Je suis très heureux d'être avec vous au Sénat, cette grande maison des collectivités territoriales, et particulièrement à la délégation aux Collectivités territoriales, dont nous apprécions à l'APVF les réflexions, le travail et les contributions. Je vous rappelle que notre association fédère 1 300 des 4 000 communes ayant entre 2 500 et 20 000 habitants. Notre ADN consiste à ne se positionner ni comme complaisants ni comme opposants, mais comme proposants. Comme vous, au sein de la délégation, nous aimons venir avec des propositions, des contributions et des « Livres blancs ». Nous avons procédé ainsi lors du « Grand débat national », au moment du « Ségur de la Santé », sur des sujets cruciaux tels la transition écologique ou la désertification médicale, et nous le faisons actuellement sur les conditions d'une bonne relance, qui doit, pour profiter au pays, passer par les territoires. Nous voulons « élargir les gammes », pour dépasser les sujets habituels - et essentiels - des finances et des statuts.
La question qui nous occupe aujourd'hui est celle de la crise sanitaire. Cumulée avec une crise économique et une crise sociale, elle nous rappelle combien les collectivités sociales sont indispensables pour faire en sorte que les politiques publiques diffusent jusqu'au « dernier kilomètre », celui qui permet d'aller jusqu'à l'habitant, au citoyen, et à l'administré. Nous avons vu les déficiences qu'entraîne le fait de ne pas mettre les communes dans la boucle sur la question des masques, sur la question des tests et sur la question de la stratégie vaccinale.
Comme nous l'avons affirmé depuis le début de la pandémie, nous sommes là pour accompagner toutes les actions destinées à accroître la résilience de notre pays aux crises sanitaire, économique et sociale auxquelles il est confronté. Les collectivités que nous représentons ont fait preuve d'une grande agilité et d'une grande efficacité, avec ce point de départ qu'est la proximité. Notre capacité à organiser l'ensemble des dispositifs à la maille la plus fine s'est illustrée lorsqu'il a fallu fournir des masques en un temps record, lors du déconfinement, à l'occasion duquel nous avons plaidé pour un équilibre du couple maire-préfet, puis pour l'organisation des tests viraux et, à présent, dans le cadre de la campagne vaccinale.
S'agissant de la mise en oeuvre de la stratégie vaccinale, qui est essentielle pour sortir de la crise sanitaire et amorcer une relance, nous avons fait savoir au Gouvernement dès l'automne, comme d'autres associations d'élus, que nous étions prêts à mettre à disposition des locaux et des personnels. Grande a été notre surprise de ne pas y avoir été associés et d'apprendre, souvent par la presse ou par le biais des différentes préfectures, le dispositif qui a été déployé. C'est dommage, car lorsque nous disons que nous sommes prêts, nous le sommes, et il ne faut pas décevoir l'attente des élus et savoir jouer la carte de la confiance. Le fait que les maires soient incapables de répondre à leurs administrés, qui les sollicitent en permanence pour être informés des dispositifs qui vont être mis en place, participe d'une forme de lassitude, voire de colère sourde. Alors que les élus et les maires des petites villes sont en première ligne, ils ne trouvent souvent personne au bout de la ligne lorsqu'ils se tournent vers les services de l'État, qu'il s'agisse des services déconcentrés ou des services du Gouvernement.
Contrairement à ce que pensent certains, le fait d'avoir 34 000 communes en Franceest une chance, car cela signifie qu'il y a un représentant de l'État partout en France. C'est précieux en cas d'accident industriel ou de catastrophe naturelle et il est regrettable qu'on l'oublie trop souvent à l'occasion d'une telle épidémie.
Le quatrième D de loi 4D correspond à la « décomplexification » et je ne vous cache pas que le seul fait de prononcer ce mot fait peur. Le terme de « simplification » eut sans doute été préférable. En outre, on peut craindre qu'il y ait un cinquième D, celui de « disparition », et il nous faut veiller à ce que ce texte ne soit pas renvoyé à plus tard, car il est essentiel et parce que l'ensemble des associations d'élus y ont apporté leur contribution, comme elles l'avaient fait lors de la présentation du texte « Engagement et proximité », dont nous attendons que les lacunes soient palliées par la loi 4D.
Plutôt que « décentralisation » et « déconcentration », nous disons : « décentralisation jusqu'au bout ». En effet, le sentiment nous pèse depuis des années que la décentralisation n'est jamais terminée, et qu'on n'en finit jamais. Au-delà de cette impression d'inachevé, cela conduit surtout à un constat d'instabilité, car nous passons notre temps à changer les règles du jeu de l'organisation territoriale de notre pays. Il faut aujourd'hui aller au bout de la décentralisation.
Si la décentralisation ne s'accompagne pas d'une déconcentration, l'exercice sera vain. Dans le domaine sanitaire, on constate, comme vous l'avez dit, Madame la présidente, une verticalité qui donne le vertige, alors que l'horizontalité pourrait donner de l'oxygène. Quand on voit le grand nombre d'organismes au niveau étatique qui ont en charge la stratégie vaccinale, qui sont pléthore, on pense que sa mise en oeuvre à la maille la plus fine, c'est-à-dire au niveau départemental, serait susceptible de changer grandement la donne. C'est également vrai sur les questions de logement, de transition écologique, mais aussi sur les questions de mobilité.
Je vous rejoins pour souhaiter une différenciation encadrée, car nous sommes attachés comme à la prunelle de nos yeux à une République une et indivisible. Nous plaidons sur ce sujet pour une expérimentation renforcée, car les règles qui s'y attachent empêchent actuellement qu'elle soit bien vécue.
S'agissant enfin de la « décomplexification », je vous rappelle que ce n'est pas la première fois que l'on s'essaie, tant au Parlement qu'au niveau du Gouvernement, à un exercice de simplification. Là encore, cette démarche nécessite de s'appuyer sur l'expertise des élus locaux. La loi a institué à cette fin des lieux de coordination de l'action publique : qu'on leur donne un contenu et des missions, dont celle consistant à identifier les leviers de simplification qui sont nécessaires. Loïc Hervé vous présentera ultérieurement nos propositions en ce qui concerne les évolutions que nous souhaitons sur la Décile.