Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je concentrerai mon propos sur deux aspects de la gestion de la crise sanitaire : la gestion territoriale de la crise, déjà évoquée, et la recherche. La commission d’enquête a formulé des propositions et je souhaite connaître les intentions du Gouvernement sur les suites qui pourront leur être données.
Le constat a été dressé par les intéressés eux-mêmes : il est nécessaire de renforcer la fluidité des relations entre les préfets et les directeurs généraux des agences régionales de santé. Cette question est déterminante pour les élus locaux, plus familiers d’une relation étroite avec le préfet de département qu’avec le directeur général de l’ARS.
En temps de crise, l’organisation de cette relation est clairement prévue par le code de la santé publique : le préfet peut prendre les commandes. Ce texte existe et il n’est pas nécessaire d’en inventer un nouveau. Pourtant, il n’a pas été utilisé, ce qui nous donne à penser que le défaut d’organisation était plus général et pas seulement lié à l’existence même des ARS. C’est pourquoi la commission d’enquête du Sénat, à la différence de celle de l’Assemblée nationale, n’a pas préconisé leur suppression.
En revanche, nous avons souhaité que des redéploiements interviennent au sein des ARS, afin de permettre d’armer correctement les délégations départementales, qui ont trop souvent semblé dépourvues d’informations, de moyens et de capacités de décision. En effet, la réforme des régions a percuté celle des ARS, dont les sièges sont souvent trop éloignés du terrain. Nous pensons que le délégué départemental de l’ARS doit prendre des responsabilités dans la gestion des crises, en déclinant, dans son département, un plan pandémie et en disposant des données épidémiologiques nécessaires, les cellules d’intervention en région de Santé publique France étant elles-mêmes intégrées au sein des ARS.
Ces données épidémiologiques devraient également permettre d’apporter des réponses différenciées à des territoires placés dans des situations différentes. Le cas emblématique de la première phase a sans doute été celui de la Guyane, entrée en confinement alors que sa situation ne le justifiait pas forcément et privée de cette mesure en pleine flambée de l’épidémie. Le pilotage de la crise s’est alors clairement révélé comme trop centralisé et il ne semble pas que ce point ait significativement évolué dans la durée.
En matière de recherche, l’effort a été tout à fait exceptionnel et les résultats ont été au-delà des attentes que nous pouvions avoir. Le développement des vaccins en est un exemple. En France, pourtant, cet effort de recherche a paru trop dispersé et, de fait, il a conduit à des résultats limités. Nous sommes bien sûr favorables à la liberté de la recherche et à la diversité des initiatives, seules à même de produire des résultats. Toutefois, il nous semble également que, dans un contexte de crise et d’urgence, la multiplication des essais cliniques consacrés aux mêmes molécules a clairement nui à l’efficacité de la recherche, en dispersant les financements et en réduisant mécaniquement le nombre de patients insérés dans les différents bras.
Confrontés aux mêmes enjeux, les Britanniques ont déployé un effort de recherche beaucoup mieux coordonné : témoin, l’essai Recovery promu par l’université d’Oxford. Cet essai a été défini comme étant de haute priorité nationale et tous les médecins en ont été informés. Il nous semble qu’une démarche similaire aurait pu être conduite en France ; les ministères chargés de la santé et de la recherche doivent pouvoir, selon nous, assurer la définition de travaux prioritaires, qui pourraient concentrer les financements exceptionnels mobilisés pendant une crise.
L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) n’a pas la capacité juridique de remplir cette mission. Elle n’a pas davantage été en mesure, dans la cacophonie ambiante, de faire entendre une voix autorisée sur la méthodologie en matière de recherche clinique, laissant se déclencher sur la place publique des controverses, qui n’ont fait qu’alimenter le désarroi et la défiance de nos concitoyens.
Il nous a également semblé que la recherche sur les maladies émergentes et infectieuses gagnerait à mieux se structurer. C’était l’objet du consortium REACTing, qui n’a pu assurer cette mission que partiellement. Pourrez-vous préciser, monsieur le ministre, les missions et les moyens de la nouvelle agence, fondée sur REACTing, dont vous avez annoncé la création ?
Pour sa part, la commission d’enquête a recommandé la création d’une structure dédiée à la recherche en maladies infectieuses, en rapprochant le consortium REACTing de l’Agence nationale de la recherche sur le sida et les maladies infectieuses, dont la mission est de fédérer, coordonner, animer et financer toute la recherche publique sur le sida et les hépatites virales. Cette capacité à fédérer a clairement fait défaut dans la recherche contre la covid.
D’une façon plus générale, quels enseignements le Gouvernement tire-t-il de cette crise en matière de recherche ? Tout comme l’hôpital, le secteur de la recherche était en crise et en proie au doute bien avant le déclenchement de l’épidémie de covid. Monsieur le ministre, quelles solutions envisagez-vous pour la remobilisation de la recherche, alors que, pour le moment, les résultats ont plutôt été observés à l’étranger ?