Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « on veut un amphi, pas un psy ! » : tel est le cri des étudiants français en ce début d’année 2021, après un an de fonctionnement des universités sur un mode très dégradé. C’est en échangeant avec des étudiants, en écoutant leurs témoignages, que cette phrase a retenu toute mon attention, et a pris tout son sens.
Il y a un mois environ, lors de la séance de questions d’actualité au Gouvernement, je vous interrogeais, madame la ministre, sur la détresse des étudiants, après que plusieurs d’entre eux ont tenté de mettre fin à leurs jours par des gestes désespérés. Vous m’aviez alors répondu que les universités n’étaient pas fermées ! Je dois reconnaître que vous aviez raison… Mais comme tout est affaire de détail, s’il est vrai que les universités n’étaient pas fermées, il n’y avait cependant quasiment pas de cours !
Certains étudiants parlent de « génération sacrifiée ». C’est une expression peut-être un peu forte, mais nous pouvons assurément parler de « génération distancielle », qui subit aujourd’hui les « 3 D » – à ne pas confondre avec un texte de loi que nous attendons de pied ferme –, à savoir : décrochage, détresse et désenchantement.
Décrochage, d’abord : au bout d’un an, l’apprentissage à distance n’est plus supportable pour de très nombreux étudiants. Certains abandonnent leur cursus universitaire. Je parle là, non pas seulement des étudiants de première année, mais aussi des étudiants de master, qui décrochent à leur tour…
En effet, comment apprendre dans de bonnes conditions lors d’une séance de travaux dirigés quand elle est suivie par 200 étudiants en visioconférence ? Comment bien apprendre lorsque des problèmes récurrents de connexion interrompent les travaux dirigés ou le cours ?
Détresse, ensuite : les étudiants se trouvent dans une grande détresse psychologique, car c’est toute leur vie sociale qui est devenue fantomatique, alors même qu’elle est importante dans la construction personnelle.
Les étudiants endurent également une détresse financière, car il n’y a plus de jobs étudiants, de petits boulots. Or environ 20 % des étudiants travaillent en temps normal pour financer leurs études ou compléter leurs revenus.
Le Président de la République a annoncé, il y a peu, le repas à un euro pour tous les étudiants ; nous ne pouvons que nous en féliciter ! Mais vous le savez bien, madame la ministre, tous les étudiants ne vivent pas à proximité d’un restaurant universitaire du Crous. Pourquoi ne pas avoir plutôt retenu cette proposition intéressante du syndicat étudiant Union nationale interuniversitaire (UNI) visant à mettre en place un ticket-restaurant étudiant ? C’est une idée novatrice, particulièrement adaptée aux réalités du moment, qui profiterait à tous les étudiants !
Enfin, désenchantement : beaucoup d’étudiants se posent la question du devenir de leurs diplômes et de leur valeur réelle. Pour y remédier, certaines universités ont fait le choix d’apposer à certains diplômes la mention « examens en présentiel ». Mais c’est une réelle disparité entre les universités pour un même diplôme qui se crée là ! Le désenchantement est d’autant plus grand que les étudiants en master vont entrer sur un marché du travail en crise, où la perspective d’une évolution sociale permise par l’accomplissement d’études supérieures s’amenuise.
Telles sont pour partie les problématiques étudiantes. Si nous ne voulons pas que l’expression de « génération sacrifiée » devienne la triste réalité, il nous faut agir vite et fort, madame la ministre, les mesures actuelles ne suffisant pas, ou du moins ne suffisant plus !
Je salue à cette occasion la décision du président de la commission de la culture, Laurent Lafon, de créer une mission d’information relative aux conditions de la vie étudiante en France. Nous en attendons beaucoup et resterons vigilants !