Intervention de François Delattre

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 4 novembre 2020 à 9h35
Projet de loi de finances pour 2021 — Audition de françois delattre secrétaire général du ministère de l'europe et des affaires étrangères

François Delattre, Secrétaire général du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères :

Merci M. le Président et merci à tous les intervenants pour leurs remarques et interrogations qui comptent beaucoup pour nous.

Par rapport à la question posée par MM. Gattolin et Grand sur le thème de la sécurité, permettez-moi de souligner combien ce thème est une priorité absolue pour le Ministre et pour l'ensemble d'entre nous. Nous ne travaillons pas sur une page blanche sur ce sujet. Un immense effort est en cours depuis déjà 3 ans, avec en particulier l'élaboration d'une doctrine de sécurité des postes à l'étranger, dont la création en 2017 de la Direction de la Sécurité Diplomatique, chargée en amont de la préparation de l'ensemble du réseau à la nécessaire sécurité des emprises et des agents. Cette doctrine de sécurité des postes à l'étranger est aujourd'hui solide. Elle repose sur la classification des pays en plusieurs catégories, en fonction du niveau de la menace.

Sur cette base, un plan quadriennal exceptionnel a été établi pour la période 2017-2020, étendu à 2021 du fait de la crise de la Covid. Cet effort a permis de dédier 26 millions, sur les années 2015 et 2016, à la sécurité passive. En 2017, 44 millions d'euros ont été consacrés à la sécurisation des implantations diplomatiques consulaires et culturelles. En 2018, 45 millions d'euros ont été investis dans le cadre de ce plan quadriennal dans les travaux de sécurité sur un certain nombre d'enceintes. En 2019, c'est un effort de 49 millions d'euros qui a été porté en priorité sur la bande sahélo-saharienne et les pays voisins. En 2020, le budget prévu est de 43 millions d'euros, avec une année en cours perturbée par la pandémie et ses effets qui ont généré un retard. Cet effort se poursuivra et s'achèvera en 2021, avec l'investissement de 16 millions d'euros au titre du programme 105 auquel s'ajoutera le dernier versement de 26,4 millions d'euros, financement exceptionnel au titre de ce fameux CAS 723 (...).

Le Département reste durablement engagé dans l'accompagnement des travaux et modernisations réalisés, qui exigent à chaque fois des efforts de formation. Face aux menaces spécifiques d'aujourd'hui, notre réseau diplomatique a eu pour instruction de faire preuve d'une vigilance maximale pour nos emprises, nos intérêts et nos ressortissants à l'étranger ; de prendre l'ensemble des mesures en lien avec les autorités locales ; d'assurer un suivi spécifique des incidents pouvant affecter nos compatriotes, avec une attention particulière aux pays et sites où les manifestations les plus virulentes se sont tenues. On constate à ce sujet un glissement vers les pays d'Asie (Indonésie, Afghanistan, Pakistan, Malaisie, Bangladesh).

Dans l'évaluation de la menace terroriste, il a été demandé aux ambassadeurs d'inclure toute structure susceptible d'être assimilée à la France, comme les établissements scolaires, l'ensemble des emprises qui se trouvent dans le cadre de la Maison France, allant jusqu'aux entreprises qui ont été sensibilisées, aux ONG et à l'ensemble de nos communautés. Cet appel à la vigilance maximale a également été adressé à l'ensemble des Français à l'étranger, quel que soit le pays, assorti d'une actualisation de conseils aux voyageurs, de la diffusion d'alertes Ariane spécifiques, et de la réunion des comités de sécurité.

Le plan de sécurisation des établissements de l'AEFE est au coeur de nos priorités, avec un suivi constant de nos établissements, mais aussi des élèves et des personnels correspondants. En 2017 et 2018, l'intégralité des dépenses de sécurité, programmées à hauteur de 29 millions d'euros, ont été réalisées. Il s'agissait de mesures de protection passive et active ainsi que de formation sécurité à destination des agents. En 2019, les crédits sécurité ont été sortis du programme 185 en vue d'un financement sur le CAS 723, à hauteur de plus de 35 millions d'euros en 2019 et 2020. La sécurité de nos établissements est au coeur de nos préoccupations.

En réponse à la question posée sur les contributions obligatoires et volontaires de la France aux organisations internationales inscrites sur le programme 105, elles s'élèvent à 717 millions d'euros pour le PLF 2021, soit une augmentation de 1,2 million d'euros par rapport à 2020. Au sein de cette enveloppe, près de 70 % des contributions sont appelées en 7 devises différentes et sont donc sensibles à un risque de change, lequel est couvert à hauteur de 80 %. Les contributions obligatoires représentent près de 663 millions d'euros dont plus des trois quarts sont nos contributions à l'ONU, y compris les opérations de maintien de la paix. Notre quote-part aux contributions obligatoires, dès lors qu'elle est en partie corrélée au poids relatif de notre PNB, a tendance à décroître avec le temps, justifiant l'effort que nous portons sur le sujet des contributions volontaires. En 2021 une enveloppe de 15 millions d'euros supplémentaires de contributions volontaires aux organisations internationales oeuvrant pour la paix et la sécurité internationale est prévue sur le programme 105. Cette augmentation était indispensable puisque nos contributions volontaires étaient très souvent extrêmement faibles par rapport à celles de nos grands partenaires. L'effort a donc été engagé et nous entendons le poursuivre. Dans ce cadre, un effort important supplémentaire est prévu en faveur des jeunes experts associés, des volontaires de Nations unies ainsi que pour les organes juridiques des Nations unies. Ces contributions volontaires sont des instruments indispensables et efficaces pour renforcer notre influence, le tout avec un coût relativement modeste mais un effet de levier important.

