Pour répondre au rapporteur général, aujourd'hui, plus la dette a une maturité longue, mieux c'est. J'ai du reste compris des propos du directeur de l'Agence France Trésor que notre pays n'est pas si mal classé dans ce domaine par rapport aux autres pays. Dès lors, peut-être devrait-on en effet allonger encore un peu la maturité de notre dette.
Vous avez évoqué le timing des mesures de redressement. Pour moi, l'important, c'est déjà la stabilisation du déficit public. Il est évident que l'on ne peut pas prendre de telles dispositions avant que la France ait retrouvé une situation « normale ». Reste à définir ce que cela recouvre précisément. Pour moi, le retour à la normale ne se fera vraisemblablement pas avant 2023.
Concernant les règles budgétaires européennes, je rappelle que le traité de Maastricht prévoit que, dans chaque État, la dette doit être inférieure à 60 % du PIB ou, si elle est supérieure à ce ratio, elle doit être sur une pente descendante. Quoi qu'il en soit, il faut l'accord unanime des États membres de la zone euro pour modifier ces règles.
La question de la mise en place de véhicules spécifiques permettant d'orienter l'épargne dans la bonne direction est ancienne. Elle renvoie directement au problème de la fiscalité de l'épargne. Il se trouve qu'en France la fiscalité a tendance à privilégier l'épargne non risquée au détriment de l'épargne risquée.
L'un d'entre vous a mentionné l'inquiétude des citoyens par rapport à la dette, alors que les marchés sont calmes. Les citoyens ont surtout l'impression que, pour rembourser 2 400 milliards d'euros de dettes, il faudra augmenter les impôts du même montant. Or, en France, rembourser la dette signifie simplement qu'il faut réemprunter pour un montant équivalent. Le problème n'est donc pas de lever des impôts, mais de faire en sorte de continuer ainsi très longtemps. C'est la raison pour laquelle il est indispensable que les marchés continuent d'avoir confiance et que la Banque centrale européenne continue d'intervenir.
Au Japon, la dette est majoritairement financée par les Japonais, tout simplement parce que le taux d'épargne y est très élevé, et que le Japon est largement créditeur par rapport au reste du monde. Ce n'est pas du tout le cas de la France.
Je ne crois pas à une annulation partielle des dettes par la BCE. Si l'on commence à procéder ainsi, la pression deviendra irrésistible, car les besoins de l'État sont illimités. La limite, pour toute banque centrale, c'est l'inflation : un jour, on finira par la faire repartir et il faudra stopper le rachat massif de titres. Si l'on doit mettre fin à cette politique, le seul instrument restant à notre disposition à ce moment-là sera celui de la politique budgétaire : il faudra alors augmenter très fortement les impôts ou réduire très fortement les dépenses publiques. Je ne crois donc pas en cet instrument.
Pour moi, il s'agit d'un chiffon rouge agité devant certains de nos partenaires de la zone euro, en l'occurrence les pays du Nord. Nous avons besoin d'eux, dans la mesure où la solidarité au sein de la zone euro est aujourd'hui à sens unique et va du nord au sud.
Personnellement, je ne sais pas comment évaluer la dette covid. Quel serait en effet le scénario contre-factuel ? Que ce serait-il passé s'il n'y avait pas eu cette pandémie ? Je souhaite bien du plaisir à ceux qui tenteront de répondre à cette question. Quant au cantonnement de la dette covid, je n'ai toujours pas compris à quoi il pourrait servir. Après tout, si vous placez cette dette publique dans une structure ad hoc, vous devrez tout de même prévoir des recettes pour la rembourser, et ces ressources manqueront ailleurs.
J'en viens au problème de la soutenabilité écologique et des investissements nécessaires pour assurer celle-ci. Bien sûr qu'il faut des investissements publics ! Mais ceux-ci représentent en France 4 % du produit intérieur brut, tandis que les dépenses publiques atteignent 55 %. Nous avons donc des marges de redéploiement, d'autant qu'une bonne partie des investissements publics n'a strictement aucun rapport avec la soutenabilité écologique... Cela fait trente ans que je me bats pour promouvoir l'évaluation socioéconomique des investissements publics, avec un succès très relatif, il faut bien le reconnaître. Commençons par faire des investissements publics intelligents et décidons, si nécessaire, de les redéployer à l'intérieur de la dépense publique. Il n'est aucunement besoin d'annuler les dettes pour cela !