Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la situation de la jeunesse est inquiétante dans notre pays en cette crise du covid-19 ; nous en faisons tous le constat. La détresse exprimée est forte, nous avons tous été bouleversés et touchés par ces files d’attente s’allongeant devant les centres de distribution alimentaire, par les signaux envoyés et les tentatives de suicide, qui parfois ont malheureusement conduit à la mort de certains jeunes, comme cela s’est produit à Lyon.
En revanche, je ne peux pas laisser dire que le Gouvernement n’a pas pris acte de tout cela. Au contraire, des mesures extrêmement puissantes et globales ont été prises. Elles reposent sur quatre piliers.
Le premier pilier est la lutte contre la précarité alimentaire, au titre de laquelle le Gouvernement a annoncé la possibilité pour tous les étudiants de prendre un repas à un euro deux fois par jour. C’est une mesure inédite et extrêmement importante !
Le deuxième pilier a trait au soutien psychologique, lequel s’est manifesté non seulement par l’attribution d’un « chèque psy », mais aussi par le recrutement de psychologues et de personnels pour accompagner les étudiants dans les universités.
Le troisième pilier consiste en l’attribution d’aides sociales, notamment de l’aide de 150 euros pour les étudiants boursiers, annoncée en novembre dernier. Je rappelle également qu’a été décidé le gel des loyers dans les résidences étudiantes, et des tarifs d’inscription.
Enfin, le quatrième pilier est le retour des étudiants en présentiel, le constat ayant été fait que l’enseignement à distance contribuait à la fragilité psychologique des jeunes, et qu’il était difficile de commencer une première ou une deuxième année sans avoir la possibilité de rencontrer en personne ses camarades et ses enseignants. Cette désocialisation pèse beaucoup sur le moral des étudiants, et donc sur leur capacité à se projeter et à réussir.
Le retour en présentiel doit, bien entendu, se faire de façon progressive, en fonction des lieux, et en tenant compte des spécificités de chaque établissement. Des protocoles clairs ont déjà été mis au point – encore faut-il les adapter !
Vous avez visité hier, madame la ministre, le restaurant universitaire Mabillon, à Paris ; vous avez pu vous rendre compte, en écoutant les étudiants de certaines universités et écoles, de la façon dont ils s’étaient adaptés à la situation.
Chaque établissement a décidé de mesures qui lui sont propres concernant le retour des étudiants dans les locaux. Ainsi, à l’École du Louvre, les travaux dirigés devant les œuvres, organisés dans les salles du musée auxquelles seuls les étudiants ont accès, se tiennent toujours afin d’assurer la poursuite du cursus en histoire de l’art.
Dans d’autres cas, le retour des étudiants en présentiel pour les travaux dirigés n’est pas permis, ou la réouverture graduelle des amphithéâtres est prévue… Quoi qu’il en soit, il est normal que le retour des étudiants se fasse de manière progressive.
La situation est assez paradoxale : d’un côté, certains médecins et spécialistes qui interviennent à la télévision poussent au reconfinement de la population, ou du moins s’interrogent sur l’utilité que cela présenterait, et de l’autre, s’exprime une demande de rouvrir tout, assez rapidement. Aussi, il est compliqué de devoir répondre en même temps au souhait manifesté d’un retour en présentiel, du jour au lendemain, des étudiants dans nos universités, alors que d’autres envisagent déjà une nouvelle mesure de confinement en mars prochain ! Je pense qu’il faut entendre ces paradoxes qui nous traversent – ce sont d’ailleurs ceux de la société…
Comment alors mieux accompagner les présidents et les services des universités, ainsi que les étudiants, afin d’organiser un retour en présentiel rapidement ?
Je rappelle que des étudiants suivent toujours des cours à distance, tandis que d’autres sont autorisés à y assister physiquement. C’est bien cette difficulté-là que doivent gérer nos universités ; c’est dans ce travail que nous devons les accompagner.
Au-delà de toute considération sur la crise sanitaire, les études sont fondamentales dans la vie ; c’est le moment où l’on apprend, et bien plus. Dans Les R êveries du promeneur solitaire, Jean-Jacques Rousseau écrivait : « La jeunesse est le temps d’étudier la sagesse, la vieillesse est le temps de la pratiquer ». Je ne suis pas certain que la vieillesse soit toujours l’occasion de pratiquer la sagesse, mais en tout cas les études sont fondamentales pour construire sa vie, pour être, tout simplement.
Il y a lieu pour nous de savoir, non pas seulement de quelle manière les cours peuvent être organisés, mais comment permettre aux étudiants de se projeter. À cet égard, vous avez entendu, madame la ministre, les doutes exprimés par ces derniers sur leurs examens, sur la façon dont ils seront évalués compte tenu de critères inhabituels de notation, sur leur réussite…
Bref, tel est l’ensemble de questions auquel nous avons à faire face. Nous devons, au-delà de la crise, tirer des enseignements plus larges pour l’avenir, en conservant à l’esprit deux problématiques essentielles : celle du soutien psychologique aux étudiants, qui continuera de se poser, et celle du soutien social, lequel s’est déjà manifesté par l’attribution d’aides puissantes, mais dont l’organisation et la structuration à long terme restent à améliorer.