Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant la crise sanitaire, la précarité étudiante était déjà une réalité. Près d’un étudiant sur deux travaillait pour financer ses études et subvenir à ses besoins. L’accès au logement, aux soins et à une alimentation saine constituait un défi quotidien pour bon nombre de nos étudiants.
L’action gouvernementale reposait alors sur trois leviers complémentaires : l’augmentation des bourses sur critères sociaux, la construction de nouveaux logements universitaires et la mobilisation d’aides pour les situations d’urgence.
Depuis le 14 mars 2020, la décision du Gouvernement de fermer les établissements d’enseignement supérieur pour protéger la population du covid-19 a changé la donne. Depuis lors, les situations de précarité que nous connaissions avant la crise s’aggravent et se multiplient. La moitié des étudiants qui travaillaient pour vivre ont perdu leur emploi. À cela s’ajoute la détresse psychologique liée à l’isolement social d’une grande partie de notre jeunesse. L’étude menée à ce sujet par l’Observatoire national de la vie étudiante en dit long : 31 % des étudiants interrogés ont connu une détresse psychologique lors du confinement.
S’y ajoutent aussi les incertitudes qui pèsent sur l’avenir des futurs diplômés. L’accès aux stages, dans un tel contexte de crise sanitaire et économique, est fortement menacé. La constitution des futurs réseaux professionnels l’est tout autant. Nous connaissons des risques accrus de décrochage scolaire, notamment en première année de licence.
Tout n’est pas perdu : l’apprentissage a connu un engouement inédit l’année dernière, malgré la crise, avec la signature de 500 000 contrats. Le plan de soutien à l’apprentissage du Gouvernement y est pour beaucoup. Notre groupe est très favorable à la prolongation de ce dispositif qu’a annoncée la ministre du travail, Mme Élisabeth Borne.
Les mesures palliatives prises par le Gouvernement constituent des gestes plus ou moins importants : les repas à 1 euro pour tous, l’accès au soutien psychologique et, surtout, le retour progressif aux cours en présentiel, puisque c’est bien le véritable sujet, madame la ministre.
Les étudiants demandent à étudier dans de bonnes conditions, à retrouver le lien avec leur université, leurs professeurs, leurs camarades. L’émulation qui se rencontre au sein des campus est irremplaçable. À cet égard, je partage l’avis du professeur Delfraissy : le retour en cours des étudiants est une question de santé publique.
Nous devons aussi veiller à la bonne lisibilité de l’action publique et, pour cela, assurer une cohérence entre les différentes décisions. Mes collègues ont déjà posé cette question : comment justifier la fermeture des universités, par prudence, alors que les classes préparatoires et les classes de BTS restent ouvertes ? Les étudiants demandent que leur avenir ne soit pas sacrifié ; ils demandent surtout à être écoutés et pris en considération.
À la fin du mois de janvier dernier, le Président de la République a annoncé une reprise partielle des cours en présentiel. Nous devons favoriser la souplesse des dispositifs. De nombreux étudiants ne pourront pas revenir étudier en présentiel un jour par semaine, faute de logement.
Alors, faisons confiance aux jeunes qui sont l’avenir de notre pays ! Ne les infantilisons pas, ne condamnons pas leur avenir ! Des milliers de jeunes enfants sont actuellement regroupés en classe maternelle ou en école élémentaire ; ils partagent la même table de restauration collective, sans masque. Les jeunes adultes qui peuplent nos campus universitaires et nos grandes écoles sont, à mon sens, capables d’être responsables et de respecter les gestes barrières. Si le risque n’est pas dans les amphithéâtres, où les étudiants seront masqués et distanciés, pourquoi ne pas limiter l’accès des restaurants universitaires aux repas à emporter ?
Ce sont des centaines de milliers de jeunes qui baissent les bras et risquent d’abandonner leurs études. Nous devons trouver des solutions à court terme et à long terme pour faciliter la résilience de la jeunesse et éviter qu’elle ne paie, sous une autre forme, un lourd tribut à l’épidémie. N’oublions pas qu’elle est la richesse de la France de demain !