En réponse à la question de Loïc Hervé, des commandes de drones ont été passées, mais, d'après le ministre de l'intérieur, ces achats ont cessé justement compte tenu de l'absence de cadre juridique. Vous avez pointé le vrai sujet permanent de la régulation dans nos domaines, qui est de ne pas arriver après la bataille. Il existe des principes et des garanties qui, lorsqu'ils sont suffisamment souples et forts, permettent, sur le moyen terme, de prévenir un certain nombre d'usages que nous ne souhaitons pas voir se développer. En matière de reconnaissance faciale par exemple, le collège de la CNIL a bien explicitement noté que, dans la mesure où la reconnaissance faciale ou la captation du son ne sont pas mentionnées dans le texte de la proposition de loi, leurs usages restent prohibés.
La manière de répondre à cette problématique n'est donc pas nécessairement de lister précisément tous les usages, mais plutôt de pouvoir s'adapter. C'est la raison pour laquelle nous appelons à ce qu'il y ait d'abord une expérimentation, une évaluation rigoureuse puis une doctrine d'usage qui, par définition, dépendrait du responsable de traitement et pourrait évoluer. Vous avez rappelé que la technologie évolue très vite : l'intelligence artificielle permettra, probablement dans des délais assez proches, de revenir sur un floutage. L'une des réflexions du collège de la CNIL est, à ce titre, qu'il faut être très attentifs aux conditions de formation des opérateurs de ces drones, notamment en matière de protection des données. Il s'agit d'avoir un certain nombre de lignes directrices, afin que l'identification des personnes dans l'espace public soit réservée aux cas pour lesquels cette finalité est nécessaire.
Ce peut être le cas quand il s'agit de prévenir et de poursuivre les auteurs d'infractions, mais l'est-ce pour réguler les flux de transport ou prévenir les risques technologiques ou naturels ? Je n'en suis pas convaincue. Je pense qu'il y a un travail de détail à faire autour de socles de garanties qui seraient déclinées. En l'espèce, on n'arrive pas tout à fait après la bataille, notamment pour l'utilisation des drones, qui a été interrompue par le Conseil d'État et par la CNIL. Je pense donc qu'au contraire, toutes les parties prenantes sont assez mobilisées quant à ces usages. La loi informatique et libertés ne permet pas des traitements de police sans l'intervention d'un texte, et je me réjouis de l'encadrement qui va intervenir pour l'usage des drones par les forces de l'ordre.
Pour tenter de répondre à Marc-Philippe Daubresse sur l'article 24 de la proposition de loi, il est vrai que la CNIL, consciente des compétences qui sont les siennes, n'a pas fait de longs développements sur ce sujet, qui concerne principalement la liberté d'expression et donc des autorités plus compétentes que nous sur le sujet. En revanche, le collège de la CNIL a pointé le fait que l'enregistrement et la diffusion d'images ou de tout élément identifiant des membres des forces de l'ordre constituent des traitements de données à caractère personnel. C'est pourquoi leur éventuelle diffusion, dans le seul but de nuire à l'intégrité physique ou psychique des policiers, ne constituerait pas, indépendamment de toute considération pénale, une finalité légitime au sens de la loi informatique et libertés.