Le Ministre est par ailleurs revenu assez largement, hier, sur la politique immobilière. Notre réseau diplomatique français est le troisième en importance au niveau mondial, derrière ceux des États-Unis et de la Chine. Notre ministère conduit dans 169 pays une politique immobilière à l'appui des évolutions de son réseau diplomatique, mais aussi consulaire et culturel, afin d'offrir le meilleur environnement de travail à nos agents. Ce patrimoine considérable comprend près de 1 800 biens, dont 215 transférés en 2019 par d'autres ministères dans le cadre de la réforme des réseaux de l'État à l'étranger. Notre parc immobilier a donc été mécaniquement augmenté par cette réforme des réseaux de l'État à l'étranger. Le financement de la politique immobilière du ministère à l'étranger s'appuie d'une part sur les crédits budgétaires du programme 105, et d'autre part sur le CAS 723 alimenté par les produits de cessions immobilières dégagées par le Département.

Nous étions sur une « trajectoire de collision » et le système de financement de notre politique immobilière était à bout de souffle, nous conduisant à vendre nos propriétés et, ce faisant, à scier la branche même sur laquelle était assis notre dispositif de financement de notre politique immobilière. Nos efforts de budgétisation, que j'ai évoqués il y a quelques minutes et sur lesquels le Ministre est revenu précisément hier, ont permis d'appuyer notre schéma immobilier en évitant qu'il soit entièrement dépendant des produits de cession. Un autre axe majeur a été d'obtenir de Bercy l'affectation de 100 % des produits de cession de nos biens immobiliers. L'addition de ces deux éléments ne résout pas tous les problèmes mais met un coup d'arrêt à cette dégradation année après année de notre politique de financement de l'immobilier, qui faisait courir un risque pour nos agents et pour nos emprises. Grâce à ce budget, si vous l'acceptez, nous avons pris un pli qu'il s'agira de consolider et de renforcer dans les années à venir. Plusieurs opérations en cours sont importantes, parmi lesquelles la rénovation de la Casa Europa à Rio de Janeiro, le durcissement du campus diplomatique à Kaboul, la viabilisation du site de l'Institut à Haïti. Des opérations lancées antérieurement ont été reprises, comme la reconstruction de nos ambassades à Séoul, à Libreville ou à Doha, et la rénovation de l'Institut français à Tokyo.

Merci aux rapporteurs qui ont souligné l'importance de notre dispositif au Royaume-Uni, notamment dans le contexte du Brexit. Un effort important est engagé sur ce sujet pour donner à notre Ambassade et à notre Consulat général à Londres les moyens nécessaires afin de faire face à la demande importante qui leur est adressée. Je vous apporterai des réponses précises par écrit sur ce sujet et sur celui des enfants placés dans des familles britanniques. Un gros effort est mené sur ce sujet. Sur le volet social, beaucoup a été fait dans l'année en cours mais beaucoup reste à faire dans le cadre de l'année à venir. Il est important de bien prendre en compte que la demande en provenance des Français (santé, aide sociale) est en augmentation, sans surprise compte tenu notamment de l'arrivée de la deuxième vague. Les crédits qui ont été votés et reportés pour l'année 2021 ne seront pas de trop pour faire face à cette demande importante. Vous serez bien sûr tenus précisément informés de leur évolution.

S'agissant de l'AFD, le Ministre a eu plusieurs occasions je crois de vous présenter nos efforts et dispositions pour répondre efficacement à l'exigence de pilotage politique renforcé, notamment par la réactivation du conseil d'orientation stratégique de l'AFD. Nous avons mis en place également depuis le début de cette année un comité de pilotage plus restreint au niveau du Ministre, comme il vous l'a indiqué, ainsi qu'à mon modeste niveau, puisque nous nous réunissons tous les deux mois avec le DG de l'AFD, le Directeur général de la mondialisation et le directeur général du Trésor. Nous avons par ailleurs un dialogue permanent avec l'AFD sur la programmation géographique et sectorielle de ses engagements, avec une priorité accordée naturellement aux lignes prioritaires de l'aide publique au développement. Sur le terrain, l'élément essentiel, en conformité avec ce qui était recommandé par les différentes inspections et la Cour, est le fait que le rôle de l'ambassadeur dans ses fonctions de pilotage de notre politique de développement a été réaffirmé. Grâce à la loi de programmation sur le développement que nous avons bon espoir de pouvoir faire adopter rapidement, nous allons ainsi mettre en place un conseil local de développement présidé par l'ambassadeur.

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