Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans leur combat contre les épidémies, les hommes ont fait d’immenses progrès. Les vaccins et les traitements ont permis de faire reculer les ravages provoqués par les maladies infectieuses, à tel point que l’effroi qu’elles ont causé à nos ancêtres était presque oublié.
La covid-19 est venue nous rappeler les règles de base de la lutte contre les épidémies. Ces règles se résument en trois actions, qui ont connu une actualité nouvelle, mais ont aussi été reformulées à mesure que notre pays réalisait qu’il n’était pas en mesure de toutes les accomplir : tester, tracer, isoler, c’est-à-dire repérer les personnes atteintes, identifier celles qu’elles sont susceptibles d’avoir contaminées, isoler les malades et les personnes contacts afin de limiter la propagation de la maladie et ainsi, progressivement, casser la dynamique des contaminations.
En l’absence de vaccins et de traitements, cette stratégie est la seule disponible et elle a fait la preuve de son efficacité. Pourtant, après l’avoir consciencieusement appliquée, au tout début de l’épidémie, le Gouvernement semble y avoir tout ou partie renoncé.
Les Français rapatriés de Wuhan ont été testés et mis à l’isolement dans un centre de vacances ; les personnes contaminées dans le cluster des Contamines ont été isolées à l’hôpital ; celles du cluster de Creil ont été isolées dans les conditions définies par le service de santé des armées. Mais ensuite ?
Sur les trois pans de la stratégie, la constance, mais aussi les moyens ont fait défaut.
Malgré un développement rapide, à l’honneur des équipes de recherche, les tests ont connu un déploiement hésitant et laborieux, le passage au stade industriel se révélant extrêmement complexe.
Il en est résulté tout d’abord une approche malthusienne du recours aux tests, alors que certains de nos voisins testaient beaucoup plus massivement et que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) exhortait les États à le faire.
Certaines capacités – les laboratoires privés, vétérinaires ou encore universitaires – ont été laissées à l’écart pour des raisons administratives qui n’étaient pourtant plus de mise dans ce contexte de crise. Leur réintégration dans le jeu s’est faite au moment même où le revirement du Gouvernement sur l’élargissement des personnes à tester percutait de plein fouet des capacités de test encore trop peu organisées.
Pendant de trop longues semaines, notre pays a testé, testé, testé, conformément aux recommandations de l’OMS, mais en pure perte, les résultats ne parvenant aux intéressés qu’une fois achevée la période où ils auraient été utiles.
Pendant toute cette séquence, la détection de cas continuait à se faire à l’hôpital, pour des personnes symptomatiques, à un stade de gravité avancé et trop tard, évidemment, pour organiser un quelconque traçage.
Sur le traçage, nous n’avons guère été meilleurs.
La recherche d’une sophistication excessive s’est traduite par des retards et par une perte globale d’efficacité là où d’autres pays – je pense en particulier à la République de Corée, dont le représentant a été entendu par la commission d’enquête – ont été mieux organisés. L’ambassadeur de France en République de Corée a insisté sur le caractère « assez rustique » des moyens déployés, à rebours de l’image que d’aucuns avaient spontanément d’outils numériques qui seraient intrusifs et quasi totalitaires.
Il s’agissait au contraire de mobiliser le plus de moyens humains possible et d’agir vite, ce que nous n’avons pas fait, laissant une fois de plus de côté les médecins de ville, qui voyaient pourtant dans leurs cabinets la majeure partie des personnes atteintes de la covid-19.
Je serai bref, car je ne veux pas être cruel, sur l’échec, programmé d’emblée, de l’application StopCovid. Cet échec est collectif : cet outil a été conçu avec tant de prérequis que nous savions qu’il ne fonctionnerait pas. D’ailleurs, en un sens, nous ne souhaitions pas qu’il fonctionne vraiment.