Intervention de Catherine Deroche

Réunion du 2 février 2021 à 14h30
Bioéthique — Discussion en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Catherine DerocheCatherine Deroche :

Que le désir d’enfant soit indéniable et légitime, qu’il ne nous appartienne pas de juger la vie de chacun, voilà qui est clair.

Mais le principe de l’article 1er, écrit au nom d’une égalité en matière de droit à l’enfant et à la procréation, devrait intellectuellement, à mes yeux, inclure la gestation pour autrui. On nous jure, la main sur le cœur, qu’il n’en sera rien. Aujourd’hui, sans doute ; mais demain ?

On nous expliquera, avec la même assurance, qu’il s’agit d’une réforme de justice entre les couples de femmes et d’hommes, ce qui sera entendable ; on nous vendra alors une GPA dite éthique.

C’est parce qu’il crée les conditions d’un grand marché de la procréation que je suis opposée à cet article. Pour reprendre l’expression justement employée par notre collègue Collombat l’an passé, je préfère le rôle de « conservateur humaniste prudent »…

Mes chers collègues, je sais fort bien que le mercantilisme ne guide pas les choix de ceux d’entre vous qui soutiennent cet article. Mais il suffit de se référer aux exemples que nous offrent tous les continents.

À cet égard, je souligne, après le secrétaire d’État, qu’il convient de faciliter les procédures d’adoption, qui restent un parcours du combattant pour qui désire donner une famille à un enfant.

Si la commission spéciale a confirmé l’ouverture prévue à l’article 1er, elle a rappelé l’exigence des conditions médicales pour les couples hétérosexuels : seul un motif médical ouvrira droit à la prise en charge par l’assurance maladie.

Promouvoir une égalité totale entre les couples est illusoire. Un enfant aura toujours deux lignées parentales différentes : c’est ce qui l’inscrit dans le genre humain, universellement mixte. On ne peut dire à un enfant qu’il est né de deux pères ou de deux mères – même s’il peut, en effet, être élevé dans une famille mono ou homoparentale.

C’est d’ailleurs ce qui motive la rédaction de l’article 4, sur la filiation, adoptée par notre assemblée en première lecture et défendue aujourd’hui par Martine Berthet.

Chacun veut savoir qui il est et d’où il vient : la quête de leurs origines est pour les enfants nés sous X ou par AMP un véritable combat. C’est pourquoi je prends acte du texte adopté par la commission spéciale à l’article 3, tout en restant favorable à l’obligation de révéler l’identité du donneur. Certes, le donneur n’est pas le parent ; mais faire don de ses gamètes n’est pas un acte anodin et banalisé, car c’est transmettre une part de sa propre identité. Au reste, les pays ayant levé l’anonymat ont vu non pas une diminution du nombre de donneurs, mais un changement du profil de ceux-ci.

Nous aurons un débat sur l’AMP post mortem ; j’y suis opposée et je m’en expliquerai dans la discussion des amendements.

En ce qui concerne le don d’organes, de tissus et de cellules, je suis favorable au statut de donneur rétabli par le rapporteur Bernard Jomier, ainsi qu’à l’abaissement de l’âge du consentement pour le prélèvement de cellules hématopoïétiques et aux dispositions relatives aux majeurs protégés.

On le sait, les dons d’organes ne sont pas suffisants. Une campagne les favorisant doit être itérative, et chacun doit faire savoir son accord ou son refus d’un prélèvement post mortem : dire oui ou non, mais le dire.

Je considère que la commission spéciale a trouvé le bon équilibre pour une génétique éthique et responsable, même si la question des tests génétiques fera sûrement l’objet de débats. Je salue le travail du rapporteur sur ces sujets, Olivier Henno.

Les avancées scientifiques et technologiques s’enchaînent à une vitesse effrénée. C’est pourquoi il est nécessaire de réviser régulièrement les lois de bioéthique pour distinguer le possible et le souhaitable. En marchant sur ce fil, nous devons concilier ce que la science peut apporter en termes de connaissance, de diagnostic précoce, de dépistage et donc de traitement, suscitant des espoirs considérables, et le refus de pratiques parfois déjà en vigueur dans d’autres pays, moins-disants sur le plan éthique.

La médecine génomique doit être soutenue dans son essor, mais dans un cadre sécurisé.

La vigilance doit être forte sur les recherches ou diagnostics prénataux ou néonataux, qui soulèvent des questions éthiques majeures.

Je remercie Corinne Imbert d’avoir trouvé le juste équilibre et évité le risque eugénique.

L’interdiction de la création d’embryons chimériques par insertion de cellules souches embryonnaires ou pluripotentes induites humaines dans un embryon animal est bienvenue.

Enfin, l’interdiction de toute modification du génome d’un embryon humain doit être réaffirmée.

L’article 19 bis A maintient la technique du double diagnostic préimplantatoire, introduite en 2004 et pérennisée en 2011, en en assouplissant les conditions de mise en œuvre. Il ne s’agit donc pas d’une nouvelle pratique. J’y suis favorable.

À l’article relatif à l’interruption médicale de grossesse, je remercie la commission spéciale d’avoir adopté mon amendement tendant à supprimer l’ajout de la détresse psychosociale, qui en faisait un critère prédominant sur ceux qui sont retenus par les équipes pluridisciplinaires chargées d’examiner les demandes.

Mes chers collègues, nous allons débattre avec passion sûrement, mais aussi avec raison. Certains choix seront difficiles. S’il est possible d’entendre des demandes individuelles de personnes en souffrance, notre rôle de législateur est aussi de savoir dire non et de fixer un cadre rappelant nos valeurs et les principes de primauté de la personne humaine et de dignité de l’être humain !

1 commentaire :

Le 13/11/2021 à 16:01, aristide a dit :

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Ils s'en foutent pas mal de la dignité du genre humain...

Là où le fric passe, la dignité trépasse.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

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