Intervention de Stéphane Bijoux

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 2 février 2021 : 1ère réunion
Échange avec m. stéphane bijoux député européen dans le cadre de la préparation de son rapport sur la stratégie européenne à l'égard des régions ultrapériphériques rup

Stéphane Bijoux, député européen :

Je souscris à votre appel à la simplification dans l'accès aux fonds européens. Plus c'est compliqué, moins il y a d'accessibilité et d'appropriation. Cela brouille la visibilité sur l'utilité de l'Europe dans le quotidien de nos concitoyens. Ce chantier est à la fois, européen, national et régional. Ma commission est souvent en relation avec le Gouvernement et avec le secrétaire d'État chargé des affaires européennes, Clément Beaune. Nous sommes très attentifs à la mise en oeuvre des fonds à l'échelle nationale puis à l'échelle régionale. Il arrive que, dans certaines régions, des procédures supplémentaires aux procédures européennes soient rajoutées. Un audit a été lancé pour simplifier les procédures d'accès aux fonds européens. D'une façon générale, il est nécessaire de trouver des solutions pour favoriser la circulation de l'information. Les appels à projets lancés par la Commission ne sont, par exemple, pas encore assez connus de nos acteurs de terrain qui devraient être mieux accompagnés pour le montage des dossiers.

Toutefois, une autre réalité est également à prendre en compte, et peut-être l'avez-vous ressenti en élaborant votre rapport. Malgré la complexité des procédures, nous avons la chance d'avoir dans nos territoires plusieurs « champions » de l'utilisation de ces fonds : la Polynésie sur le programme Erasmus ; La Réunion sur le FEDER ; les Antilles sur d'autres programmes... Ce sont de véritables savoir-faire qui gagneraient à être partagés. Faisons circuler les expertises pour que nous puissions agir avec la force du « collectif » dans ces démarches d'appropriation et d'utilisation des fonds européens. Nous pourrions organiser une sorte d'Erasmus entre nos collectivités pour partager le meilleur de nos savoirs.

La coopération régionale est un domaine d'une importance fondamentale. Il y a quelques semaines, au Parlement européen, j'étais rapporteur pour mon groupe politique sur le programme Interreg. Sur ce programme, 280 millions d'euros seront dédiés aux RUP. Des priorités ont été définies pour l'ensemble de l'Europe et Interreg aura deux axes de travail thématiques prioritaires : l'environnement et le social. Compte tenu de nos géographies et du dérèglement climatique, nos territoires seront de plus en plus exposés aux catastrophes naturelles. Il faut que nous puissions coopérer avec nos voisins sur tous ces sujets. Dans chacune de nos régions, un travail en commun doit être fait pour nous préparer à ces catastrophes naturelles et pour faire face aux défis de demain. Le nouveau programme Interreg rendra cela possible. Je me bats pour la coopération régionale parce que je crois qu'en parallèle de la consolidation du lien entre nos territoires et l'Europe continentale, nous devons aussi développer une relation Sud-Sud beaucoup plus importante. La recherche de solutions face aux nouveaux défis passe par là. 20 % des fonds Interreg dans le cadre du nouveau programme pourront être fléchés vers les « petits porteurs » de projets. C'est une victoire ! Personne n'a le monopole des bonnes idées. Je n'aime pas trop utiliser cette expression de « petits porteurs » parce que derrière eux se trouvent souvent de grandes idées et de la motivation pour construire des solutions.

S'agissant de l'octroi de mer, cette dérogation fiscale est un bouclier qui protège notre production locale. Nous ferons tout pour protéger ce bouclier, et être « le bouclier du bouclier ». Dès que nous avons appris l'existence de cette initiative unilatérale de la Commission européenne de vouloir réformer le système, nous avons entrepris de nombreuses démarches. Entre-temps, les lignes ont bougé et la Commission revoit un peu sa copie.

Le combat que nous menons pour l'octroi de mer consiste à protéger la production locale et les ressources des communes pour lesquelles, en moyenne, l'octroi de mer représente 30 % des recettes. Or, les défis à l'échelle de la commune sont de plus en plus importants et complexes, d'où l'importance de la préservation de cette ressource. La volonté initiale de la Commission de vouloir intégrer les parts de marché comme critère d'attribution était inacceptable ! Une attention particulière doit être portée aux parts de marché mais on ne peut pas accepter que ce soit un critère d'attribution. L'élévation du seuil d'assujettissement permet de protéger les petites entreprises tout en élargissant la liste des produits bénéficiant de cette protection.

Je comprends la volonté de la Commission de vouloir plus de transparence mais ceci doit aller avec une exigence d'efficacité et de résultats. Vous pouvez compter sur mon engagement à être vigilant sur ce dossier. Ce qui est en jeu est notre capacité à rappeler aux institutions européennes que nous n'accepterons pas que soit remis en cause l'article 349 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) qui impose la prise en compte par l'Europe de nos spécificités. Nous avons en effet des défis structurels liés à notre géographie, à la taille de nos marchés, mais aussi à notre histoire. L'Europe doit intégrer cette réalité dans son accompagnement de nos territoires. J'ai entamé, de mon côté, des discussions à la fois avec les services de la Commission et avec les autorités françaises pour que cette indispensable protection de la production locale qu'est l'octroi de mer perdure.

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