Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui M. Jean-Bernard Lévy, président-directeur général d'EDF, pour nous entretenir avec lui des défis auxquels est confronté ce grand groupe public auquel nous tenons tant, à commencer par le projet de réforme Hercule. Depuis fin 2018, notre commission a interrogé à six reprises les ministres de l'énergie et de l'économie sur ce sujet. Nos commissaires ont participé à deux débats en séance publique. Vous-même, monsieur le président-directeur général, intervenez devant notre commission pour la troisième fois. Or, ces échanges, toujours de très grande qualité, n'ont pas permis aux Parlementaires que nous sommes de connaître précisément les tenants et aboutissants de ce projet de réforme.
C'est pourquoi, dès le 7 juin dernier, notre commission a demandé au Gouvernement, dans le cadre sa « Feuille de route pour une relance bas-carbone », d'être associée aux travaux préalables à toute réorganisation. Faute de réponse satisfaisante de la part du Gouvernement - ou plutôt, faute de réponse tout court ! - notre commission a constitué un groupe de travail sur les réformes du marché de l'électricité, confié à nos collègues Daniel Gremillet, Patrick Chauvet et Jean-Claude Tissot, qui ne manqueront pas de vous interroger.
Monsieur le président-directeur général, pardonnez ces critiques préalables, qui ne vous sont pas adressées et - vous l'aurez compris - s'adressent au Gouvernement. Il devient crucial de démêler les enjeux en présence devant la représentation nationale : nous voulons sortir de cette audition en en sachant un peu plus sur les contours et le calendrier de la réforme, ainsi que sur son impact pour les salariés du groupe et les collectivités territoriales.
Dans ce contexte, incertain et même anxiogène, je souhaiterais vous poser trois séries de questions. En premier lieu, pouvez-vous nous préciser l'état d'avancement du projet Hercule ? Selon la presse, il pourrait conduire à un partage des activités du groupe - les salariés évoquent son « démantèlement » ! - et plusieurs filiales : EDF bleu, à capitaux publics, pour les activités nucléaires et de transport ; EDF vert, ouverte aux capitaux privés, pour les activités renouvelables, de distribution et de services ; et « EDF azur », quasi-régie consacrée aux activités hydroélectriques.
Est-ce bien ce schéma qui tient la corde ? Si oui, comment garantir le « caractère intégré du groupe », que vous aviez vous-même qualifié de fondamental lors de votre dernière audition ? Quelles seraient les activités ouvertes aux capitaux privés, à quelle hauteur et avec quels acteurs ? Que répondez-vous à ceux d'entre nous qui considèrent que cette réorganisation conduirait à nationaliser les pertes et à privatiser les profits du groupe ?
Par ailleurs, quel est le calendrier de cette réforme ? Notre rapporteur pour avis sur les crédits de l'énergie, Daniel Gremillet, a obtenu de la ministre de la transition écologique, devant le Sénat, le 13 janvier dernier, l'engagement public que le projet, s'il aboutit, fasse l'objet d'un véhicule juridique spécifique : c'est la moindre des choses ! Pensez-vous qu'un texte puisse être examiné avant la fin de ce quinquennat ?
Enfin, quelles sont les alternatives au projet Hercule ? La ministre de la transition écologique a souligné devant l'Assemblée nationale, le 3 février dernier, la nécessité d'envisager « un plan B » en cas d'échec des négociations. Réfléchissez-vous à d'autres types de réorganisation ? Pour reprendre la formule de la ministre, existe-t-il un projet « Hector » en lieu et place du projet Hercule ?
En deuxième lieu, le projet Hercule est-il à la hauteur des difficultés financières d'EDF ? Selon la presse, il aurait pour préalable une réforme de l'accès régulé à l'énergie nucléaire historique (Arenh), dispositif de régulation par lequel EDF vend, au prix de 42 euros par mégawattheure, un quart de sa production à ses concurrents. Ce dispositif serait remplacé par un corridor de prix, qui concernerait la totalité de la production d'EDF ; dans cette perspective, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) aurait évalué à 48 euros le coût de production de l'énergie nucléaire ... alors que vos services l'estimeraient à 53 euros !
Ce montant suffira-t-il ? Le groupe fait face à un « mur d'investissements » : je rappelle qu'il est grevé d'une dette de 42 milliards d'euros, alors qu'il doit financer le Grand carénage, les chantiers des EPR et des investissements en matière d'énergie renouvelable. Par ailleurs, ces dépenses ont été renchéries par deux récentes déconvenues. La première a trait aux difficultés des chantiers des EPR, et la seconde, aux répercussions de la crise de la covid-19.
En dernier lieu, le projet Hercule est-il de nature à renforcer la compétitivité de l'énergie nucléaire par rapport aux énergies renouvelables ?