Intervention de Marlène Schiappa

Réunion du 10 février 2021 à 22h00
Respect des libertés publiques protection de la vie privée : un nécessaire état des lieux des fichiers dans notre pays — Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

Marlène Schiappa :

De même, le militantisme n’est évidemment pas, en soi, une donnée intéressant les services au regard d’un engagement syndical. En revanche, il est important de savoir si un individu radicalisé est représentant du personnel de l’entreprise : dans ce cas, il peut jouir d’une influence plus forte auprès de ses collègues pour les inciter, par exemple, à rejoindre des idéologies prônant la violence, voire à passer à l’acte.

L’examen du Conseil d’État intervenant après l’examen de la CNIL, il me semble normal que celle-ci ne se soit pas prononcée sur cette évolution.

Les décrets précisent explicitement qu’aucune recherche dans les fichiers ne peut être réalisée à partir de ces données sensibles.

Le Gouvernement ne permet pas le fichage des syndicalistes. Appartenir à un syndicat n’est jamais une raison justifiant un fichage.

Est-il possible de recourir à la reconnaissance faciale dans ces fichiers ? Je tiens à répondre clairement à cette question : comme la CNIL l’indique dans son communiqué du 11 décembre dernier, aucun dispositif de reconnaissance faciale n’est prévu et aucun dispositif de requêtage par photographie n’est possible.

De la même manière, les enfants de moins de 13 ans ne peuvent être fichés, et c’est heureux. Un membre du Conseil d’État, chargé de la vérification, remet chaque année un rapport sur ce sujet. J’espère avoir ainsi répondu à l’interpellation de Mme la sénatrice Assassi.

Il n’y a pas non plus d’interconnexion automatique entre les différents fichiers. Il peut y avoir des rapprochements manuels, mais rien n’est automatisé. Monsieur le sénateur Max Brisson, il n’existe aucune interconnexion entre des fichiers ayant des buts différents.

Je voudrais également préciser que toutes les personnes du monde politique ou syndical ne peuvent être fichées. Il me semble qu’une certaine confusion a pu s’installer avec le projet Edvige, envisagé en 2008, qui n’a jamais vu le jour. Monsieur le sénateur Paul Parigi, seules les personnes représentant une menace grave pour la sécurité peuvent être fichées et non l’ensemble des acteurs du champ syndical, politique ou même économique.

Comme l’a très justement souligné Mme la sénatrice Nicole Duranton, les fichiers et les données que nous offrons tous les jours à Google ou à différents acteurs numériques sont bien plus sensibles, bien plus personnels et bien moins contrôlés.

Je voudrais enfin préciser que des personnes morales peuvent, à l’évidence, représenter une menace pour la sécurité publique. C’est d’ailleurs l’objet du projet de loi confortant le respect des principes de la République qui arrivera bientôt en discussion au Sénat. Je pense aux associations violentes, aux groupements de fait, aux gangs, aux groupes criminels et aux groupes sectaires. Dans ce cas, le fichage se fait au travers des individus qui les composent. Elles ne figureront donc pas comme élément d’évaluation de la menace que représente une personne. Toutefois, le fait qu’un individu participe, par exemple, aux réunions d’un groupe néonazi constitue en soi une information, un élément d’appréciation de sa potentielle dangerosité.

De même, il peut être important de signaler qu’une personne présentant une menace fait partie d’une association ou d’un groupement quelconque pour déterminer, par exemple, son potentiel cercle d’influence, ses relations, ses tentatives d’entrisme ou de déstabilisation. En matière de lutte contre le terrorisme islamiste, il est absolument fondamental de pouvoir disposer de ces informations, très précieuses pour les forces de sécurité intérieure.

Par ailleurs, mesdames les sénatrices Carrère et Apourceau-Poly, en ce qui concerne l’application TousAntiCovid, je tiens à préciser que les données de santé sont gérées et traitées exclusivement via le ministère de la santé. Elles ne servent pas au ministère de l’intérieur. Il s’agit de données du plus haut niveau de sensibilité et de sécurité. Elles font l’objet de mesures de sécurité très particulières pour s’assurer que nul ne puisse y accéder et s’en servir. Il me semble important de le préciser au regard de la période de pandémie que nous traversons. Ces données ne sont en aucune façon utilisées par le ministère de l’intérieur.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, soyez-en certains, le Gouvernement partage votre attachement fondamental aux libertés publiques et partage également votre attachement à l’efficacité des services de renseignement des forces de sécurité intérieure pour mieux nous protéger, tout en respectant nos libertés publiques fondamentales, qui font la grandeur de la démocratie.

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