Je serai bref dans mon propos.
Les mots « managers » et « cadres » sont à utiliser avec précaution. Tous les cadres ne sont pas managers. La portion des cadres qui managent décroît parmi les cadres spécialistes. Et tous les managers ne sont pas cadres. Les syndicats ont compris ce fait, puisque la CGC (Confédération générale des cadres) a évolué en CFE-CGC (Confédération française de l'encadrement).
Je suis d'accord avec vos propos, M. Richer. J'attire néanmoins l'attention de toutes les entreprises sur l'importance de connaître les leviers de régulation des problèmes. Je reprends les propos de Michel Crozier : « le problème, c'est le problème ». Ainsi, avant de trouver une solution, le problème doit être identifié. La construction de la connaissance est nécessaire, qu'elle se fasse grâce à l'intuition ou aux méthodologies des sciences sociales.
Pour vous répondre Mme Berthet, je ne me prononce pas sur les petites entreprises. Malheureusement, les sociologues sont plus appelés et amenés à réfléchir sur les grandes entreprises. À mon âge, j'ai le loisir de parler uniquement de ce que je connais. Le seul sentiment que j'ai sur le fonctionnement interne des petites organisations se résume à « small is not beautiful ». Les formes bureaucratiques du travail se retrouvent autant dans les petites que les grandes entreprises. Ainsi, les progrès à conduire dans le fonctionnement concernent toutes les entreprises.
Concernant le problème des générations, je n'ai pas fait d'études spécifiques sur le sujet. Des différences intergénérationnelles apparaissent toutefois dans les études. Pour les générations jeunes, la crise représente l'état normal. Leur vision du travail est relativement pessimiste. Ces nouvelles générations ont également vu leurs parents souffrir de la transformation des modalités du travail (apparition des modalités de coopération et co-dépendance forte). Aujourd'hui, 50 % des ménages de cadres dans la région parisienne divorcent. Cette souffrance a été discutée dans mon livre La fatigue des élites. Les entreprises ont renforcé cette dépendance vis-à-vis des autres, tout en conservant une évaluation individuelle. C'est une double peine, la réalisation des objectifs individuels dépendant aussi du collectif.
Aujourd'hui, les jeunes ont une pratique instrumentale du travail, alors que leurs prédécesseurs voyaient dans le travail une forme d'accomplissement, de réalisation et d'intégration sociale. Les jeunes sont réticents à cette réalisation dans le travail. Les facteurs d'intégration sociale des années 1980 (Église catholique, parti communiste, grandes entreprises, etc.) ne sont plus d'actualité. Les jeunes cherchent leur réalisation personnelle dans la communauté de leur choix, qu'elle soit sportive, sexuelle, de voisinage... Ils prennent ce qui leur est nécessaire dans le travail et s'accomplissent dans d'autres environnements.