Je ne reviendrai pas sur le tour d'horizon de la brutalité du monde que nous avons fait il y a quinze jours, bien que, depuis, les épreuves se soient malheureusement ajoutées aux épreuves. La plus grande vigilance s'impose s'agissant de la sécurité des Français vivant à l'étranger ; ma préoccupation pour que nos compatriotes fassent preuve de prudence et que nos implantations soient sécurisées est permanente. Nous portons une attention particulière aux incidents pouvant affecter des Français et aux manifestations. En lien avec les autorités locales, nous veillons à la sécurité de nos concitoyens et de nos sites. Malgré des manifestations, la situation semble contrôlée. Souvenons-nous toutefois de l'incident impliquant un vigile du consulat de Jeddah et de celui qui est survenu à Alexandrie. Nos ambassadeurs font le nécessaire pour que soient suivies les consignes de sécurité et, dans les établissements scolaires, la rentrée s'est déroulée dans des conditions satisfaisantes. Il convient, cependant, de ne pas baisser la garde.
Effectivement, le budget de mon ministère enregistre une augmentation de 8 % par rapport à 2020, où il avait déjà crû de 3 %. La progression des crédits, indispensable à une diplomatie forte, se poursuit. Nos moyens s'élèvent à 5,411 milliards d'euros, soit une augmentation de 411 millions d'euros. Ils se partagent en deux missions : « Action extérieure de l'État », dotée de 2,93 milliards d'euros en progression de 2 %, et « Aide publique au développement » dont le programme 209, avec 2,48 milliards d'euros, affiche une progression de 16 %. Il s'agit donc d'une amélioration quantitative et qualitative, qui devrait apaiser une partie de vos inquiétudes.
Le budget de 2021 traduit cinq orientations majeures de notre politique. D'abord, les nouveaux moyens accordés à l'action extérieure de l'État devront permettre d'en renforcer l'efficacité. Pour la première fois depuis vingt ans, les effectifs du ministère seront stabilisés à un plafond de 13 563 équivalents temps plein travaillés (ETPT). Nécessité fait loi : cette mesure signe la fin de l'hémorragie et le début du redressement.
Nous avons tous en mémoire la mobilisation sans faille de nos agents, à Paris comme dans les postes, lors de la première vague de l'épidémie. Ils ont permis le retour sur le territoire national de 370 000 Français et apporté un soutien sanitaire, éducatif et social aux communautés françaises à l'étranger. Dans le cadre de ce budget, la valeur de leur engagement a été reconnue. En 2021, la masse salariale représentera 1,159 milliard d'euros, soit une augmentation de 15 millions d'euros, dont 11 millions consacrés au mécanisme créé l'année dernière pour corriger les effets de l'inflation et du change et garantir ainsi le pouvoir d'achat des agents du ministère à l'étranger - cela permet davantage de lisibilité et de transparence - et 4,3 millions d'euros notamment pour la revalorisation, réclamée depuis longtemps, des agents de droit local.
La stabilisation des effectifs s'accompagne d'un renforcement des moyens de fonctionnement des services centraux et des postes à hauteur de 46 millions d'euros sur trois volets essentiels. D'abord, la politique immobilière du ministère voit ses ressources augmenter. Avec le compte d'affectation spéciale (CAS) 723 « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », qui permettait le financement des opérations immobilières par le produit des ventes, nous nous trouvions, sauf à nous séparer de biens symboliques de notre patrimoine et chers à l'image de la France, dans une impasse. Nous revenons donc à une budgétisation de nos engagements immobiliers pour lesquels les moyens augmentent de 33 %. Au surplus, 28 millions d'euros demeurant sur le compte d'affectation spéciale s'ajoutent aux 107 millions affectés aux opérations immobilières du ministère. Rappelons, par ailleurs, qu'en 2020 nous avons déjà obtenu le retour à 100% des droits sur les produits de cessions sur le compte d'affectation spéciale 723.
Ensuite, les moyens destinés à la sécurité des postes à l'étranger augmentent de 7,4 millions d'euros, afin d'achever la mise en oeuvre du plan quadriennal de sécurisation en 2021 s'agissant des ambassades et en 2022 pour les établissements scolaires. À cet effet, un rebasage de 9 millions d'euros de la subvention de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) est aussi prévu en 2021. Nous arriverons ainsi au terme de ce plan de renforcement de notre dispositif de sécurité. Déjà, la totalité de nos emprises dans les pays en crise a été renforcée en fonction des recommandations établies par les spécialistes du ministère.
Enfin, les crédits destinés à la numérisation de nos activités enregistrent une hausse de 9 millions d'euros, pour atteindre 49,5 millions d'euros, soit une augmentation de 22 %, afin de répondre aux besoins sécuritaires - contrer les attaques - ainsi que techniques - renforcer les outils de communication des agents - et d'accélérer la modernisation des services aux usagers, notamment pour simplifier les démarches administratives. Un plan pluriannuel doté de 13 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) y contribue.
