Intervention de Laurence Cohen

Réunion du 10 février 2021 à 15h00
Évaluation des politiques publiques face aux grandes pandémies à la lumière de la crise sanitaire de la covid-19 et de sa gestion — Débat sur les conclusions du rapport d'une commission d'enquête

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que, dans notre pays, la campagne de vaccination contre la covid-19 piétine, les travaux réalisés par la commission d’enquête du Sénat ont mis en lumière divers dysfonctionnements et défaillances sur la gestion de la crise de la pandémie de covid-19 et ont révélé en filigrane les raisons qui ont conduit à une telle situation.

La pandémie pose en réalité une question essentielle, celle du déficit d’approvisionnement en matériel de protection, en respirateurs, en médicaments, en tests et, aujourd’hui, en vaccins !

Afin de répondre aux exigences de réduction du déficit public, les stocks stratégiques de médicaments, de blouses, de masques, de gants – auparavant financés par la sécurité sociale – ont été laissés à l’abandon après le transfert à l’État de la gestion des stocks de l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, l’Éprus. Lorsqu’il a fallu renouveler les stocks stratégiques, l’établissement Santé publique France a été dans l’incapacité de réaliser sa mission.

La logique de réduction des dépenses publiques, que nous ne cessons de dénoncer tout comme les personnels de santé et du médico-social, a montré ses limites et ses contradictions, puisque le coût du renouvellement du stock stratégique était bien inférieur aux coûts des semaines de confinement que nous avons subies.

Monsieur le ministre, l’impréparation de votre gouvernement, les déclarations contradictoires sur l’utilité des masques, la pénurie de lits de réanimation, ne résultent pas d’un accident de parcours, mais découlent bien de choix stratégiques à l’œuvre depuis près de trente ans !

Les conclusions du rapport sénatorial démontrent, elles, la part de responsabilité de votre gouvernement en raison de l’absence d’anticipation, de transparence et de concertation avec les soignants, les élus et les parlementaires.

Le Gouvernement a perdu la confiance de nos concitoyennes et de nos concitoyens en tentant de cacher l’insuffisance des stocks de masques disponibles, puis celle des tests. Comment ne pas rappeler ici que notre commission d’enquête a par ailleurs mis en lumière que le directeur général de la santé est intervenu pour faire modifier un rapport d’expert sur le nombre nécessaire de masques à commander ? C’est gravissime…

Alors que l’État était aux abonnés absents, les villes, les départements, les régions, ont répondu présent et se sont mobilisés, dès le début, pour commander des masques et assurer leur acheminement auprès des populations. Ils ont continué avec la mise en place de centres de tests et aujourd’hui de vaccination. Tout cela a entraîné des dépenses considérables pour les collectivités, alors que ces financements incombaient à de l’État.

En limitant les prises de décisions au cercle restreint du Président de la République autour de certains membres du Gouvernement, conseillés par un groupe d’experts et par des cabinets privés, l’isolement du pouvoir exécutif et la déconnexion avec la réalité de terrain n’ont eu de cesse de se renforcer.

On a réduit le Parlement – singulièrement le Sénat – à une chambre d’enregistrement, bafouant ainsi la démocratie. Des commissions d’enquête parlementaires ont tenté de rétablir la transparence et de réfléchir à l’avenir, en tirant les enseignements de la première vague de la pandémie.

L’ensemble du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et moi-même nous réjouissons de la création, par le Sénat, d’une mission commune d’information pour évaluer les effets des mesures prises ou envisagées en matière de confinement ou de restrictions d’activités, qui s’inscrit dans la continuité des travaux de la commission d’enquête. J’en suis convaincue, ces travaux peuvent être utiles pour tous, notamment pour les membres du Gouvernement.

Pour notre groupe, il s’agit non pas de remettre en cause votre investissement personnel, monsieur le ministre, ni celui des membres de votre ministère, mais de dénoncer les choix politiques qui ont conduit à l’affaiblissement des services publics et à la déstructuration des outils de l’État.

La multiplication des agences a été mise en avant comme constituant un frein à la coordination et à l’efficacité des décisions. De nombreuses auditions ont également dénoncé le nombre insuffisant de lits de réanimation, les taux d’occupation, de 90 % à 95 %, rognant toute marge de manœuvre.

Il est urgent de corriger ce manque de moyens humains, matériels et financiers dans les hôpitaux publics ; et que l’on ne nous réponde pas en citant le Ségur de la santé qui, dans les faits, n’a débouché que sur de timides revalorisations salariales, inégalitaires au demeurant

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