Intervention de Amélie Verdier

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 10 février 2021 à 10h30
Soutenabilité de la dette publique — Audition de M. Olivier Blanchard économiste au peterson institute Mme Jézabel Couppey-soubeyran professeur à l'école d'économie de paris et maître de conférences à l'université paris 1 panthéon-sorbonne Mm. François Ecalle président de l'association « finances publiques et économie » fipeco et chargé d'enseignement à l'université paris 1 panthéon-sorbonne anthony requin directeur général de l'agence france trésor et Mme Amélie Verdier directrice du budget

Amélie Verdier, directrice du budget au ministère de l'économie, des finances et de la relance :

Je ne reprendrai pas tous les éléments qui ont été exposés par Anthony Requin. Je commencerai par répondre précisément à la question très précise de Mme Lavarde sur le tableau de financement.

Au moment du dépôt du projet de loi de finances, un tableau de financement figure dans l'exposé des motifs de l'article d'équilibre, qui présente, d'une part, les besoins de financement, et, d'autre part, les ressources correspondantes. Les besoins sont essentiellement destinés à faire face aux amortissements de dettes à venir et à financer le déficit. En face, les ressources de financement sont principalement l'émission de dettes, surtout en période de déficit budgétaire.

Si j'ai bien compris vos propos, madame la sénatrice, vous pointez l'écart qui existe entre, d'un côté, le projet de loi de finances et ses annexes, et, de l'autre, les documents qui ont été présentés par l'Agence France Trésor à l'occasion de la présentation de sa politique d'émission aux investisseurs en fin d'année et qui sont, c'est heureux, cohérents avec ce que le Gouvernement a définitivement présenté au Parlement.

J'ai sous les yeux le tableau auquel vous avez fait référence. Les lignes à zéro sur les ressources de financement signifient tout simplement qu'il n'est pas prévu d'allouer des ressources à la Caisse de la dette publique consacrée au désendettement, car le contexte n'est pas à la vente d'actifs pour les affecter à la réduction de la dette. Des annonces politiques ont été faites à ce sujet, et les réflexions se poursuivent. Par conséquent, ces documents budgétaires ne cachent aucun cantonnement de la dette en dehors de l'État. Anthony Requin et moi-même restons à votre disposition pour vous commenter plus en détail, si vous le souhaitez, ce tableau de financement. Mais il n'y a aucune ambiguïté sur ce point.

Pour la dette covid, trois méthodes sont possibles. De toute façon, la crise sanitaire n'étant pas terminée, il est impossible d'apporter une réponse définitive. On peut se demander, comme François Ecalle, quel aurait été le contre-factuel tel que le prévoyait le Gouvernement avant la crise. Une autre méthode consisterait à évaluer le niveau de déficit à la sortie de cette crise, à supposer que nous soyons capables d'estimer à quel moment nous en serons sortis, et à le comparer avec les niveaux de la fin de l'année 2019 ou de la fin du premier trimestre 2020. La troisième méthode supposerait de faire le tri dans ce qui s'est passé pendant cette crise en établissant ses effets sur les recettes et en y intégrant les stabilisateurs automatiques, essentiellement les prestations sociales. Il conviendrait ensuite d'engager un débat sur les mesures ponctuelles. Nous n'aurons aucun mal à nous mettre tous d'accord sur le fait que l'achat des vaccins est directement imputable à la crise et doit être rattaché à la dette covid. Il est d'autres types de dépenses, telles que les mesures d'urgence ou le plan de relance, pour lesquelles le Gouvernement a expliqué le caractère temporaire. Pour le reste, certaines décisions pérennes auraient peut-être été prises autrement. Cette méthode analytique me paraît plus satisfaisante, mais rend l'analyse moins aisée. C'est aussi pourquoi le Gouvernement a souhaité avoir des avis sur la manière dont on peut apprécier cette dette.

Il y a bien un sujet européen en général, comme l'a dit fort à propos Vincent Éblé. Et plusieurs intervenants l'ont rappelé, on ne peut pas imaginer que la France puisse prendre toute seule la décision d'annuler ou d'étaler la dette, car nous devons respecter le cadre européen. Ces décisions sont pour le moment suspendues, et je n'ai pas de scoop à donner à votre commission sur leur évolution. Le débat sur l'effectivité des règles, engagé avant la crise par la Commission européenne, se poursuit. Nous devons chercher un consensus, voire recueillir l'unanimité sur ce point. La France souhaite se doter de règles simples et progressives, sans automaticité comptable, et qui donnent aussi confiance à nos partenaires. La comparaison avec l'Allemagne est faussée, car les situations de départ entre nos deux pays n'étaient pas du tout les mêmes. Dans la mesure où la dette allemande avoisinait les 60 % du PIB, notre voisin outre-Rhin voit ses déficits diminuer bien plus vite que nous. Concernant la répartition de la charge budgétaire en Europe, je ne m'aventurerai pas sur cette question à cette heure.

Je terminerai en évoquant la dépense et l'investissement. Sur le papier, tout le monde est d'accord mais dès qu'on entre dans les détails, les divergences apparaissent, y compris à l'échelon européen. Lorsque les règles de politique budgétaire ont été définies au travers du « two-pack » et du « six-pack », la question s'est posée sur la façon de traiter l'investissement. Le débat a tourné court, car personne ne s'est mis d'accord, l'Europe soutenant la stratégie de Lisbonne et l'investissement dans l'économie de la connaissance.

Nous éclairons la représentation nationale, notamment en présentant le budget de l'État avec une section de fonctionnement et une section d'investissement. La comptabilité nationale apporte également des éléments intéressants.

Je conclurai en soulignant que nous ne sommes pas actuellement dans une approche d'austérité de la politique budgétaire. En 2020, la dépense publique a augmenté de 7 % en volume. Le plan de relance a déjà donné lieu à 10 milliards d'euros de décaissement, et un tiers du plan de relance de 100 milliards d'euros est consacré à la transition écologique. Il faut avoir une approche plus dynamique de la politique budgétaire et regarder son efficacité selon d'autres critères que son taux de croissance.

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