La deuxième orientation de notre politique concerne la poursuite de notre engagement en faveur de la préservation de la paix, du règlement des crises et de la défense du multilatéralisme. Les deux tiers du programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » y sont consacrés avec 718 millions d'euros de contribution aux organismes européens et internationaux. Les trois quarts de nos contributions internationales bénéficient à l'Organisation des Nations unies (ONU), dont 294 millions d'euros sont affectés aux opérations de maintien de la paix. Le renforcement de l'euro face au dollar a dégagé une marge nous permettant d'accroître nos participations à certaines organisations, à l'instar de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) ou du Fonds de consolidation de la paix rattaché à l'ONU dont le département des opérations de paix est dirigé par notre compatriote Jean-Pierre Lacroix.
Notre troisième priorité porte sur le renforcement de l'action consulaire pour quatre millions de Français vivant à l'étranger. Hors dépenses de personnel, le budget qui y est destiné reste stable, après l'effort engagé en juillet 2020 à hauteur de 200 millions d'euros pour apporter un appui social et éducatif à nos compatriotes : 50 millions d'euros pour les secours de solidarité, 50 millions d'euros supplémentaires pour les bourses scolaires, 50 millions d'euros pour les familles ayant choisi l'enseignement français et 50 millions d'euros d'avances de l'Agence France Trésor pour soutenir les établissements scolaires. Une partie de ces sommes, en cours de consommation, va être reportée sur l'année 2021. L'aide sociale augmente de 17 %, pour atteindre 20 millions d'euros, afin de soutenir les communautés françaises et de répondre aux incertitudes économiques liées à la crise.
Dans le cadre de l'action consulaire, nous prévoyons de mettre en oeuvre le vote par Internet pour les élections consulaires de mai 2021, d'installer, après un report d'un an dû à la crise, le service France consulaire, de mettre en place le registre de l'état civil électronique et de poursuivre le projet France-Visas.
Notre quatrième priorité concerne la diplomatie d'influence dans un contexte d'intensification de la compétition internationale ; elle est portée par le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence ». À mon arrivée, j'ai veillé à la stabilisation de ce qui constituait auparavant une variable d'ajustement. En 2021, 645 millions d'euros y seront consacrés, soit 3 millions d'euros de plus qu'en 2020, pour soutenir trois priorités : la promotion de la langue française et de l'enseignement du français, le rayonnement culturel et artistique de la France grâce à l'exportation de nos industries culturelles et créatives, et les partenariats universitaires et scientifiques. Il s'agit d'attirer des talents étrangers en France, mais également d'installer des projets universitaires, en particulier en Afrique. Je pense notamment à l'université franco-tunisienne pour l'Afrique et la Méditerranée et aux universités de Dakar et de Yamoussoukro. Par ailleurs, l'effort de renforcement des capacités numériques se poursuivra à hauteur de 3 millions d'euros, avec le soutien de l'Institut français de Paris et la fondation Alliance française.
S'agissant des opérateurs, l'AEFE est dotée de 417,6 millions d'euros, dont 9 millions d'euros supplémentaires destinés à la sécurisation des établissements et 24,6 millions d'euros engagés au titre de 2020 et, bien évidemment, maintenus pour accompagner le développement maîtrisé du réseau. Malgré la crise, quinze nouveaux établissements ont été homologués cette année. Quelque 105 millions d'euros bénéficieront aux bourses scolaires, auxquels s'ajoute un droit de tirage sur les 50 millions d'euros d'aide exceptionnelle votée cet été.
Les crédits versés à Campus France et à l'Institut français sont maintenus, malgré la réduction de 6 millions d'euros, à 58 millions d'euros, pour les bourses destinées aux étudiants étrangers, moins nombreux en raison de la crise sanitaire. Cette somme sera augmentée en fonction des besoins les années suivantes.
Atout France bénéficie pour sa part d'une subvention de 28,7 millions d'euros, après avoir reçu un soutien de 5 millions d'euros cet été pour développer une campagne de promotion. De fait, face aux difficultés du secteur du tourisme, l'opérateur sera à la manoeuvre, le moment venu, pour promouvoir nos destinations.
Enfin, l'effort apparaît soutenu en faveur de l'aide publique au développement, notre cinquième priorité, qui émarge aux programmes 209 « Aide économique et financière au développement et solidarité à l'égard des pays en développement », en augmentation de 344 millions d'euros soit 17 %, et 110 « Aide économique et financière au développement » géré par le ministère de l'économie et des finances. En outre, le programme 365 a été créé, afin de doter l'AFD de 953 millions d'euros en capital pour, notamment, lui permettre d'assurer son activité de prêt dans le respect de la réglementation bancaire. S'agissant du programme 209, la trajectoire de financement poursuit son ascension afin d'atteindre l'objectif de 0,55 % du RNB en 2022.
Je vous informe, par ailleurs, que le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales sera présenté en conseil des ministres dans le courant du mois de novembre.