifs sont remplis et à rentrer les résultats dans un logiciel, résultats pouvant donner lieu à une augmentation de salaire ou autre. Remettre le travail au centre du fonctionnement de l'entreprise permet d'ouvrir une discussion franche entre le collaborateur et son manager sur les difficultés du travail, ses évolutions et les éventuelles remédiations aux problèmes. L'abrasivité du travail doit être abordée.

Par ailleurs, il est possible d'aménager dans les entreprises des espaces de discussion sécurisés, en mettant à distance la ligne hiérarchique, pour permettre aux salariés de s'épancher sur les problèmes du travail (retards répétés dans le travail, difficultés à travailler avec certaines personnes, etc.) et les points positifs. Lorsque le management occupe ce rôle, il peut mettre en place des nouveaux modèles managériaux et offrir aux salariés des solutions. Les entreprises ayant mis en place ce dialogue réussissent à améliorer la situation managériale.

La fonction RH (Ressources Humaines) a déserté la question du management et doit être mandatée pour cela. Elle n'est plus perçue comme un élément de régulation du management, capable d'apporter des solutions. À titre d'exemple, seuls 17 % des salariés et 8 % des cadres citent la DRH parmi les fonctions les plus à même de transformer la culture et les modes de management dans leur entreprise (dernière enquête IGS sur le management). Pourtant, le service des RH possède les leviers nécessaires pour faire évoluer le management. Elle doit réinventer le management dans l'entreprise, celui qui satisfera les salariés et les dirigeants. En somme, elle peut contribuer à mettre en place un juste équilibre.

De plus, les dirigeants doivent s'investir dans le soutien de la chaîne managériale. Si nous voulons que les transformations se déroulent correctement sans créer d'externalités négatives (hausse du stress, cas de harcèlement, irritabilité, etc.), cette chaîne doit être solidaire. Or les managers sont soumis à l'heure actuelle à de fortes demandes de la part de leurs supérieurs et de leur équipe. Ils sont souvent délaissés avec un sentiment d'abandon. Seuls 18 % des managers en France déclarent avoir suffisamment de visibilité sur la stratégie de l'entreprise et 15 % se disent accompagnés par la direction des ressources humaines et leurs propres managers (enquête Cégos). Sans visibilité de la stratégie, les managers ne peuvent soutenir les projets de transformation. Ils se sentent seuls et abandonnés. La charte managériale permet de formuler une controverse sur le management, avec la définition du management dans l'entreprise, les difficultés, les points d'amélioration, etc. Cette charte permet aux managers de réaliser moins de tâches de reporting et de contrôle, et leur permet de participer au développement (commercial ou des personnes) et de soutenir leurs collaborateurs.

La quatrième possibilité vise à renforcer ce soutien professionnel. Cette transition permettra de passer d'un management basé sur l'obéissance et la discipline à un modèle basé sur l'adhésion et le soutien, ainsi que la participation aux décisions. Cette évolution revient à mettre en oeuvre le principe constitutionnel : « chaque salarié a son mot à dire dans l'organisation du travail ». Ce soutien professionnel permet de faire grandir les compétences des collaborateurs.

Enfin, le dernier levier majeur consiste à organiser la montée en compétences des managers, laquelle est délaissée. Le management est une approche collective. Les managers doivent savoir faire preuve d'empathie et d'écoute, et peuvent donc développer ces soft skills.

En outre, j'oscille entre deux définitions du management. La pire définition se base sur la description d'un cadre, le cadre étant une structure rigide avec du vide au milieu. J'espère que le management n'en restera pas à cet état. Au sein du conseil scientifique de la Maison du management, une réflexion a été menée sur la définition du management et sur le sens que nous voulions lui donner. Nous en sommes arrivés à cette définition : le management des hommes est l'art d'animer une équipe pour atteindre un objectif et faire progresser chacun. Ces trois objectifs donnent du coeur au management.

Je vous laisse dans ce doute existentiel sur le choix entre ces deux définitions.

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