ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. - Permettez-moi de vous souhaiter une belle année 2021, qu'elle soit plus facile et apaisée que la précédente.
La crise est intervenue à un moment où les finances des collectivités territoriales - nonobstant les problèmes structurels connus, comme les dépenses sociales des départements - s'amélioraient. Cette amélioration s'expliquait grâce à un excédent de croissance et un investissement fortement reparti à la hausse en 2018 et 2019, et à une maîtrise des dépenses de fonctionnement des collectivités - non uniquement due au contrat de Cahors - et au maintien global des dotations de fonctionnement, sans revenir sur la péréquation. Les collectivités territoriales avaient donc un niveau de trésorerie important, ce qui leur a permis de faire face et de répondre présent.
Nous avons apporté des réponses via les différents projets de loi de finances rectificative (PLFR), adoptés de façon transpartisane.
Le PLFR 3 a mis en place un mécanisme d'avances remboursables pour les pertes de DMTO des départements. Ces pertes atteignent 20 à 25 %, comme lors de la crise financière de 2008. Nous avons inscrit dans la loi un mécanisme de garantie des recettes fiscales et domaniales. Nous n'avons cependant pas inscrit la compensation des recettes tarifaires, car des économies de constatation peuvent parfois être difficilement mesurées, et l'impact budgétaire pour l'État aurait été trop important.
Nous avons inscrit une dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) supplémentaire de 1 milliard d'euros : 40 % de cette DSIL ont été engagés au cours du mois d'août, 20 % l'ont été depuis, et à date 60 % ont été délégués ; 60 % ont fait l'objet d'engagements. Comme nous nous y étions engagés avec Jacqueline Gourault, il y aura un report des autorisations d'engagement et des crédits de paiement non consommés sur l'exercice 2021.
Lors de l'examen presque conjoint du PLFR 4 et du PLF, nous avons adopté d'autres dispositions. D'abord, nous avons modifié le mécanisme de garantie des recettes fiscales et domaniales, en précisant le montant à inscrire en PLF 2021 : toutes les sommes versées pour le mécanisme de garantie ne relevaient que d'acomptes. Nous attendons la clôture des exercices 2020 pour arrêter exactement le montant de cette garantie, que nous estimons à 510 millions d'euros, soit un chiffre bien inférieur à l'estimation faite en juillet, mais qui tient compte des recettes fiscales qui ont bien mieux résisté que prévu. Par exemple, les DMTO ont baissé de moins de 10 %, même si la situation des différentes collectivités est très hétérogène.
Nous avons aussi prolongé le mécanisme de garantie des recettes fiscales en 2021, pour tenir compte de l'effet retardé de l'impact de la crise sur la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Les prévisions ne sont pas totalement arrêtées, car le système des acomptes peut avoir différents effets. La baisse de la CVAE en 2020 atteint 2 à 2,5 % et est inférieure aux précisions. Elle correspond au maintien de la TVA à un niveau moins dégradé que prévu.
La garantie est améliorée par une disposition spécifique pour les communes de moins de 5 000 habitants, afin de leur maintenir les sommes perçues au titre des DMTO, puisque sinon elles perçoivent ces sommes avec un décalage d'un an par rapport aux départements ou aux communes plus importantes.
Enfin, nous avons abondé le fonds de péréquation des DMTO entre départements de 60 millions d'euros, afin qu'il conserve sa dynamique en termes de volumes. Ce geste unilatéral de l'État accompagnera ainsi les départements les plus fragiles.
Nous allouons 10 millions d'euros pour faciliter la prise en charge à 50 % des loyers du mois de novembre lorsqu'une collectivité abandonne une mensualité au profit d'un locataire - commerçant ou entreprise - sur le modèle du crédit d'impôt accordé au secteur privé.
Enfin, nous avons intégré un dispositif d'avances remboursables sur le même modèle que les DMTO, assorti d'une forme de clause de retour à bonne fortune pour les autorités organisatrices de mobilité (AOM), en tenant compte à la fois de la perte du versement mobilité, mais aussi de la perte de recettes tarifaires. C'est la seule dérogation à notre propre ligne de conduite de non-prise en compte des recettes tarifaires, en raison de la spécificité des services de transport en commun. Cela concernera 1,2 milliard d'euros pour Île-de-France Mobilités et 950 millions d'euros pour les AOM des autres régions.
