Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le malaise grandissant des étudiants affectés par la crise covid inquiète. Leur précarité augmente massivement et accentue des situations déjà très fragiles. Les effets délétères de la situation et l’anxiété qu’elle suscite ont des conséquences graves sur la santé mentale des jeunes, accrues par l’isolement et les cours à distance.
Décompensation, stress, dépression, idées de suicide… les signaux de détresse et de souffrance psychologique sont multiples, même si les statistiques disponibles sont globalement insuffisantes.
Les difficultés économiques sont provoquées en particulier par l’arrêt de nombreux jobs étudiants. Près de six sur dix ont réduit ou arrêté leur activité rémunérée en rendant leur location, entraînant ainsi l’arrêt de leurs études. Des demandes d’aide alimentaire les concernent massivement. Elles représentent à ce jour près de 30 % de l’augmentation. Certaines images de files d’attente ont légitimement choqué.
L’aggravation de la situation s’observe également avec le sentiment d’une forme d’abandon et d’inutilité. S’estimant insuffisamment écoutés et sollicités par les pouvoirs publics, ces jeunes voient leur horizon s’obscurcir sans constater une réaction qui soit à leurs yeux à la hauteur des enjeux et de leur peur quant à l’avenir.
Cette détérioration n’a été prise en compte que tardivement et de manière insuffisante, malgré de nombreuses alertes. Je mesure chaque jour la difficulté de la tâche du Gouvernement en cette période exceptionnelle. Mais nous devons tous ensemble être beaucoup plus exigeants en faveur du monde étudiant.
Madame la ministre, tant que des mesures d’éradication du virus ne seront pas applicables, il faut de toute urgence adapter la stratégie du pays à tous les secteurs d’activité et n’abandonner personne.
La vie sociale des jeunes étudiants est essentielle. Les dernières annonces du Gouvernement, bien que tardives, vont dans le bon sens, mais manquent d’ampleur : un jour par semaine en présentiel, avec une jauge maximale de 20 %, deux repas par jour à un euro, un accompagnement psychologique sous forme de chèque pour ceux qui sont en mal-être… En tout cas, la toute récente décision qui leur permet de manger dans les espaces des Crous avec un protocole sanitaire renforcé va dans le bon sens et accompagne utilement le retour très partiel. Je tiens à vous remercier de votre engagement décisif en ce sens, madame la ministre.
Je ne néglige pas d’autres aides décidées depuis le début de la crise, parfois en décalage avec les ressentis de terrain et le vécu en temps réel des étudiants. J’ai eu copie de la lettre de la présidente de l’université de Franche-Comté et de Bourgogne, signée par d’autres présidents de composantes. Il y est fait référence à l’immense désespoir des étudiants, avec une interrogation sur la différence de traitement entre les étudiants en université et ceux qui sont dans les classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) ou en BTS, où la scolarité est maintenue. La question résonne. Elle se pose ainsi : la jeunesse universitaire est-elle moins précieuse que celle qui étudie dans les lycées ?
Il nous faut donc des priorités.
Donnez priorité aux échelons locaux de proximité les plus aptes à prendre en compte les difficultés sociales des étudiants. Régions, départements et villes ont un rôle plus important à jouer. Il faut leur garantir budgétairement les conditions d’une prise en charge optimale pour tous. Aujourd’hui, c’est d’une dimension territoriale des solidarités dans la proximité que nous avons besoin. Des incompréhensions entre l’État et les territoires doivent être levées.
Donnez priorité à un calendrier de reprise des cours en présentiel, en liaison avec une campagne volontariste de tests et de vaccination. Rien ne l’interdit à ce stade, malgré les incertitudes sur l’évolution de la pandémie. Cette génération est précieuse. Il faut que la vaccination soit effective pour toutes les étudiantes et tous les étudiants. Cela apportera la preuve de leur importance.
Donnez priorité à l’action des collectivités locales pour accepter la mise en place des dispositifs d’emploi, de formation, de stages, adaptés à la période.
Donnez priorité à chaque université, dans sa singularité et son autonomie, pour trouver des solutions appropriées à ses propres difficultés. L’institution elle-même a ses propres difficultés, mais elle est épuisée par les changements.
Donnez priorité à la réflexion sur l’ensemble des dispositifs et critères d’aides, de bourses et de revenu étudiant de façon sérieuse, sans excès idéologique, mais sans tabou. Nous sommes pour une prise en compte améliorée des inégalités constatées ou vécues, sociales comme territoriales. Chaque étudiant doit pouvoir vivre dignement dans ses études, et non de ses études ! Les comparaisons internationales doivent nourrir utilement nos réflexions et inflexions.