Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis le début de la crise sanitaire, dans cet hémicycle, nous alertons le Gouvernement sur les conditions de vie et d’études de nos étudiants. Je remercie nos collègues du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires d’avoir demandé l’inscription de ce débat à l’ordre du jour de nos travaux.
À chaque prise de parole, les mêmes mots reviennent comme une insupportable antienne : angoisse, désespoir, solitude, isolement, précarité.
L’Observatoire national de la vie étudiante décrivait, dès avant le second confinement, une nouvelle dégradation des conditions d’études et de santé : 31 % des étudiants présentaient déjà des signes de détresse psychologique.
Signe que ce sujet demeure prégnant, les commissions d’enquête, les missions d’information et les débats se multiplient à l’Assemblée nationale comme au Sénat afin de trouver des solutions à la crise que les étudiants traversent, une crise dont les emmurés de vingt ans subissent pleinement les effets sans en être pour autant les victimes directes.
Bien évidemment, on peut saluer les annonces du Président de la République, quoiqu’elles aient été tardives : l’accès aux repas à 1 euro du Crous et à une consultation gratuite auprès d’un psychologue ou encore la reprise partielle des enseignements en présentiel. Ces mesures donnent une bouffée d’oxygène, elles évitent la catastrophe.
Madame la ministre, est-ce pour autant suffisant ? Je ne le crois pas.
Nos étudiants ne veulent pas que l’on s’apitoie sur leur sort. Ils veulent savoir où on les conduit.
Je crois en effet que l’une des principales causes de ce mal-être est bien l’angoisse générée par un pilotage à vue, où l’on ne sait la veille si l’on pourra aller en cours le lendemain et où l’on suscite des espérances sans parvenir à y répondre.
Ainsi, au début du mois de décembre dernier, à la suite d’alertes répétées lancées par la communauté universitaire, le Premier ministre évoquait la tenue d’enseignements à 100 % présentiels au début du mois de février. Le 14 janvier dernier, c’est une reprise des enseignements à 50 % qui se dessinait, uniquement pour les travaux dirigés et les apprentis. Aujourd’hui, la jauge est fixée à 20 % maximum. Comment voulez-vous que l’on s’y retrouve ?
Les étudiants, les enseignants et le personnel universitaire sont usés par cette incapacité à tracer des perspectives et à s’y tenir. Lassés, ils demandent désormais le maintien des conditions actuelles d’enseignement pour le second semestre afin d’éviter une énième mise à jour de leur protocole sanitaire. Ce n’est pas qu’ils soient fans des dernières mesures ; simplement, ils souhaitent que l’on n’en change plus. Ils ont raison.
Cette angoisse se nourrit également d’incompréhensions et de découragement. Comment comprendre la différence qui est faite entre les étudiants des classes préparatoires aux grandes écoles et des sections de technicien supérieur d’un lycée, d’une part, et ceux des universités, d’autre part ? Au-delà, comment les uns et les autres peuvent-ils comprendre qu’ils paient un si lourd tribut à la gestion d’une épidémie qui ne les affecte qu’à la marge ? Comment peuvent-ils envisager leur avenir, quand leur vie et les outils nécessaires à leur construction sont mis sous cloche ?
Aujourd’hui, ils se sentent non essentiels, lâchés et abandonnés par la génération du « Il est interdit d’interdire », celle-là même qui leur interdit de sortir après dix-huit heures.
Je ne nie pas la nécessité de respecter sur les campus comme ailleurs les indispensables gestes barrières. Je dis simplement qu’un peuple majeur et sa jeunesse ont besoin d’explications et de cap. Je dis simplement que les universités et les établissements d’enseignement supérieur ont besoin de la confiance du Gouvernement. Je dis qu’ici comme ailleurs nous sommes victimes d’une gestion par trop centralisée.
Il est donc impératif de laisser de la marge aux universités, pour qu’elles s’organisent dans l’objectif d’accueillir autant d’étudiants que possible. Il est impératif de leur permettre d’évaluer, site par site, leur capacité d’accueil afin d’établir des jauges adaptées.
La nouvelle jauge de 20 % n’est-elle pas en effet contreproductive, quand les salles ou les sites sont suffisamment grands pour accueillir plus de 20 % d’étudiants tout en respectant la distanciation nécessaire ? Permet-elle suffisamment d’optimiser le nombre de personnes dans les 18, 5 millions de mètres carrés des locaux universitaires ?
Ici comme ailleurs, madame la ministre, il est temps de faire confiance aux universités et de vous appuyer sur leur agilité et leur proximité pour redonner espoir et confiance en leur avenir aux jeunes de ce pays.
Voilà, madame la ministre, les interrogations que je vous livre. Au-delà des mesures d’accompagnement annoncées par le Président de la République, envisagez-vous de faire confiance au terrain et de lui donner de la liberté, pour qu’il puisse s’adapter aux réalités ? Faites confiance aux responsables des universités et des établissements d’enseignement supérieur ! Ils sont, sur le terrain, mieux armés pour lutter contre ce terrible mal-être qui ébranle la jeunesse de notre pays !