Dans le PLF pour 2021, nous avons maintenu le niveau global des dotations de fonctionnement, les trajectoires de péréquation verticale pour la dotation de solidarité urbaine (DSU) et la dotation de solidarité rurale (DSR), ainsi que les dotations à l'investissement classique (dotation d'équipement des territoires ruraux - DETR -, DSIL...) Au total, les concours de l'État aux collectivités locales s'élèvent à une dizaine de milliards d'euros.
Le PLF 2021 contient aussi certaines dispositions du plan de relance. Je pense à l'aide aux maires bâtisseurs, qui sera versée par l'État en deux échéances, août 2021 et août 2022. Ce sera automatique puisque les services de l'État peuvent mesurer la délivrance d'autorisations de construction ou de rénovation sur les territoires denses. Cette aide s'élèvera à 350 millions d'euros.
Nous avons fléché vers les collectivités territoriales une partie des 4 milliards d'euros du plan de relance sur la rénovation énergétique des bâtiments publics: 2,7 milliards d'euros seront consacrés aux bâtiments de l'État et des universités, attribués pour 4 214 projets, pour la plupart de moins de 10 000 euros, sous le seuil des marchés publics ; 200 millions d'euros seront versés aux régions pour la rénovation thermique des lycées, après un contrat signé avec le préfet de région ; 50 millions d'euros seront attribués aux opérateurs ; enfin, 950 millions d'euros seront consacrés à la rénovation thermique des bâtiments des collectivités.
Initialement, nous envisagions de faire des appels à projets. Finalement, nous avons retenu une solution moins chronophage, et demanderons aux préfets de région d'accompagner les collectivités dans leurs chantiers avec des modalités d'attribution proches de celles de la DSIL. Nous voulons des collectivités accompagnées et un plan de relance pour tous les territoires.
Au-delà de ces mesures, d'autres dispositions sont très spécifiques aux collectivités : 300 millions d'euros seront consacrés à des appels à projets pour accompagner les projets de mobilité des intercommunalités et des régions ; et un décret du 28 décembre 2020 ouvre l'aide à l'embauche d'apprentis aux collectivités.
Dans le plan de relance, certaines mesures se déploient conformément à des règles nationales, mais concernent aussi les collectivités, via des opérateurs locaux comme les agences. Il est difficile de dire quelle somme revient in fine aux collectivités, cela dépend des initiatives. Nous souhaitons un déblocage rapide des fonds pour des projets importants comme la numérisation des entreprises et l'industrie du futur. Nous avons prévu des accords avec les régions, et une circulaire de décembre autorise des accords infrarégionaux de relance pour que les intercommunalités puissent contractualiser directement avec l'État.
Au 31 décembre 2020 - c'est un état des lieux non encore définitif -, les dépenses de fonctionnement des collectivités sont en hausse de 0,4 % par rapport à 2019, ce qui est bien moins que prévu. Leurs recettes de fonctionnement augmentent de 1,3 %, ce qui évite un effet ciseau, même si la dynamique était bien plus importante en 2019 - avec une augmentation de 2,8 %. L'épargne brute augmente de 8,3 %, mais avec des déclinaisons très différentes selon les strates de collectivités, en fonction de la structure économique des territoires et de leurs recettes.
Nous avons compensé les impôts de production, nous y reviendrons probablement. Des discussions, toujours très compliquées, sont en cours sur les dépenses sociales.
Il y a un enjeu sur l'investissement et sur le rythme de celui-ci. Si la situation des collectivités territoriales se dégrade moins que prévu, il y a cependant un besoin d'investissement et de lisibilité. Sur les enjeux structurels, le groupe de travail avec Jacqueline Gourault pourra analyser les évolutions et examiner l'hétérogénéité des situations. Nous continuerons à le réunir.
L'idée d'un rendez-vous régulier sur les finances locales est une proposition intéressante. Je répondrai évidemment à l'initiative du Sénat et de l'Assemblée nationale.
J'ai la même réserve que Mme Gatel sur la loi de financement des collectivités locales, idée séduisante au premier abord, mais compliquée. L'analogie avec la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) ne tient pas, car les recettes du système de santé sont relativement maîtrisées par l'État. Il est improbable qu'une telle loi de financement s'appuie sur des dépenses à la main des collectivités territoriales, et sur des recettes dont la connaissance par le Parlement est parcellaire. Il me semble plus séduisant qu'il y ait un débat annuel d'ensemble sur les finances des collectivités territoriales, car souvent, nous discutons réellement sur les franges de l'enveloppe normée.