Intervention de Emmanuel Capus

Réunion du 10 février 2021 à 15h00
Évaluation des politiques publiques face aux grandes pandémies à la lumière de la crise sanitaire de la covid-19 et de sa gestion — Débat sur les conclusions du rapport d'une commission d'enquête

Photo de Emmanuel CapusEmmanuel Capus :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, 80 000 : c’est le nombre de victimes provisoires de cette épidémie à présent. C’est évidemment à elles que je pense au moment de prendre la parole dans cet hémicycle.

Dès les premiers jours de la crise, le Sénat a agi. Il a permis au Gouvernement de prendre les mesures d’urgence qui s’imposaient. Nous avons voté, ici, en responsabilité, l’état d’urgence sanitaire et quatre projets de loi de finances rectificative. Dans le but d’identifier des pistes d’amélioration des politiques publiques, la Haute Assemblée a créé une commission d’enquête dont nous débattons aujourd’hui des conclusions.

Les commissions d’enquête sont d’autant plus intéressantes qu’elles cherchent à être impartiales et à faire la lumière sur des événements passés. À ce stade, nous manquons cruellement de recul pour tirer des conclusions définitives sur la gestion d’une crise à laquelle nous continuons malheureusement de faire face.

La France, comme le monde entier, a subi les effets d’une pandémie qui nous a tous surpris. Certains pays, déjà habitués à ces épidémies, comme Taïwan et la Corée du Sud, ont réagi très rapidement ; d’autres, comme les États-Unis ou le Royaume-Uni, ont au contraire pris plus de temps. L’OMS a elle-même tardé à tirer la sonnette d’alarme sur cette urgence de santé publique. Les efforts que la Chine a déployés pour cacher les débuts de l’épidémie y ont sans doute contribué. Ces efforts d’ailleurs se poursuivent, puisque l’enquête sur les origines du virus menée en Chine n’est pas facile. La République populaire de Chine est toujours dans le déni quant au nombre de victimes sur son territoire.

À l’heure où nous parlons et malgré cette opacité, les pires scénarios ont été évités. Le séquençage du virus s’est fait en quelques semaines et un vaccin a été trouvé en quelques mois.

On peut, bien évidemment, regretter que la France n’en ait pas encore mis un au point – à titre personnel, je le déplore vivement –, mais le bilan que connaît notre pays pourrait être pire. Même si c’est toujours trop, la France compte aujourd’hui moins de morts par jour que l’Allemagne, pourtant si souvent citée en exemple. Il importera malgré tout de déterminer comment notre pays aurait pu faire mieux, comme a proposé de le faire la commission d’enquête.

Le premier sujet sur lequel nous avons travaillé a évidemment concerné le stock de masques. Ces protections, qui ont fait cruellement défaut au printemps, sont toujours aujourd’hui l’un des piliers de notre stratégie de lutte contre la propagation du virus.

Le stock de masques de l’État a été fortement asséché au cours des dernières années, celui des FFP2 a presque été réduit à néant de 2011 à 2016, celui des masques chirurgicaux a été amputé de 86 % en 2018. A posteriori, il apparaît évident que ces réductions ont sensiblement accru la vulnérabilité de notre pays.

À en croire la tension sur le marché, nous n’étions pas les seuls à en avoir urgemment besoin. Bien sûr, d’autres ressources nous ont fait défaut, comme le curare et les respirateurs, mais ces pénuries ont été résolues plus rapidement.

Au-delà de la conservation de stocks stratégiques et de la préservation de notre souveraineté, la coopération dans la résolution de la crise reste l’un des points majeurs d’amélioration. Il faudra que cette coopération soit encore renforcée entre les pays européens. À l’échelon national, la coopération qui a eu lieu entre les régions en matière de santé a été positive ; nous souhaitons qu’elle se poursuive.

Il convient également de permettre à la médecine de ville d’apporter tout son concours au secteur hospitalier dans ces périodes de crise, mais aussi en temps normal, pour une meilleure prévention. Il en va de même pour les capacités de test, largement évoquées par mes prédécesseurs. Il aurait été profitable d’associer les différents laboratoires, y compris vétérinaires, pour réaliser davantage de tests dans de meilleures conditions.

Aurait-il fallu recourir à des mesures plus contraignantes ? À titre personnel, je considère que cette question aurait dû être posée et qu’il faudra se la poser à l’avenir. Je pense aux mesures d’isolement, mais également aux passeports vaccinaux.

Enfin, il serait certainement bénéfique de mieux associer les collectivités territoriales au fonctionnement des agences régionales de santé, les ARS, mais aussi aux décisions prises par l’État. Comme souvent, nos territoires ont tenté d’apporter leur concours, mais des rigidités administratives ont freiné leurs initiatives.

Tels sont, mes chers collègues, les quelques enseignements que l’on peut tirer de la gestion française d’une pandémie qui n’est pas terminée. D’autres questions, nombreuses, restent en suspens. Elles touchent principalement à notre souveraineté économique et sanitaire, mais aussi aux conséquences de cette crise pour notre jeunesse et nos forces vives. Ces questions devront nécessairement trouver des réponses.

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